Le bureau du poète
Je suis entrée dans la pièce sur la pointe des pieds. Avec respect. Avec bonheur. Les écrivains ne laissent pas tout le monde entrer dans leur pièce, dans le lieu d’écriture et de réflexion qui est le leur, dans leur monde. Je suis entrée sur la pointe des pieds. Je ne pouvais faire autrement, de toute manière. Il y avait des livres partout, sur les étagères, sur le bureau, en piles par terre, comme dans la toile d’Ephraim Rubenstein.
Fernand Ouellette et moi allions nous asseoir au salon pour une longue entrevue, nous allions parler de poésie, de la passion d’écrire. Mais il avait tenu à ce que j’entre dans son bureau. Cadeau immense qu’il m’a fait là. Moment dont je me rappellerai toujours. Cet antre, cette caverne aux trésors, ces piles qui n’en finissaient pas, ce n’était pour moi que bonheur. Livres qu’il lisait, recherches en cours, pages d’écriture, ce n’était pour moi que bonheur.
Celui a qui on a décerné hier le Grand Prix international de poésie de langue française Léopold Sédar Senghor fait partie de ces poètes incontournables de la littérature de chez nous. Il fait aussi partie de ces hommes pour qui le mot humanité a un sens et qui laissent à ceux qui le rencontrent un souvenir impérissable.
Et curieusement, quelques années après cette rencontre, il me semble que si nous nous retrouvions à nouveau, il sortirait des biscuits et deux grands verres de lait, pour prolonger la conversation, comme il l’avait fait, alors que le réalisateur et les caméramen étaient partis.
Et peut-être me lirait-il un extrait de Présence du large :
En traçant mon désir
Sur la rivière,
Tout était lisse d’ombreux…
Le souffle conviait
La fraîcheur des reflets.
S’exposait pour le regard
Une grande image
De bonheur, une résistance à la nuit
Lointaine et si proche.

Super
ça me donne une idée pour mon instant de lecture de ce dimanche…
Commentaire by Armando — 24 juin 2008 @ 11:45