Lali

28 avril 2024

En vos mots 888

Filed under: Couleurs et textures,En vos mots — Lali @ 8:00

Déjà le dernier dimanche d’avril. Le temps passe décidément trop vite. Est-ce la même chose pour la lectrice de l’artiste d’origine ukrainienne Sveta Dorosheva? À vous de nous le dire, en vos mots, puisque cette illustration vous appartient.

Comme aucun commentaire ne sera validé avant dimanche prochain, vous avez plus que le temps d’écrire quelques lignes et de lire les textes déposés sur la scène livresque de dimanche dernier. C’est avec plaisir que nous vous lirons.

D’ici là, bon dimanche et bonne semaine à tous les envosmotistes et à celles et ceux qui les lisent.

2 commentaires »

  1. Lisbonne, 5 mai 2024

    Ma chère B.,

    Te dire que je ne pense pas souvent à ce que aurait pu être nos pauvres vies, si les choses avaient été autrement, ce serait mentir.
    Il m’arrive d’être triste. Je me raconte l’absurde de tant de gâchis. Tant de tendresses perdues, de sourires morts avant de naître. Tant de nous que nous n’aurons jamais.
    Puis, certains jours, je me dis que nos vies se sont passées telles qu’elles devraient l’être. Comme la plume du temps les à écrites. Avec ses ratures et ces heures où le verbe était moins heureux. Comme si parfois lui aussi pouvait manquer de talent. Et on aurait bien tort de vouloir changer les virgules, qui sont autant de cicatrices dans l’imaginaire de ce qu’on croit que tout aurait pu être.
    Bien sûr qu’on aurait pû se croiser quelque part, dans l’indifférence. Ne pas s’aimer. Pire. Se détester à un tel point que le même sang qui coule dans nos veines aurait honte de nous.
    Partout, dans les romans ou dans des histoires d’autres vies, j’apprends que des frères et des sœurs qui ont vécu la même enfance finissent par se détester.
    Pour un mot trop haut. Pour un amant vulgaire et rustre. Pour une fiancée trop différente de celle qu’on avait imaginé pour vous. Par un dîner de famille trop arrosé qu’on voudrait effacer.
    Par tout un je ne sais pas de mil et une raisons qui font que les gens n’ont plus envie de se voir ni de se dire que l’autre existe.
    Et toutes ces routes parallèles pour ne plus jamais se croiser. Chacun dans son couloir. Avec le cœur rempli de pensées rancunières. Ne me parlez plus jamais d’elle. Surtout pas. Et autant des je ne veux rien savoir de lui. Pour toujours.
    Et pourtant. Tout serait plus heureux avec moins de fierté. Un peu moins. Vraiment pas grand chose. Juste de la tolérance par manque d’empathie.
    Alors que nous, ma chère B…. Rien. Nous ne savons même pas si, un jour, nous serons face à face. Et ce jour-là, est-ce qu’on aura peur ? Qu’on sera déçus ?
    Puisque l’idée que nous nous faisons de nous, ce n’est qu’une idée enjolivée par nos rêves tissés au fil des longues nuits de solitude et d’inépuisables silences. Embellie par le fantasme de tout ce qu’aurait pû être. Sans nuages sombres ni fêlures. Sans mots amères ni rancunes. Rien que des tendresses. Rien que des mon frère, et des ma sœur, pour seuls prénoms.
    Une chenille qui rêve de devenir papillon. Un bateau errant qui cherche son île au soleil. Là où seules nos silences s’enlacent et nos sourires effacent le souvenir de tous nos maux. Puisque nous nous avons déjà tant dit. Pas vrai ?

    Je t’embrasse.
    A

    Comment by Armando — 3 mai 2024 @ 11:58

  2. Cela commence chaque fois pareil: un roulement de tambour se fait entendre dans sa tête. Et déboulent alors un à un les objets et les personnages des livres. La manière dont ils jaillissent, leur nombre, leur apparence, sont cependant à chaque apparition très différents. Il n’en sort parfois, comme prudemment, que quelques-uns. Alors que d’autres jours l’étagère se révèle envahie et semble prête à craquer de toutes parts. Il arrive que certaines figures fassent connaissance entre elles, et se retrouvent plus ou moins régulièrement. Il en est qui se rencontrent assez fréquemment, se reconnaissent, se plaisent à la compagnie les uns des autres. Céline en a rarement vus qui s’évitent. Et au grand jamais qui se disputent. Ils ont la sagesse de ne pas se chercher noise. Ce serait vraiment bien qu’il en aille de même dans la vraie vie.
    Elle observe à certains moments des arbres qui surgissent, des plantes qui croissent, de véritables jardins qui s’organisent et tentent de se faire une place. La mer roule quelquefois ses vagues, voisinant avec la montagne. Et la ville qui s’étend peut soudain laisser de l’espace à la campagne. Plusieurs époques se chevauchent, marquées par des habits et des styles d’édifices caractéristiques, sans que cela ne semble constituer une difficulté. Certaines silhouettes occupent le ciel et y sont à l’aise, tandis que d’autres marchent, courent, jouent sur le sol ou le talonnent, travaillent la terre. Divers moyens de locomotion se rendent visibles: voitures, trains, diligences, bicyclettes… Céline a même aperçu à quelques reprises une magnifique montgolfière. Les costumes diffèrent selon les saisons. Tel héros peut revêtir une tenue d’été, puis une autre fois une écharpe et un chaud bonnet de laine. Se croiser en même temps à différentes saisons ne paraît pas non plus être un obstacle. Il n’est pas rare qu’une créature en manches courtes fasse la conversation à une autre emmitouflée pour les sports d’hiver, dont les effets soient poudrés délicatement d’un soupçon de frimas. Divers mondes et classes sociales se côtoient également sans gêne. Des princesses couvertes de pierreries s’entretiennent amicalement avec des petites marchandes, des paysannes, des dentellières vêtues modestement. Des gentilshommes bûcheronnent gaiement en devisant avec des farfadets ou des lutins. Les architectures les plus diverses s’érigent côte à côte.
    Bref, tout cet univers sorti de sa bibliothèque et se mouvant librement, qui s’entrecroise joyeusement de façon légère et tellement pacifique, ravit Céline toujours davantage. Et d’une manière si inventive, que jamais elle ne s’en lasse. Elle aimerait grimper parfois sur le manège qui sous ses yeux s’anime. Ou caresser un animal, lui parler, rire avec des enfants, partager leurs jeux. Mais elle n’ose pas, et se l’interdit même. Craignant sans doute à juste titre que pénétrer ces images enchanteresses ne les amène brusquement à s’évanouir, à disparaître, subitement écroulées tel un château de cartes. Pour être à nouveau rangées, de façon péremptoire, cruelle et définitive, à l’intérieur des pages.

    Comment by anémone — 4 mai 2024 @ 17:17

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