En vos mots 138
La lectrice peinte par l’artiste italienne Laura Tedeschi recèlerait-elle quelque secret? Un secret que personne ne connaît sauf vous? À moins que ce ne soit elle qui détienne un des vôtres?
Peu importe quel angle vous choisirez, ce que vous choisirez de dire, ce que vous choisirez de taire, la toile ne « parlera » que si vous lui prêtez vos mots.
Suite, donc, dans sept jours exactement, afin de voir lesquels d’entre vous auront été tentés par le jeu!
Depuis trois jours, Elvira n’a pas mis le nez dehors. A son travail, elle a prétexté un refroidissement car elle voulait absolument terminer son premier livre et le second emprunté à une amie. Le premier recueil surtout, la fascine au plus au point que c’est tout juste si elle prend le temps de manger. Elvira s’intéresse à la poésie…
Elvira est une belle jeune femme, discrète et parfois mystérieuse. Elevée par ses grands-parents dès l’âge de deux ans, elle a vécu en Italie jusqu’à ses quinze ans. Elève studieuse, elle terminait toujours ses années scolaires première de classe. De plus, elle parle six langues très couramment ce qui lui a permis de devenir interprète et continua ses études en Suède.
De par son métier, il lui arrive souvent de parcourir le monde entier ou de rester dans son trois pièces en Suède. Plusieurs organisations mondiales font appel à Elvira pour traduire les discussions dans les assemblées. Elle n’a donc pas eu souvent l’occasion de rendre visite à ses grands-parents restés au pays, dans un petit village près de Florence.
Bien sûr, elle leur téléphone ou leur envoie une carte du pays où elle se trouve. Mais ce jour-là, Elvira a une grande envie de les voir et de dévoiler son secret à ses grands-parents. Un secret qu’elle a dans son cœur depuis ses quinze ans. Un joli secret.
Lors de ses études en Italie, Elvira avait un petit ami. Elle connaissait aussi la famille de Fabio.
Un jour d’été, Elvira et Fabio étaient assis dans le verger des parents du jeune homme et parlaient de tout. Ah! Comme ils s’entendaient bien, ils étaient gais et à la tombée du jour, ils chantaient assis dans l’herbe. Ce sont des moments qu’Elvira n’oubliera jamais.
Un certain soir d’été, lorsque Elvira annonça à Fabio qu’elle irait vivre dans une famille d’accueil en Suède jusqu’à sa majorité, il fut triste bien sûr. Mais il lui fait une promesse et c’était leur secret.
Il lui dit : Elvira, tu vois tous ces arbres dans le verger, ils appartiennent à mes parents. Le verger est magnifique et on y trouve des poires, des pommes, des prunes et surtout des cerises.
Je déposerais chaque jour, un panier de cerises à la porte de tes grands-parents sans rien leur dire. Je sais que mes parents seront très heureux car ils les apprécient énormément et toi, ils te trouvent exquise! Tu vois, Elvira, ce sera ce cerisier, là devant nous!
Avant de se quitter, les deux jeunes amis s’embrassèrent en se souhaitant tant de belles choses dans la vie et Fabio remis un billet roulé et attaché avec un beau ruban de couleur « rouge-cerises » en lui faisant promettre de le lire seulement en Suède. Ce que fit Elvira.
C’était un très beau poème de François Coppée et en le lisant, le rouge lui monta un peu aux joues car elle se souvient de cette merveilleuse journée où tous les deux allaient à la cueillette des cerises… et elle les avait aussi mises à ses oreilles!
La cueillette des cerises
Espiègle ! j’ai bien vu tout ce que vous faisiez,
Ce matin, dans le champ planté de cerisiers
Où seule vous étiez, nu-tête, en robe blanche.
Caché par le taillis, j’observais. Une branche,
Lourde sous les fruits mûrs, vous barrait le chemin
Et se trouvait à la hauteur de votre main.
Or, vous avez cueilli des cerises vermeilles,
Coquette ! et les avez mises à vos oreilles,
Tandis qu’un vent léger dans vos boucles jouait.
Alors, vous asseyant pour cueillir un bleuet
Dans l’herbe, et puis un autre, et puis un autre encore,
Vous les avez piqués dans vos cheveux d’aurore ;
Et, les bras recourbés sur votre front fleuri,
Assise dans le vert gazon, vous avez ri ;
Et vos joyeuses dents jetaient une étincelle.
