Lali

27 janvier 2012

On est toujours le patron de quelqu’un

Filed under: À livres ouverts,Mes lectures belges — Lali @ 19:49

On est toujours le patron de quelqu’un, le premier roman de Brune d’Oublevée, serait aussi le premier Bruno Wajskop, directeur de la collection La Muette des éditions Le Bord de l’Eau, lequel a choisi un nom d’emprunt pour l’occasion, qui est celle de relater les dessous d’un certain monde de l’édition qu’il a connu de près et que Sophie Blanche, la narratrice, apprend à connaître à ses dépens.

Le résultat est un livre qui se veut décapant et dénonciateur, ce qu’il est, l’auteur(e) ayant le sens des images, des situations et des mots. Mais qui laisse un drôle de goût dans la bouche. Le livre s’attaquant au conglomérat d’ASBL, à l’édition coup de vent et coup de bluff question de vendre à n’importe quel prix, au détriment de la petite maison d’édition artisanale et respectueuse des auteurs, on se serait attendu à un produit plus soigné. Et non pas à des coquilles à profusion comme celles-ci :
Il s’avait que je n’aimais rien… (p.80)
… des instants futiles qui avaient rythmés ma vie… (p.82)
Et à un laxisme flagrant en ce qui concerne les traits d’union.

Enfin. En dehors de ces considérations de réviseure devant un travail bâclé, On est toujours le patron de quelqu’un se lit en une heure et fait parfois grincer des dents. On peut beaucoup aimer. Ou pas du tout. Moi, je suis plutôt mitigée. Comme on l’est devant tout produit qui dénonce le cliché en étant lui-même un cliché.

Lu dans le cadre du Challenge « Littérature belge ».

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Titre pour le Défi Premier Roman

24 janvier 2012

Entre le réel et le possible

Filed under: À livres ouverts,Mes lectures belges — Lali @ 19:26

Le temps de quelques nouvelles, l’écrivaine belge Jacqueline Harpman dont la réputation n’est plus à faire et à qui on peut reprocher de signer parfois des romans qui ont de grands airs de ressemblance avec des titres déjà parus, propose avec Ève et autre nouvelles, un bel assemblage qui donne aux personnages qu’elle dépeint l’occasion de changer le cours de l’histoire ou du moins de prendre la parole.

Le recueil débute d’ailleurs par une nouvelle qui met en scène Ève, laquelle, dans une lettre d’une dizaine de pages, s’adresse à l’auteure elle-même afin de lui faire la liste de ses griefs. C’est mordant et amusant, et aussi ça donne le ton au reste du recueil qui bascule entre le réel et le possible. Ainsi, dans une autre nouvelle, Jacqueline Harpman nous fait basculer dans le temps alors que le train dans lequel son personnage, une écrivaine, double d’elle-même, voyage, ce qui donne lieu à l’arrivée de personnages pour lesquels elle invente au fur et à mesure des vies et des situations, modifiant telle scène, ajustant tel décor.

J’ai savouré chacune des nouvelles de ce recueil qui se joue des situations et de l’obligatoire réalité. En un mot : une bien agréable gourmandise que ce recueil.

Lu dans le cadre du Challenge « Littérature belge ».

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18 janvier 2012

Le refuseur

Filed under: À livres ouverts,Mes lectures belges — Lali @ 19:13

Qui a un jour cru qu’être lecteur pour une maison d’édition réputée était un beau métier, valorisant pour le lecteur autant que pour le jeune écrivain qu’il s’appliquera à sortir de l’ombre n’a jamais rencontré Antoine Aimé.

Antoine exerce le noble métier de lecteur aux yeux de tout un chacun, mais en vérité il ne lit les manuscrits qu’en diagonale, avec pour seule et unique directive de refuser tout roman qui passe entre ses mains. Avec tact, bien entendu. Il a d’ailleurs toute une liste de lettres préformatées sous la main, dont il se sert sans faire de cas de conscience. Il doit refuser, il refuse. Du matin au soir. Depuis des années.

Or, un jour, rien ne va plus. Antoine est convoqué chez le patron. Un jeune auteur se serait suicidé à la suite d’une lettre de refus un peu trop sèche écrite par Antoine, qui change alors son fusil d’épaule et décide d’accepter tout manuscrit atterrissant sur son bureau, ce qui ne plait pas plus à la direction qui décide de se débarrasser d’un de ses plus anciens collaborateurs.

