Lali

13 février 2022

En vos mots 773

Filed under: Couleurs et textures,En vos mots — Lali @ 8:00

Alors que je viens à l’instant de valider les poèmes déposés sur la scène livresque de dimanche dernier et qu’il me tarde de voir la neige fondre en totalité et non en partie, j’ai eu envie de vous proposer une scène estivale à raconter en vos mots.

C’est sur une toile de l’artitse hongrois Jozsef Egry que mon choix s’est arrêté, en espérant qu’elle saura vous inspirer.

Comme le veut l’habitude, aucun commentaire ne sera validé avant dimanche prochain, ce qui vous laisse amplement le temps d’écrire quelques lignes.

D’ici là, bon dimanche et bonne semaine à tous!

2 Comments »

  1. S’installer dans une barque
    Afin de prendre du repos,
    Afin de retrouver ses marques,
    Et de rêver au fil de l’eau.

    S’asseoir et partir en voyage,
    Plus lentement qu’avec le train,
    Mais regarder le paysage
    Avec le même doux entrain.

    Rester tranquillement au port
    Ou partir à la dérive,
    En emportant toujours à bord
    Un indispensable livre!

    Commentaire by anémone — 17 février 2022 @ 4:20

  2. 
Été 1974. À Lisbonne, les œillets dansaient dans les rues jusqu’à tard dans la nuit.
     
    J’observais en silence, avec quelques nuits de sommeil en retard, tous ces nouveaux révolutionnaires qui me parlaient du Che, de Mao, de Staline, de la bible rouge chinoise. Alors que rares étaient ceux qui en avaient lu la moindre ligne.
    J’avais besoin de retrouver le calme. Loin de l’ agitation. L’enthousiasme des premières heures, des premiers œillets, avait eu raison de mes énergies.
     
    Je suis parti à la campagne. Loin des bruits. Là où on entendait encore le coq aux premières lueurs d’un jour nouveau. Là où les oiseaux chantaient heureux, dans une sorte de cour amoureuse sans fin. Là où tout le monde semblait se moquer de Mao, du Che et où les œillets poussaient fièrement dans les champs. Et pas fanéa au bout des fusils.
     
    La vie me semblait aussi nonchalante que l’horloge paresseuse. Personne ne semblait pressé de vivre sans profiter du gnangnan du temps qui passe.
     
    C’est à cette époque que j’ai croisé Lucie. Elle était batelière. Elle faisait traverser dans sa barque les gens qui avaient besoin de franchir la cinquantaine de mètres qui séparaient une rive de l’autre. Faute de quoi le pont le plus proche était à une bonne demi-heure de marche.
     
    Je crois que je l’ai aimée dès le premier instant. Malgré sa froideur. Ou son indifférence. Je ne sais pas. Son rituel semblait sacré. Elle laissait les gens s’installer. Avec douceur, elle plaçait le marque-page avant de fermer avec grâce le bouquin qu’elle déposait juste à côté d’elle. Et ce n’est qu’après ce rituel qu’elle relevait la tête, esquissait un sourire et lançait « C’est parti… ». Et la barque glissait avec suavité et sans bruit sur l’eau jusqu’à l’autre rive.
     
    Intrigué qu’elle soit la seule dans le village qui n’ait jamais eu l’air surpris de mon arrivée, j’ai décidé, dans le calme de la fin du jour, de lui lancer : « Vous n’êtes pas ennuyée de passer vos journées assise dans votre barque, à attendre, seule, que quelqu’un vienne pour traverser? »
     
    Elle a ri. Puis elle m’a lancé : « Seule?… Vous voulez rire. Avec M. Beyle, personne n’est jamais seul. Bien au contraire. » Et son rituel sacré. Le marque-page, le livre à ses côtés et le « C’est parti! », puis le silence jusqu’à l’autre rive.
     
    Ce n’est que quelques années plus tard que j’ai compris qu’elle parlait de Stendhal.

    Commentaire by Armando — 19 février 2022 @ 7:31

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