En vos mots 843

C’est grâce à une carte postale que j’ai découvert le travail de l’artiste Nastya Romakhina, résidant à Berlin, qui signe ses illustrations Thekozerog. Tout de suite, j’ai eu envie de vous proposer de faire vivre en vos mots cette illustration qui m’a beaucoup plu. Elle est donc à vous pour sept jours.
Aucun commentaire ne sera validé avant dimanche prochain. Vous avez donc plus que le temps de lire les textes déposés sur la scène livresque de dimanche dernier, et même de les commenter si vous le souhaitez, en plus d’écrire quelques lignes. C’est avec plaisir que nous vous lirons.
D’ici là, bon dimanche et bonne semaine à tous les envosmotistes et à celles et ceux qui les lisent!
Nous sommes dans l’an de grâce 2051. Et si je devais parler en immeubles anciens, j’aurais sans doute précisé que le livre que je cherchais se trouvait au 25e étage.
Faut dire que la bibliothèque publique était immense. Tant par sa superficie que par sa riche collection.
Un certaine courant de pensée voulait à tout prix la supprimer sous prétexte qu’on pouvait tout trouver dans une basede données, en format numérique et, ce qu’on ne trouvait pas, l’intelligence artificielle pouvait le créer en quelques minutes. Donc pas besoin de s’encombrer de vieux bouquins, porteurs de maladies anciennes, qui ne devraient plus avoir d’existence.
Parmi les plus dangereuses, « la pensée par soi-même » était en tête de liste, mais on s’acharne à découvrir n vaccin.
Le livre que je cherchais parlait de La Fontaine. Et d’une église à Lisbonne. Un ancien monastère. Saint-Vincent de Fora. Où dans les cloîtres des panneaux d’azulejos racontent les fables de La Fontaine.
Aurore l’avait caché le plus haut que cela lui avait été possible. Parce que c’est dangereux.
Nous sommes dans l’an de grâce 2051. Faut dire que les livres de mon enfance ont disparu. Ils ont été réécrits. L’histoire de Blanche-Neige a déjà été réécrite au moins cinq fois. Pour ne blesser personne. Dans la dernière édition, la calèche tirée par quatre chevaux blancs n’existe plus. Le prince est arrivé dans une Porsche. Rouge ou bien rose pâle, selon les versions. La princesse s’est découverte lesbienne. Le prince, lui, est intersexué. Un jeune homme noir, selon les meilleures éditions. Un jour viendra où une version avec un prince inuit verra le jour. Je le vois déjà habillé d’une peau d’ours polaire, avec une calèche tirée par quatre phoques soumis. Comme il convient.
Mais… revenons à mon livre. Qui parle des fables de La Fontaine. Le poète. Aurore ne le trouve plus. Pourtant je suis certaine que je l’ai laissé là, me dit-elle les larmes aux yeux…
Je tremble de colère. Une colère froide. Je serre les poings. J’ouvre les yeux…. Je souris. Mon livre Les fables de La Fontaine du monastère de Saint-Vincent dort sereinement sur la table de nuit.
Je me sens soulagé. Nous ne sommes encore qu’en 2023… J’aurai le temps de bien cacher mon livre. Pour qu’on sache demain qu’aujourd’hui a vraiment existé.
Commentaire by Armando — 19 juin 2023 @ 1:55
« À la bonne échelle du temps, pas trop courte, o tempora, o mores ! »
Ce matin, noyé parmi mes arbustes au jardin, je tailladais, joyeux. La météo, sur le Net, n’avait pas annoncé l’once d’un quart de millilitre de pluie.
Soudain, une belle averse inopinée m’a fait ricocher au plus profond de mon doux logis
Combien de promenades, de pique-niques gâchés ?
Combien de rayons narquois, nous clignant de l’œil ?
Au travers de nos vitres étincelantes,
Si jamais nous restons enfermés, prostrés … ébahis.
Par principe, la météo est difficile à prévoir. OK ! Edward Lorenz, météorologue, a démontré que deux super-ordinateurs identiques, calculant avec les mêmes données de départ finissaient par « diverger », à présenter, in fine, deux prévisions très différentes.
C’est « l’effet papillon », dû aux limitations physiques de la précision, forcément limitée, des calculs numériques.
Et maintenant, en plus, tous les modèles
De conjectures météo deviennent erronés,
Obsolètes : Réchauffement planétaire rapide,
Modification du Gulf Stream, langues d’air polaire,
Remontées sahariennes, tempêtes du siècle,
Fonte des calottes, du permafrost, des glaciers
Des « neiges éternelles », de la banquise,
Rejets de CFC, de CO², pets de ruminants, éruptions solaires.
Pourtant, jadis sur Europe 1, au temps où la plupart d’entre vous, envomotistes et vous qui les lisez, n’était encore que deux tristes moitiés de doubles hélices d’ADN séparées par des centaines de kilomètres,
Un « artiste » à la voix chevrotante, Albert Simon,
Annonçait très justement, la météo !
Expertise due à sa connaissance mémorable des temps passés
Et à un appareillage complexe très fiable :
De l’eau, une grande échelle, un bocal et une énorme grenouille verte,
Voilà la solution !