Mais Antoine n’en a pas fini avec l’édition ni avec les auteurs à qui il a promis une publication. C’est donc d’eux qu’il va s’occuper après son licenciement. À sa manière. Avec son savoir-faire. Ses talents pour convaincre. Avec quelque chose de surréaliste.

Le métier de refuseur n’existe pas, à proprement parler, mais il n’en reste pas moins que certains lecteurs sont des refuseurs. En effet, « …il existe une véritable industrie du refus de manuscrits. Ce qui m’a donné envie d’écrire sur ce métier, cette profession de refuseur que, sans le vouloir, j’ai côtoyée pendant près d’un quart de siècle. Plutôt que de romancer ma quête d’un éditeur, j’ai choisi d’endosser le rôle de la partie adverse. Je me suis institué lecteur et refuseur, et j’ai laissé le fil de l’histoire que j’avais lancé courir sur son erre », a écrit le journaliste Michel Lauwers à propos de son premier roman enfin publié après des centaines de refus de la part des éditeurs.

Un roman qui se démarque. Un roman qui fait sourire. Dont on retiendra certains épisodes plutôt que la chute beaucoup moins réussie que le reste.

Lu dans le cadre du Challenge « Littérature belge ».

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Titre pour le Défi Premier Roman
et pour le Challenge « Le nez dans les livres »

14 janvier 2012

Un meurtre parfait?

Filed under: À livres ouverts,Mes lectures belges — Lali @ 19:37

J’aimais l’idée de ces trois lecteurs de romans policiers, affectés au Bureau des Risques et Périls du ministère de l’Intérieur, afin de répertorier les titres de la littérature policière récemment parus selon certains critères de faisabilité et aussi, de détails novateurs. J’aimais aussi l’idée qu’avec une telle expérience ils décident de concocter le meurtre parfait. C’est d’ailleurs ce à quoi ils s’appliquent, ou plutôt se sont appliqués, puisque le roman de Jean-Baptiste Baronian s’ouvre sur la découverte d’un cadavre.

De fil en aiguille, nous apprendrons qui sont les protagonistes de cette histoire, ce qui lie chacun d’entre eux avec les autres directement ou indirectement, ainsi que les raisons et les circonstances qui ont poussé trois d’entre eux à s’allier pour éliminer quelqu’un. Et ça tient la route. Vraiment. Baronian sait raconter et il connaît le genre. Et même si je ne m’attendais pas à trouver un mort dès la première page, mais plutôt des détails sur le travail de ces lecteurs au quotidien, je me suis laissée prendre au jeu de ce meurtre parfait.

Vous l’aurez compris, Le Bureau des Risques et Périls n’est pas juste un roman policier. C’est aussi un roman ludique, authentiquement belge dans son surréalisme.

Lu dans le cadre du Challenge « Littérature belge ».

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12 décembre 2011

Petit bonheur

J’avoue que j’ai été gagnée sans même avoir lu une ligne ni vu aucune illustration en dehors de celle de la couverture. Comment ça? me direz-vous, en me regardant bizarrement, comme si je n’avais pas toute ma tête. Et pourtant, je l’ai toujours. Je suis juste émue. Carl Norac, en exergue, fait un clin d’œil à Félix Leclerc et la Québécoise belgophile que je suis a eu le cœur chaviré.

Puis, j’ai tourné la page, lu la première phrase et adhéré aux mots de Carl Norac : « Le bonheur, c’est simple comme ouvrir un petit parapluie. »

Je suis sous le charme de cet album qui raconte le bonheur enfui, comment on peut essayer de vivre sans lui, comment on ne cesse de le chercher. Séduite par les illustrations d’Éric Battut qui, sans coller au texte, forment une espèce de métaphore qui accompagne les mots.

Encore un autre livre que je vais conseiller au père Noël. Pour sûr.

Lu dans le cadre du Challenge « Littérature belge ».

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28 novembre 2011

Sans y toucher

Sans y toucher réunit des nouvelles, toutes plus émouvantes les unes que les autres. Probablement parce que Colette Nys-Mazure a pris le parti de rester à l’écart et de ne pas s’immiscer dans la vie de ses personnages, d’où le titre, Sans y toucher.