Mais pendant ce temps-là, ma belle demoiselle,
Un seul témoin, qui vous gardera le secret,
Tout heureux de vous voir heureuse, comparait,
Sur votre frais visage animé par les brises,
Vos regards aux bleuets, vos lèvres aux cerises.
Ce poème est toujours dans sa boîte à trésors et lorsqu’elle retournera bientôt en Italie, elle racontera à ses grands-parents, l’histoire des cerises derrière leur porte.
Comment by Denise — 2 décembre 2009 @ 16:12
Suzanne était rentrée chez elle plus tard qu’à son habitude. Elle n’avait plus envie de plus grand-chose. Surtout pas de se mettre à faire de la cuisine à une heure si tardive. Un bol de café et quelques biscuits. Voilà qui ferait bien l’affaire.
Puis, le restant de sa soirée, elle le passerait en compagnie de Ma mère était jolie. Elle est devenue belle, un livre au titre étrange mais au contenu ô combien pudique et passionnant. Un livre qui la laissait songeuse sur cette image de nous qui vieillit sans qu’on s’en aperçoive, sauf quand au détour d’un souvenir on tombe nez à nez avec une de ces photos prise on ne sait plus où et qui nous donne une image de vous qui ne vous ressemble plus. Du tout.
Et plus les années se succèdent, plus l’intérieur et l’extérieur s’éloignent l’un de l’autre, pensait Suzanne. En se regardant dans son miroir elle s’est dite : Mon regard n’a plus le même âge que mon corps. Pauvre carcasse…
Seuls les livres arrivaient encore à faire fuir de cette angoisse sourde de se voir vieillir, pour s’éteindre un jour, sans savoir comment; des pensées qui lui revenaient souvent comme des nuages griss, quelquefois teintés de rose pâle, dans le ciel de son existence.
Comment by Armando — 4 décembre 2009 @ 8:37
Jolie coquette, précieuse aux cils ombrageux
Madelaine se réjouissait des potins délicieux
Qu’elle dévorait dans son livre de chevet
Outre des yeux, avec ses petites lèvres pincées
Qui lui donnaient un air évaporé et constipé
Comme si les amours fanées des provinciales
Pouvaient la contenter, la pauvresse, si délaissée
Abandonnée par son mari et même son amant attitré,
Ils l’avaient consignée dans son boudoir
Et, elle ne pouvait s’empêcher de rêver!
Etrange voyage vers un ailleurs
Où l’homme ne serait plus volage
Errance vers un paradis sans heurts
Captive d’horizons colorés de nuages
Où la nature lui ouvrirait la cage
De sa solitude pour s’évader de sa torpeur
Accompagnée de mille oiseaux migrateurs
En partance vers des oasis de marivaudage
Pour un éternel vagabondage
Comment by claudie — 5 décembre 2009 @ 16:37
Angles amers …
Tu as beau adoucir
les facettes
Tu as beau gommer
les nervures et les plis
Reste cet angle, insaisissable
saillant et droit
qui vient contre mon cœur
et trace un épais sillon
de son arête silencieuse …
Tu as beau mettre dans ton profil
un charme flou
un voile tendre
reste cet angle insondable et obscur
dérobé
mystérieux
Terre occulte
qui dissimule
et abrite un
Lourd secret …
Comment by Hespérie — 5 décembre 2009 @ 19:11
Parce que « secret » me fait penser à ces deux citations que j’aime … 😉
« Le secret de la liberté, c’est la librairie » Bernard Werber
» Les coeurs des femmes sont comme ces petits meubles à secrets, plein de tiroirs emboîtés les uns dans les autres » Gustave Flaubert
Comment by Chris — 5 décembre 2009 @ 19:21
J’aime bien toutes les histoires sauf une que j’ai l’impression d’avoir déjà lue. Félicitations.
Comment by Zin Zin — 7 décembre 2009 @ 5:12
Merci à Denise, Armando, Claudie et Hespérie, de nous offrir si généreusement vos mots… toujours un réel plaisir à vous lire!
Comment by Chantal — 7 décembre 2009 @ 7:00