Celle qui s’ennuie
Elle s’ennuie. Le journal est ouvert, mais elle s’ennuie. Ce n’est pas parce qu’elle avait envie de s’informer qu’elle l’a étalé sur la table, mais bien parce qu’elle cherchait une façon de tromper son ennui. La lectrice de Yasuo Kuniyoshi se demande à quoi elle pourrait bien s’occuper, puisque rien n’y fait : elle s’ennuie.
Je reste toujours étonnée, quasi incrédule, quand quelqu’un me dit qu’il s’ennuie, car je n’ai aucune idée de ce que ça peut-être. Je ne m’ennuie jamais. Même pas des gens. Ils me manquent, mais je ne m’ennuie pas d’eux. Il y a nuance. L’ennui est tellement quelque chose d’apathique. Et il est si facile de s’y complaire, de telle sorte que l’ennui devient de plus en plus grave et nous enlève toutes les raisons de vouloir en sortir.
Ceux qui nous manquent, c’est bien autre chose. Ce sont ces moments qu’on voudrait partager avec eux au moment où ils surviennent, mais qu’on ne peut pas, parce qu’ils sont absents. Le manque a quelque chose d’actif, finalement.
Mais l’ennui… Non, je ne connais pas. Il y a trop de levers de soleil, trop de chansons, trop de livres, trop de gens à qui je tienne, trop à écrire pour que je trouve un jour le temps d’en faire mon modus vivendi. Je laisse ça à d’autres. Sans regrets.