La veuve
Monelle était veuve depuis près d’un quart de siècle. Et toutes ces années, elle n’était jamais entrée dans le bureau de Wilhelm. Pas une fois. Par pudeur, par peur d’y trouver là un monde qu’elle ignorait, pour une foule de raisons qui lui barraient la gorge et la retenaient d’oser le geste de tourner la poignée.
S’il n’y avait eu ce dégât d’eau au sous-sol, peut-être même ne serait-elle jamais entrée dans le minuscule habitacle plein de livres et de papiers que son mari avait aménagé. Peut-être même que dans quelques années, à l’heure où il aurait fallu vendre la maison, elle aurait laissé y entrer d’autres qu’elle. Mais l’eau était partout et il fallait bien faire quelque chose. Éponger. Constater les dégâts. Trouver l’origine de la fuite.
Et Monelle était entrée. Le désordre qui régnait dans la petite pièce était à peine descriptible. Mais pas une goutte ne s’était glissée sous la porte. Tout était intact. Les livres ouverts, quelques carnets, des tonnes de filières remplies de l’écriture fine de celui qui se réfugiait là dès qu’elle allait dormir et qui y passait le plus clair de ses nuits.
Et toutes ces années, elle n’avait jamais su ce qu’il faisait de ses nuits enfermé dans son bureau. Elle n’avait jamais osé le lui demander tant il vivait côte à côte dans des univers qui ne se rejoignaient plus depuis longtemps. Et les mots qu’elle lit ne lui expliquent rien du tout. Elle sait seulement qu’ils ne lui étaient pas destinés.
*sur une toile de Wybrand Hendriks
Merci Lali pour ce très beau texte.
Comment by Denise — 3 avril 2009 @ 9:34
Ma maîtresse lit l’histoire d’une dame qui coud pendant qu’elle lit avec un chien qui vous parle… eh oui, les nouvelles vont tellement vite que le temps de les dire elles sont déjà dans les livres…
Comment by Nuage de bleu — 3 avril 2009 @ 22:58