De brins et de bribes 1
Elles (herbes folles, fleurs des fossés…) sont
la ponctuation
arbitraire d’un phrasé végétal
Jean-Louis Millet et Werner Lambersy, De brins et de bribes
*choix de la lectrice de Jo Galang
Elles (herbes folles, fleurs des fossés…) sont
la ponctuation
arbitraire d’un phrasé végétal
Jean-Louis Millet et Werner Lambersy, De brins et de bribes
*choix de la lectrice de Jo Galang
Vous arrive-t-il de choisir un livre simplement à cause de la beauté de la page couverture sans connaître le sujet ou avoir entendu parler de l’auteur ou de l’illustrateur? C’est ce qui m’est arrivé tout récemment avec Entre ciel et mer des frères Fan, Terry et Eric, auteurs et illustrateurs de cet album parmi les plus beaux que j’ai eus entre les mains ces deniers mois.
Je me suis laissée guider par les bateaux et montgolfières de la couverture, lesquels m’ont incitée à voguer et à m’envoler avant même que je ne commence à lire l’histoire de Félix, qui a perdu son grand-père, lequel est tout de même présent, car son petit-fils pense souvent à lui. Et aussi à cet endroit lointain où la mer et le ciel se rencontrent, dont il parlait si souvent… D’où l’idée pour l’enfant de construire un bateau pour lui rendre hommage et afin de se rendre dans cet endroit mythique. Ce qui donne lieu à des images magnifiques. Poisson doré géant, pieuvre, hibou, montagne de livres, coquillages énormes qu’il faut escalader, mer de méduses, bateaux volants, baleine et château, autant de détails finement dessinés que croise Félix avant d’atteindre ce lieu dont il a tant entendu parler et où vit son grand-père qui n’est plus.
Un autre album sur la mort, direz-cous. Un autre album sur la vie, dirai-je. Parce que mon grand-père est toujours avec moi, au-delà de la mort, dans ma vie de tous les jours, depuis plus de 47 ans.
Les héros ne meurent jamais.
Mes cinquante ans venus, passés,
J’étais assis, solitaire,
Parmi la foule d’un magasin de Londres,
Livre ouvert, tasse vide
Sur le marbre d’une table.
Mon regard errait du magasin à la rue
Quand soudain tout mon corps s’embrasa
Et pendant près de vingt minutes
Il me sembla, tel était mon bonheur,
Que j’étais béni, que je pouvais bénir.
John Butler Yeats, Cinquante et un poèmes
*choix de la lectrice de Bramine Hubrecht
Il est un arbre qui dès sa plus haute branche
Est mi-brasillement de flammes et mi-verdure
D’un feuillage touffu tout mouillé de rosée;
Chaque moitié n’est qu’une et cependant le tout;
Et toutes deux se consument ce qu’elles recréent,
Et celui qui suspend le masque d’Attis
Entre cette flamboyante fureur et l’aveugle luxuriance des feuilles
Peut-être ne sait pas ce qu’il connaît, mais ne connaît pas la douleur.
John Butler Yeats, Cinquante et un poèmes
*choix de la lectrice de Sue Foell
Le soleil de l’été dore pourtant
Le feuillage embrumé du ciel,
La lune d’hiver aussi plonge les champs
Dans un dédale échevelé de tempêtes,
Mais je ne peux le voir
Tel est le poids de mes responsabilités.
Les choses dites ou faites il y a longtemps,
Celles que je n’ai pas dites ou faites
Mais que j’ai cru pouvoir dire ou faire
Pèsent sur moi et pas un jour
Que ne revienne quelque souvenir
Où s’épouvante ma conscience ou ma vanité.
William Butler Yeats, Cinquante et un poèmes
*choix de la lectrice de Francine Van Hove
Un poète à sa bien-aimée
Je t’apporte de mes mains déférentes
Les pages de mes rêves sans nombre.
Dame blanche usée par la passion
Comme les sables tourterelle par la vague
Et au cœur plus vieilli que la corne
Qui déborde du feu pâle du temps :
Dame blanche aux rêves sans nombre
Je t’apporte mes vers et leur passion.
William Butler Yeats, Cinquante et un poèmes
*choix de la lectrice signée Henri Matisse
Si la perfection
était possible sur terre
cantates de Bach.
Germain Droogenbroodt, Gouttes de rosée
*choix de la lectrice de Boris Correa
Certains livres ne sont pas de grands livres, mais on conserve d’eux un agréable souvenir. C’est le cas du roman d’Abla Farhoud, Le sourire de la petite juive, qui met en scène les résidants de la rue Hutchison, qui a la particularité de faire partie de deux quartiers à la fois, Outremont du côté ouest de la rue, le Mile End du côté est.
C’est là que vit l’auteure depuis plus de trente ans, là qu’elle regarde vivre ceux qui l’animent, de nombreux juifs hassidiques, et bien d’autres. Ce qui lui a donné de créer le personnage de Françoise Camirand, écrivaine qui pourrait être l’une de ses voisines, voire son alter ego, et celui de Hinda Rochel, qui lit du Gabrielle Roy – même si cela peut sembler invraisemblable. Et pourtant, on y croit. Comme on croit à chacun des personnages, aux situations décrites, aux émotions véhiculées, à cette vie qui ne ressemble à aucune autre et qui fait que la rue Hutchison est unique.
Il y a quelque chose d’attachant dans la façon de raconter d’Abla Farhoud qui fait que, même si elle ne s’attarde pas longtemps sur la plupart des personnages en dehors de Françoise et de Hinda, probablement dans le but de nous offrir un large éventail possible des résidants de la rue Hutchison, j’ai aimé l’espèce de tendresse envers les êtres humains, dans la beauté de leurs différences, qui se dégage de ce roman.
Le sourire de la petite juive, vous l’aurez compris, a réussi à me faire sourire.
Un pont de couleurs
qui relie ciel et terre
un arc-en-ciel.
Germain Droogenbroodt, Gouttes de rosée
*choix de la lectrice d’Emma Ersek
Quand j’ai commencé à travailler en librairie, au début des années 1980, les livres portant sur le deuil étaient une denrée rare alors que la demande était tout autre. Mais les choses ont changé au fil des ans. Il n’est plus seulement question du décès de grands-parents dans les albums jeunesse. Les raisons ne sont plus floues. Les albums d’aujourd’hui n’hésitent pas à parler de cancer, à aborder la mort d’un parent, d’un enfant, d’un ami, d’un frère ou d’une sœur.
La peine de Sophie-Fourire traite de la mort accidentelle, du vide laissé dans la vie de Sophie et de son père, du rire qui a disparu de leur vie, des grimaces devenues impossibles, alors qu’elles étaient source de joie et rires pour la mère et la fille, et pour le père qui les prenait en photo.
Les photos sont rangées. Bien loin. Tout comme le rire qui est maintenant coincé dans la gorge, sans possibilité de s’exprimer, de prendre toute la place, comme il le faisait avant. Avant la mort. Avant que le père ne soit plus en mesure de parler. Avant que rien ne soit plus comme avant.
Mais la vie est pourtant là, qui attend son heure. Prête à jaillir. Cascades de rires et grimaces sont là, tout près. Et Sophie saura trouver comment les susciter à nouveau. Parce que a vie est plus forte que la mort.
L’album écrit par Nadine Poirier s’avère une belle façon de montrer aux enfants ce que peut vivre un autre enfant lorsqu’il perd un parent autant qu’un album pour accompagner l’enfant qui vit un deuil, surtout que les illustrations signées Amélie Dubois sont des merveilles de douceur.