En vos mots 872

J’ai partagé avec vous quelques illustrations de Bettina Baldassari en 2021. Et comme j’en ai découvert une nouvelle récemment, qui se prête volontiers à l’hiver, j’ai choisi de vous la proposer pour ce premier En vos mots de l’année.
À vous de donner vie à cette scène livresque à votre façon. Aucun commentaire ne sera visible avant dimanche prochain. Cela vous laisse tout le temps nécessaire pour écrire quelques lignes et pour lire les textes déposés sur la toile de dimanche dernier. C’est avec plaisir que nous vous lirons.
D’ici là, bon premier dimanche de l’année et bonne semaine à tous les envosmotistes et à celles et ceux qui les lisent.
Héloïse aime le café. Elle ne peut pas trop en boire. Ses reins ne le lui permettent pas. Peu de fruits aussi, et de légumes. Trop aqueux. Eviter les bananes, les dattes. Trop de potassium. Héloïse a appris à vivre avec son mal. Cela dépend des jours. Les dialyses la fatiguent, et lui empêchent certaines activités. Partir seulement deux jours relève de l’exploit et d’une grande organisation. Et souvent, elle se sent trop lasse pour sortir, après les séances. En été il est difficile de se priver de boisson. Et les problèmes respiratoires sont plus forts par temps de canicule. En hiver elle se blottit chez elle. Avec ses chats, ses livres, sa couverture lui enveloppant les jambes, comme ce soir. Et le café, comme tout ce qu’elle aime et qu’il lui faut mesurer, elle le savoure. Pleinement.
Commentaire by anémone — 10 janvier 2024 @ 12:24
Lisbonne, 14 janvier 2024
Ma chère B.,
Je me suis si souvent questionné sur ce que nous avons pu garder de nos premières années.
Avons-nous conservé de souvenirs jumeaux des choses identiques que nous avons vécues ou, au fil de nos vies, avons-nous fini par emprisonner les souvenirs dans le tiroir sombre de l’oubli, pour ne l’ouvrir que de temps à autre, lorsqu’un frisson de tristesse nous empêche de dormir, jusqu’à ne plus avoir la douleur brûlante de les avoir vraiment vécus?
Je prie dans mes silences pour que tu sois arrivée à la sérénité de l’oubli.
Malheureusement, je ne suis pas près d’y arriver. Chaque fois que je voyage au pays de l’enfant que j’étais, la douleur est plus vive et plus brûlante que la fois précédente. Le vertige de l’âge, sans doute. La solitude, sûrement.
Il ne me reste que l’espoir pieux d’un jour pouvoir t’entendre me raconter une même enfance, moins douloureuse que celle qui traine dans ma mémoire. Il me plaît de penser que, comme dirait Baudelaire, tu aurais dans tes yeux la tendresse de ton cœur. Et que tu serais plus délicate et plus nuancée dans tes souvenirs.
Ce serait un peu comme si, un soir, tu me lisais les premières pages d’un livre qui raconterait une de ces histoires tristes et amères qui commencent par « il ėtait une fois… » et se terminent, balayant blessures et chagrins, pour ne laisser que la trace lumineuse des sourires tendrement heureux. Et une larme paisible, perlée de bonheur. Même imaginaire.
J’aimerais tant que tu m’apprennes à être de ceux qui oublient et pardonnent. Qui arrivent à faire semblant que vivre est chose heureuse. Qui sont sereins dans leur existence. Et surtout j’aimerais penser que le bonheur retrouvé de leurs vies n’est qu’un pied de nez à tous ceux qui ont blessé leur enfance. Quand j’y pense, j’ai tellement hâte de ces instants qu’ il me semble entendre mon cœur chanter d’allégresse. Et je me dis que nos vies ne peuvent pas se terminer par des points de suspension.
Je t’embrasse.
A.
Commentaire by Armando — 13 janvier 2024 @ 5:15