Au fil de quinze nouvelles, l’auteure nous livre des morceaux de vie, des impressions, des moments de tendresse, des regards, des gestes, toutes ces petites choses qui retiennent le temps et donnent à la vie un sens. Avec la finesse et la sensibilité qui lui sont propres et qui ont fait sa réputation. De plus, elle n’hésite pas à insérer en exergue de certaines nouvelles des poèmes brefs, Colette Nys-Mazure étant aussi poète. Des poèmes qui donnent le ton avant que ne débutent les nouvelles.

L’amour comme la mort sont présents dans plus de la moitié des nouvelles. Ainsi que l’enfance. C’est d’ailleurs par une nouvelle assez courte et portant sur les questions des enfants que se termine le recueil. Et par une phrase à retenir : Les enfants sont des maîtres.

Sans y toucher donne au quotidien et au rêve toute la place qu’ils méritent. Et c’est dans ceci, dans l’écriture du regard qu’est celle de Colette Nys-Mazure que ce recueil trouve sa raison d’être. À lire. Absolument. Si ce n’est pas encore fait.

Lu dans le cadre du Challenge « Littérature belge ».

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24 novembre 2011

Un magnifique album pour affronter les peurs

La grande dame et le petit garçon fait partie de ces albums qu’on ne peut oublier. D’abord par ce texte bouleversant qui met en scène la peur des enfants. Celle qu’on leur a inculquée au jour le jour en ajoutant à une liste déjà longue des endroits, des gens, des comportements dont ils doivent se méfier. Celle qui vient des contes de fées. On n’a qu’à penser au loup, figure dominante, ou à la sorcière, tout aussi présente sinon davantage.

Comment le petit garçon créé par Geert De Kockere ne pourrait-il pas avoir peur quand il aperçoit cette géante? Comment ne pas imaginer le sort qu’elle réserve aux enfants avec son grand parapluie pour les happer au vol? Comment pourrait-il en être autrement alors que des sons lugubres sortent de chez elle?

Mais la grande dame n’est pas si méchante que ça. Elle est juste un peu seule. Et cela, nous l’apprendrons en même temps que ce garçon fasciné par elle autant qu’apeuré puisqu’ils s’apprivoiseront au fil des pages.

Voilà là un bel album qui défait les préjugés et les idées préconçues. Un album, de plus, magnifiquement illustré par Kaatje Vermeire. Un album que je recommande avec enthousiasme.

Lu dans le cadre du Challenge « Littérature belge ».

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14 novembre 2011

Irina Poignet

Filed under: À livres ouverts,Mes lectures belges — Lali @ 20:29

Elle ne s’appelle Irina que quelques heures par semaine, le temps de gagner suffisamment d’euros grâce à son habile poignet pour défrayer les coûts du médicament onéreux qui va peut-être sauver la vie de son petit-fils, dont ses parents se sont désintéressés. Ce petit-fils qui est tout ce qu’elle a et aussi le seul être à qui elle tienne.

Elle s’appelle Marguerite ou Maguy chez elle, pour ses voisines, à l’hôpital. Pas Irina. Bien que ce prénom et l’activité qui y est reliée ne lui répugnent plus. Malgré le sordide de la chose. Mais il fallait bien trouver une façon de gagner de l’argent raidement. Elle qui avait été hôtesse à la RTBF n’avait jamais touché un clavier de machine à écrire. Encore moins celui d’un ordinateur. Le travail de bureau lui était donc inaccessible.

Elle s’appelle Irina quelques heures par semaine. Et c’est cela que Philippe Blasband raconte. Ces quelques heures dans un endroit de passage pour les filles comme pour les clients. L’amitié entre elles. La compétition. Sans juger. Sans faire le moralisateur.

Et si le geste est beau, si l’auteur ne fait pas un drame de la situation, il s’est tout de même laissé prendre à son propre jeu en s’attachant lui-même à Irina Poignet au point de guérir son petit-fils, dans un premier temps et d’offrir au roman une fin qui n’a (presque) rien à envier aux romans à l’eau de rose.

Mais ces deux irritants ne sont pas assez importants pour détruire la force de ce roman, pas plus que les questions qu’il soulève. Pas assez importants non plus pour qu’on ne s’attache pas à cette grand-mère hors normes, moderne malgré elle.

Lu dans le cadre du Challenge « Littérature belge ».

