En vos mots 262
Pour souligner ce dimanche bien spécial puisque nous fêtons aujourd’hui les cinq ans d’En vos mots, il me fait plaisir d’accueillir parmi ma galerie de lecteurs et d’écrivains, le personnage de papier de l’artiste Jeff Nishinaka.
Puisse-t-il vous inspirer quelques lignes. Vous livrer ses secrets. Vous étonner. Nous étonner.
La suite, comme le veut cette habitude bien ancrée au pays de Lali, nous ne la connaîtrons que dans une semaine au moment de la validation en bloc de vos textes.
Au plaisir de vous lire dimanche prochain, vous qui animez les toiles et apportez au pays de Lali vos regards.
C’est grâce à vous qu’En vos mots existe depuis cinq ans.

Faiseur de mots. Il n’était qu’un faiseur de mots. Un de ceux qui parlent des problèmes des gens aussi simples et modestes que les mots avec lesquels ils décrivent leurs contrariétés. Une lettre aux impôts. Quelques mots à l’adresse d’une banque. D’une compagnie d’assurance. Tous ces mots que les gens qui n’ont jamais eu accès aux bancs de l’école ont besoin d’écrire. Un jour ou l’autre.
Faiseur de mots. Ces mots qu’il entend et qu’il habille des siens. Plus érudits. Plus savants. Plus accessibles à ceux qui n’écoutent jamais rien. De toute manière.
Faiseur de mots. Des heures passées à écouter tant et tant d’histoires de vie. De déchirures. De souffrance. Pour les mettre à la couleur des mots qu’il cueille dans la souffrance des regards anonymes afin d’offrir un peu d’humanité au temps qui passe.
Puis, quelquefois une histoire d’amour. Une peine de cœur. Une amitié qu’il faut renouer. Puisque les sentiments ne suffisent pas quand les mots n’y sont pas.
Faiseur de mots. Écrivain public. Puisqu’il y a mille manières de dire je t’aime…
Commentaire by Armando — 15 avril 2012 @ 8:17
Chen passait beaucoup de temps devant sa machine à écrire. Il savait que la Chine serait un jour pour l’Occident autre chose que les vases Ming ou les laques Song. Il pressentait l’expansion économique et culturelle de la Chine. Mais jamais il ne s’était senti en accord avec les prédictions concernant cette élaboration à partir de ce que Mao préparait et devait appeler la Révolution Culturelle.
Très tôt, il avait compris qu’évoluer signifiait, pour un être comme pour un pays, naviguer d’incertitude en incertitude. User de lenteur et de patience tout en sachant utiliser les opportunités. Oeuvrer quotidiennement pour une société constituée d’individus libres. Jamais il n’avait admis que la liberté individuelle s’aliène à la liberté collective. Pourtant, cette liberté nationale ne cessait de briller comme un mirage devant ses yeux d’intellectuel oriental. Il voulait voir la paysannerie et la main-d’oeuvre ouvrière de la Chine décoller de cette pauvreté qui les empêchait de s’instruire.
Il voulait voir pour ses descendants une ouverture sur le monde. Il désirait que son pays, ce géant, sorte de la mythologie, et se taille des prétentions concrètes et actuelles, à la mesure de ses racines gigantesques.Il voulait voyager, N’était-ce pas logique, dans un pays où on a inventé la boussole, la cartographie, l’écluse? Absurdité de ne jamais avoir eu le droit pour les Chinois de se déplacer dans leur propre pays, et encore moins celui d’émigrer, à l’exception de la brève période des empereurs Song du Sud et de la soudaine pointe d’expansionnisme amorcée sous les Ming par l’empereur Yong Le. Il voulait étudier, écrire, et aussi graver, peindre, développer son potentiel d’artiste. N’était-ce pas légitime, dans une nation qui avait inventé le papier?
Commentaire by Anémone — 15 avril 2012 @ 9:04
Ma chair lectriste…je doigté que rire cent re-lâches que sans toit je n’essuie rien..
L’inspire-pation me fée dire des peau-aime d’âme-mourrr…
Je t’embarasse passionnément,la pipe aux lèvres…
Ton écrit-vain poèt-poèt-poèt!!!
P.S…pourrais-tu v’idées ma corbeille?
Bravo chère Lali pour tes cinq ans !!!
Commentaire by claire fo — 15 avril 2012 @ 9:07
Pour ce tableau en papier, pas de fiction, pas de poésie.
Je ne sais pas pourquoi, j’ai eu envie de dédier quelques lignes à un grand de la Bande dessinée, au dessinateur Jean Giraud, qui vient de décéder le 10 mars 2012. Il était aussi connu sous le pseudonyme de Gir, et sous celui de Moebius.
Il a fait rêver des générations d’adolescents avec sa bd western, Blueberry (avec, comme scénariste, Jean-Michel Charlier), un peu grâce à Jijé (Le dessinateur de Jerry Spring), qui l’avait recommandé à Charlier. Il a publié dans Pilote, Hara-Kiri et Métal Hurlant. Entre autres!
