En vos mots 945

La lectrice peinte par Nathan Bertling ne devrait pas être à court de livres à lire pour un moment. Mais quelles sont ses préférences? Comment choisit-elle ce qu’elle va lire? Y va-t-elle au hasard? Se laisse-t-elle guider par les titres, les résumés, les auteurs? À vous de nous raconter en vos mots ce qui vous vient en tête en regardant cette lectrice.
Comme le veut l’habitude, aucun commentaire ne sera validé avant dimanche prochain. Vous avez donc plus que le temps de faire vivre ce tableau à votre façon, de lire les textes déposés sur la scène livresque de dimanche dernier, et même de commenter ceux-ci si vous en avez envie. C’est avec plaisir que nous vous lirons.
D’ici là, bon dimanche, bonne semaine et bon début de mois à tous les envosmotistes et à celles et ceux qui les liront.
Anne se désole quelquefois, car elle n’a plus jamais le temps de lire un livre entier. Elle dispose pourtant d’une énorme bibliothèque, que beaucoup lui envieraient. Elle a bien essayé de venir à bout d’un roman en en ingurgitant quelques pages quand elle le pouvait. Mais d’une fois à l’autre elle oubliait où elle en était, ce qui s’était passé. Elle avait perdu le fil. Et quoi d’étonnant! De plus, il arrivait qu’elle se sente si fatiguée qu’elle n’arrivait pas à se concentrer longtemps. Où était l’époque où elle était tenue en haleine au point de ne pas lâcher son livre de toute la nuit? Maintenant, il lui était arrivé de tomber endormie après une ou deux pages! D’ailleurs, pour cette raison, plus moyen actuellement de lire au lit. Heureusement, elle a trouvé un moyen miraculeux de rester en contact avec ses bien-aimés compagnons de lecture. Chaque soir, elle s’assoit quelques minutes dans sa chère bibliothèque. Et elle prend d’abord quelques bonnes respirations. Puis elle se saisit d’un ou deux livres, en général au hasard. Parfois aussi, elle les choisit soigneusement. Parce que surgit en elle une envie bien particulière. Elle les feuillette alors, et en hume l’odeur. Y retrouve fréquemment une coupure de journal, une image, une fleur séchée. Le souvenir lui revient, souvent ému, de la période et du lieu où cet ouvrage l’a tendrement accompagnée. Elle cueille ensuite quelques phrases, qu’elle savoure et laisse fondre très doucement, à dose homéopathique. Comme un bonbon sous la langue. Avec une satisfaction raffinée de gourmet. Puis elle s’en va dormir tranquillement, totalement nourrie de cette présence si réconfortante, de ce plaisir si pur qu’elle est allée réveiller. Tout en rêvant à un futur où elle aura moins de travail, et où elle pourra redevenir la lectrice tellement gourmande qu’elle était auparavant.
Comment by anémone — 4 juin 2025 @ 15:50
Pour fabriquer le papier nécessaire virgule (le papier nécessaire virgule) chaque dimanche virgule au numéro du Herald Tribune virgule, il faut abattre six hectares et demi de forêt point. (six hectares et demi de forêt point.) Soixante-cinq mille mètres carrés de la création de Dieu virgule pour divulguer les méchancetés virgule (les méchancetés virgule) les suffisances et les sottises des hommes (les sottises des hommes) de ce siècle point d’exclamation paragraphe. (*)
Sa voix était aussi précise que patiente.
Dans un silence de messe, Mlle Nathalie levait, avec régularité, les yeux, comme pour s’assurer qu’on arrivait à suivre la rythmique de sa dictée. On entendait, la voix douce et bienveillante, Les enfants, faites attention au trop d’encre… Je veux voir des écritures propres et sans ratures… et s’il vous plaît, n’oubliez pas d’indiquer vos noms, en haut, à droite…
Et nous, on s’appliquait du mieux qu’on pouvait. Puis, la dictée achevée, on échangeait sur la façon d’écrire tel ou tel mot ou encore sur la bonne manière d’accorder une phrase, sous le regard amusé de Mlle Nathalie.
Il m’arrive parfois de penser à ces heures de l’enfance. À ce bonheur sans nom. À ces instants de tendresse qu’on n’avait pas encore appris à nommer. À ces heures qui ont fait naître au plus profond de nous le goût des choses inconnues que, seulement quelques années plus tard, on a appris à savourer.
Tant de souvenirs se bousculent, lorsqu’au hasard d’un mot je me demande s’il s’écrit avec deux m ou s’il me faudrait un s à la fin, et que je revoie le sourire de Mlle Nathalie qui me revient comme une caresse de l’enfance.
(*) Ce siècle appelle au secours (Gilbert Cesbron)
Comment by Armando — 7 juin 2025 @ 23:40