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2 novembre 2011

Derrière la porte

Filed under: À livres ouverts,Mes lectures belges — Lali @ 19:13

C’est à un roman dénudé et sans esbroufe, que nous convie Marc Pirlet avec Derrière la porte, où le narrateur, derrière les barreaux, nous relate son incursion dans la vie de sa jeune voisine. C’est d’ailleurs parce qu’il s’est lié avec la jeune femme, muette depuis le décès de sa mère trois ans plus tôt, qu’il est en ce moment emprisonné, pour un motif bien précis qui ne nous sera donné qu’à la dernière page du livre.

Pourtant, tout ce que Laurent a voulu faire, avec la bénédiction de la travailleuse sociale qui visite la jeune femme chaque semaine, se résume ainsi : redonner à Louise le goût de vivre et la parole. Pour ce, pendant trois mois environ, il s’est occupé d’elle après l’avoir petit à petit apprivoisée. Tant et si bien que chaque soir ils mangeaient ensemble et écoutaient la télé côte à côte. Même si Louise restait muette, son œil s’était allumé. Elle n’était plus amorphe. Elle avait confiance. Et le visionnement d’un film se déroulant à Lyon avait laissé croire à Laurent qu’elle avait peut-être vécu dans cette ville. Ils partirent donc. Laurent ne s’était pas trompé : Louise avait vraiment vécu à Lyon pendant quelques années. Deux personnes la reconnurent avec qui Laurent eut des conversations, l’une étant une compagne de classe et l’autre celle qui fut la plus proche de sa mère pendant les années que Louise passa à Lyon adolescente. Mais Louise ne broncha pas.

De retour à Liège, Laurent se demanda pourquoi il s’était donné tant de peine. Et à l’heure où il se trouve emprisonné, et où il nous raconte ce qui s’est déroulé pendant ses trois mois d’intimité relative avec Louise, nous le suivons pas à pas, heureux de chaque progrès, imaginant comme lui qu’il réussira à sortir Louise de son mutisme, tant l’écrivain Marc Pirlet sait nous faire entrer dans l’univers de celle qui a tout perdu et de celui qui n’a plus rien à perdre.

Derrière la porte, auquel je ne reprocherai que le titre accrocheur d’un bestseller signé Alina Reyes qui lui a été donné, est un très beau roman. Humain, tellement humain.

Lu dans le cadre du Challenge « Littérature belge ».

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29 octobre 2011

Bonnard et sa muse, vus par Guy Goffette

Filed under: À livres ouverts,Mes lectures belges — Lali @ 19:32

Quel magnifique récit que celui signé Guy Goffette, écrivain belge né l’année du décès de Pierre Bonnard à qui il rend hommage dans Elle, par bonheur et toujours nue. Celui qui avait écrit que l’invraisemblable est souvent le vrai même est devenu le temps d’un récit poétique aux phrases lumineuses qui vous enveloppent et vous séduisent le héros d’un univers inspiré par Marthe qu’il épousera au bout de 32 ans.

Pierre Bonnard, artiste postimpressionniste, peintre, mais aussi graveur et illustrateur, a d’abord accepté de faire son droit pour faire plaisir à son père. Mais l’attirance pour les arts a été plus forte que tout et admis à l’École des Beaux-Arts de Paris, après des cours à l’Académie Jullian, il rencontre Vuillard, qui deviendra son plus proche ami et avec qui il adhérera aux Nabis en compagnie entre autres de Maurice Denis et de Félix Vallotton.

Homme simple, préférant la peinture et sa vie toute simple et pourtant bien remplie auprès de Marthe aux mondanités dont étaient friands nombre de ses contemporains, Pierre Bonnard, connu et reconnu pour ses nus et notamment de nombreuses toiles mettant en scène Marthe faisant sa toilette (le visage toujours dissimulé mais le corps en évidence) est dans le livre de Guy Goffette presque peint. À petites touches, à coups de détails, comme le peintre l’aurait fait, l’écrivain brosse le portrait d’un artiste qui a toute son admiration.

Le résultat est un magnifique portrait. Celui d’un peintre, celui de sa muse, celui d’une époque, dont il dira : La gloire de Bonnard, sa raison d’être, c’est de peindre ce qui lui plaît, comme il lui plaît, quand il lui plaît et tant pris si ça défrise le goût du jour.

Lu dans le cadre du Challenge « Littérature belge ».

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