Son pseudonyme de Moebius, il l’utilise surtout dans le dessin de science-fiction. L’album que je préfère est sans conteste « Venise céleste », datant de 1984. Je ne suis ni très western, ni très science-fiction. Mais « Venise céleste » est magnifique, avec ses palais fantomatiques, perdus dans la brume, ses canaux où le ciel se confond avec la mer, ses tonalités de rêve.
Et puis, Avec Hergé et Franquin, c’est indéniablement l’auteur de bande dessinée qui a le plus marqué mon ami, bédéiste lui aussi, et qui a eu la chance de le rencontrer au Festival d’Angoulême… La B.D. n’est pas qu’un art dédié à l’enfance et il a ce côté fascinant de l’écrit et du graphique intimement mêlés.
Enfin, petit détail biographique qui me titille, il y a eu cette exposition commune avec Hayao Miyazaki, à Paris, à « L’hôtel de la Monnaie », en 2004-2005. J’adore Hayao Miyazaki, dont les films d’animation sont exceptionnels (dont mon préféré, « Porco Rosso », réalisé par les studios Ghibli).
Si vous faites une recherche sur la Toile, en tapant les deux noms Miyazaki-Moebius, vous arriverez sur un site consacré à cette exposition dont les dessins vous donneront une petite idée -une grande idée- du talent de Moebius.
Commentaire by Pivoine — 16 avril 2012 @ 10:51
CHEZ NOUS
Il y a pas mal de vous chez nous,
Le savez-vous?
Vos écrits traînent un peu partout,
Voyez-vous?
Dans la cuisine un grand verre d’eau
Fait des ronds d’eau.
Dans le salon une potiche
Pleine d’acrostiches.
Dans ma chambrette de gros coussins
D’alexandrins.
Dans le boudoir un sonnet fou,
Une kyrielle de poèmes doux.
Dans le placard chantent vos rimes
Pour la frime.
Dans mon armoire se cache un pot
Rempli de mots.
Dans l’escalier une ballade
En enfilade.
Dans le grenier à double tour
Dorment tous vos billets d’amour.
Flairjoy
Commentaire by Flairjoy — 21 avril 2012 @ 10:44
Il tape comme un forcené, la machine cliquète et tressaute, la table gémit et ballotte.
Les feuilles volent, il oublie de les numéroter, il n’a pas le temps de les classer, il ne prend pas la peine de se relire.
Le café refroidit, la pipe s’éteint, pas le temps de boire, pas le temps de la rallumer.
Huit jours: voilà le temps qu’il s’impartit pour taper son manuscrit.
Huit jours marqués en bleu sur un calendrier.
Commentaire by Adrienne — 21 avril 2012 @ 15:15
Quelle gageure, saisir le manuscrit reçu ce matin, à onze heures et l’expédier, en Colissimo à l’imprimeur, jeudi ! Soit trente à trente cinq lignes par page, c’est-à-dire environ trois mille signes, ce qui me fait en moyenne trois pages par heure… en travaillant de 9 heures à minuit, je devrais y arriver.
C’est toujours pareil, on n’a pas de commande on panique et on reçoit un manuscrit et je panique. Ah nom de nom, faudrait savoir…
Bon, la bouteille d’eau, la ramette de papier, le dictionnaire, le lexique des règles typographiques en usage à l’Imprimerie nationale, le dictionnaire des conjugaisons, et surtout la petite réserve de petits gâteaux et la tablette de chocolat noir aux éclats d’orange.
Je vais entrouvrir la fenêtre pour avoir un petit peu d’air frais, j’ajuste le dossier de ma chaise. Les repose-poignets sont bien en place. Hop et c’est parti…
Tip tip, tac tac, tip tip.
Commentaire by LOU — 21 avril 2012 @ 16:02
Je découvre avec joie une superbe mosaïque de textes qui me séduisent particulièrement aujourd’hui.
Merci et très bon anniversaire chère Lali!
Commentaire by Anémone — 22 avril 2012 @ 10:17
Armando, pendant 12 ans j’ai été ce que tu appelles si joliment « le faiseur de mots ». J’ai écouté les malheurs de certains, les difficultés avec l’administration pour d’autres. J’ai aidé plus d’un à rassembler ses idées et surtout ses compétences pour mieux se présenter à un emploi. Et ces simples gens, grâce à une lettre bien écrite, un document clair et précis ou un dossier bien monté ont pu avoir une écoute, une image sérieuse face aux institutions ou personnes « plus instruites » qu’eux…
Et j’étais grandement gratifiée, lorsqu’en retour on m’indiquait que le résultat était positif et que l’on m’offrait, très souvent, un bouquet de fleurs…
Pour « En vos mots » d’aujourd’hui, j’étais ravie de revenir ici et ensuite de lire tous ces textes.
Clair-fo m’a fait éclater de rires…
Commentaire by LOU — 22 avril 2012 @ 14:12