Ce qui fut 1
La nuit d’été
Tu as été sculptée à une proue,
Le temps t’a corrodée comme eût fait l’écume,
Il a fermé tes yeux une nuit d’orage,
Il a taché de sel ton sein presque nu.
Ô sainte aux mains brûlées que recolore
L’adoration d’encore quelques fleurs,
Sanctuaire de l’épars et du fugitif
Au bout des champs ensemencés de rouille,
Que de sommeil dans ta nuque penchée,
Que d’ombre, dans les feuilles sèches sur les dalles!
On dirait notre chambre d’une autre année,
Le même lit mais les persiennes closes.
Yves Bonnefoy, Ce qui fut sans lumière
*choix de la lectrice de Jennifer Dionisio