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PS : Écoutez cliquer ici au-dessous durée 3mn : premier loto en France !!! (C’est quoi la corse comme département ? ??? Heu … rire) Et puis ensuite la « fameuse » météo d’Albert :
http://www.schoop.fr/sons/mp3/europe1_infos_70s.mp3
Commentaire by Cavalier — 19 juin 2023 @ 7:03
Elle est tombée dedans, petite.
Maintenant elle veut s’en sortir.
Tombée dans les pages écrites,
Dans tout ce qui peut se lire.
Alors elle cherche la sortie,
Il lui faut trouver une issue,
Faire quelque chose de sa vie
Qui ne soit pas chose lue.
Elle ne désespère guère
De trouver un jour une trouée,
Une porte, un puits de lumière,
Pour vivre au grand jour, délivrée.
Mais elle n’en voit pas le bout.
Des livres encore, toujours des livres!
Elle se sent sur les genoux.
Mais qu’est-il donc juste qu’elle vive?
Sa fuite serait-elle un échec?
Ou bien son unique univers
Serait-il cette bibliothèque,
Telle un merveilleux sanctuaire?
Commentaire by anémone — 20 juin 2023 @ 15:00
Je n’avais jamais su vraiment ce qu’était une bibliothèque avant Laura.
Elle, par contre, ne connaissait rien d’autre du monde. Enfin, en apparence. Seulement en apparence. Parce que du fait de ses lectures, elle connaissait bien mieux que moi des lieux où elle n’avait voyagé autrement qu’à travers celles-ci.
Elle m’a raconté Alfama, tel quel elle l’avait découvert dans Chanson de la ville silencieuse. Avec la poésie de l’imaginaire en plus.
Cet imaginaire avec lequel on sublime les choses qu’on découvre en lisant. Les parfums qu’on semble sentir au fur et à mesure qu’on dévore les mots. Les sons particuliers du quartier. Une femme qui porte haut sa voix, un enfant qui rigole heureux, un oiseau qui s’envole, une voix qui s’échappe d’un vieux poste de radio, un chanteur de rue. Musicien errant en quête de quelques pièces.
De tout cela Laura m’en a parlé sans jamais avoir mis les pieds à Lisbonne autrement que dans l’imaginaire enrichi par ses lectures.
En me regardant dans les yeux, dans l’espoir de valider la justesse de ses rêves. Moi qui suis un fils de Lisbonne qui a usé toute son enfance dans les dédales d’Alfama et d’autres quartiers populaires, j’étais sous le charme de cette Lisbonne que Laura me racontait. Si belle et tellement poétique.
Je me souviens d’avoir regardé son immense bibliothèque en silence. Cherchant les mots. Un peu abasourdi par son récit de ma ville, avant de lui dire : Tu sais Laura… j’aimerais, pour ton anniversaire t’inviter à te promener à Lisbonne. J’ai follement envie de découvrir ma ville par tes yeux. Enfin… si tu veux de ma compagnie, bien sûr.
Laura m’a regardé, le regard brillant au bord des larmes, et puis a murmuré tendrement à mon oreille : T’es qu’un p’tit con, tu sais…. Je crois que cela tout simplement voulait dire Je t’aime.
Commentaire by Zef — 21 juin 2023 @ 10:02
Patachon, c’est un magicien – chapeau lapin poudré perlimpinpin -, qui a une grosse valise dans son garage. Une grosse valise jolie qui se fait la malle à trente centimètre du sol quand on l’ouvre. Et même si on ne voit rien entre le fond de la valise et le sol, il y a un miroir et après une très grande échelle, encadrée de milliers de livres de magie, une échelle qui descend loin à l’intérieur. Ce miroir, baigné d’une lumière toute étoilée, c’est l’accès au monde secret de Noisette, la petite fille de Patachon.
Venez-y voir par vous-même …
À fond de malle, tous les animaux, la queue levée, se rangent en demi-cercle autour de Noisette, et ils attendent le signal de leur maîtresse. Des pâtes au fromage, une boîte d’un kilo de pâtée, des croquettes, un pancake avec du chocolat, des légumes et un biscuit. Sur un geste, les chats et le chien un peu mammouth, quoique petit, se précipitent sur les assiettes. Bientôt englouties. Restent les légumes.
Rox, repu, va chercher quelques chats du voisinage. Les regroupe près du lapin nain. Ah ! dit Noisette tes chromosomes de fox-colley s’agitent.
Allez mes enfants, allez toujours, je vais à la chasse avec Rox. Viens mon fox. Peut-être ramènerons-nous Rouky ? Ah, Ah, Ah !
À fond de malle, de miroir même, en bas d’échelle, Noisette ne rit plus. Un tressaillement convulsif secoue ses membres. La foire est là. Les lapins aussi. À pluche, va, Rox, dit-elle. C’est à moi de faire maintenant.
Diable ! Diable ! Murmure-t-elle, ces ballons gigotent fort. Le bruit sec et strident sortant de la carabine rebondit dans la cage en bruit de balles de plomb furieuses, ne heurtant pourtant aucun des ballons cibles.
Le tôlier rouquin hilare qui zieutait la scène glisse sur une barbe à papa. Il est écroulé ou fait semblant de l’être. Allons donc, dit Noisette, est-ce qu’on meurt pour si peu de chose. Ces grains de plomb sont si petits. Mais lui l’avait trop à l’œil depuis plus d’une semaine.
À fond de malle, Rox ne rentrerait pas bredouille …
Commentaire by Ffup de Bretagne — 23 juin 2023 @ 13:11