En vos mots 962

Presque tous les dimanches, j’ai l’impression que la semaine a passé trop vite et que je n’ai pas eu l’occasion de faire tout ce que j’avais prévu. C’est encore le cas aujourd’hui. Probablement parce que j’ai peu dormi ces derniers jours (voire ces dernières semaines) en raison d’une douleur persistante à l’épaule, qui s’est étendue au bras et même à la main. Heureusement, je devrais venir à bout de celle-ci, une ostéopathe s’occupe désormais de mon cas. Mes journées vont donc débuter par quelques exercices. Je pourrai donc sous peu tendre le bras, comme le fait la lectrice peinte par Ayuesh Argawal, sans souffrir.
Maintenant, à vous de nous raconter celle-ci en vos mots, de la regarder, de vous glisser dans sa peau, d’imaginer la suite, comme vous le faites si bien semaine après semaine. Et comme aucun commentaire ne sera validé avant dimanche prochain, vous avez amplement le temps de lire les textes déposés sur la scène livresque de dimanche dernier et d’écrire quelques lignes. C’est avec plaisir que nous vous lirons.
D’ici là, bon dimanche et bonne semaine à tous les envosmotistes et à celles et ceux qui les lisent.
Quand elle lit, elle rêve. Mais le fil des mots l’entraîne trop vite. Plus vite que son rêve. Alors, même si un côté insatiable de sa personnalité la pousse à poursuivre, à dévorer sans vergogne, à se gaver sans retenue, elle s’arrête. Elle repousse le livre et allonge un bras sur la table, s’en servant comme oreiller. Afin de maintenir l’ouvrage à distance, et de laisser de l’espace pour la rêverie. De l’espace pour l’évasion. Et pour l’oisiveté totale.
Commentaire by anémone — 29 septembre 2025 @ 15:41
C’était un samedi comme la nonchalance des jours sans histoire sait si bien les faire.
Elizabeth s’amusait à lire La revanche des princesses, de Clémentine Beauvais, qu’elle avait trouvé par terre, dans la chambre de sa fille. Un moment de détente sans prétention. Aussi, une manière d’entrer, amusée et curieuse, dans l’univers rêveur de sa fille. Si insouciante et si joyeuse.
La radio, en fond sonore, semblait inaudible jusqu’à ce que la voix de Marc Hervieux, annonce, dans son programme C’est si bon, un classique de la chanson québécoise. L’évocation de « Quand les hommes vivront d’amour » est venue interrompre brusquement, sa lecture et la plonger dans la nostalgie de ce jour de 1956, où, fillette, elle regardait l’immensité infinie de la mer avec inquiétude et fascination.
Ses parents, austères et silencieux, prenaient soin d’elle comme si elle était toute leur richesse. Papa ne cessait de la caresser des yeux. À l’évidence pour cacher son inquiétude dans l’avenir. Maman, pauvrement habillée, avec ses chaussures d’un autre temps et inadaptées pour l’hiver, ne cessait de prier la vierge Marie, en regardant le ciel. Pour mieux se faire entendre, sans doute.
Dans son mappemonde, Lisbonne était tellement loin de Montréal. Il y avait tant de levers et de couchers de soleil avant l’arrivée, qu’Elizabeth n’aurait pas assez de doigts pour les compter. À la tristesse de perdre la chaleur rassurante de son village se mélangeaient les rêves d’une nouvelle vie dont on n’avait pas la moindre connaissance.
Elizabeth n’a jamais oublié le cri heureux du bateau lorsque Montréal s’est pointée à l’horizon. Papa et maman se sont mis debout. Comme en signe de respect. Ou de peur. Elizabeth était trop intimidée pour le savoir.
Les premiers pas. Les rues lui étaient si tristes. Et les gens lui parlaient une langue dont elle ne comprenait pas le moindre mot. À la radio, quelqu’un chantait « Quand les hommes vivront d’amour… » Elizabeth ne comprenait rien de la chanson, mais la voix lui semblait si accueillante et si chaleureuse, qu’elle s’est sentie quelque peu rassurée.
Puis, le temps qui suit son inarrêtable voyage. L’avenue Coloniale. Le Plateau. Les premières amitiés. Les premiers flirts. Les infatigables conseils de sa maman. Son éducation trop stricte. Toujours tiraillée entre deux cultures. Et puis vint le jour où, diplômée de l’université de Sherbrooke, elle est redevenue, pour quelques instants, dans les bras fiers de ses parents, cette petite fille qu’ils regardaient comme leur seule richesse.
C’était un samedi comme seul le fil des jours sans histoire sait si bien les faire. La voix de Raymond Lévesque… puis des milliers de souvenirs enfouis au fond de son cœur.
Commentaire by Armando — 3 octobre 2025 @ 4:51