Les vers de Janick 4
Le château de sable
s’écroule
sous la vague
ma mémoire indocile
se souvient de jeux d’antan
Janick Belleau, D’âmes et d’ailes
*choix de la lectrice de Carlos Dias (dont toute trace a disparu)
Le château de sable
s’écroule
sous la vague
ma mémoire indocile
se souvient de jeux d’antan
Janick Belleau, D’âmes et d’ailes
*choix de la lectrice de Carlos Dias (dont toute trace a disparu)
À l’étranger
sous une fort averse
tombant de sommeil –
les voiliers sont revenus
les mouettes aussi… et toi
Janick Belleau, D’âmes et d’ailes
*choix de la lectrice de Vanessa Bell
Ondée sur les feuilles
le vent la balayant
je ne dirais pas non
à une saison éternelle
le goût de toi sur mes lèvres
Janick Belleau, D’âmes et d’ailes
*choix de la lectrice de Karl Müller
Elle sent sur son visage
rayons de soleil et brise
les pieds dans l’eau
apprenant une langue autre
l’impression d’un ailleurs déjà
Janick Belleau, D’âmes et d’ailes
*choix de la lectrice de Claudia Hammer
Matin de printemps
Tu es parti
et mon cœur
s’est brisé
contre
un matin
de printemps
unique
et éternel
Angéline Neveu, Âme sauvage
*choix de la lectrice de Florencia Goldstein
Fragments
Donner comme œuvre achevée
ce qui est fragmentaire
incertaine
j’ai créé par mutilation
la composition de la vie
l’épuisement et l’envie
Aujourd’hui
c’est fini
Angéline Neveu, Âme sauvage
*choix de la lectrice de José Van Gool
Il ne suffit pas d’observer ce qui se passe autour de soi pour être en mesure de décrire avec justesse des lieux et des personnages en les transposant dans un autre décor le temps d’un roman ou d’une nouvelle. Il faut bien davantage. Il faut savoir regarder. Or, c’est là une des forces de Véronique Bossé, lauréate du vingtième concours annuel de XYZ. La revue de la nouvelle, dont le premier recueil est un bel exemple de rigueur, de sensibilité et de souci du détail.
Réunies sous le titre Vestiges, les onze nouvelles du recueil sont autant de traces, de relents, de souvenirs, de ruines, de gestes manqués à effacer, à retenir, ou sur lesquels reconstruire ce qui n’est plus ou qui ne sera plus, avec cette crainte, dans certains cas, de ne pas y arriver. Cela pousse le lecteur à s’interroger sur ce qu’il a laissé et laissera peut-être derrière lui d’une histoire, d’un geste, d’un lieu, d’un objet ou d’une vie tant il est facile – et tentant – de se glisser dans la peau des personnages que nous offre Véronique Bossé.
Les thèmes abordés sont rarement légers, mais jamais l’auteure ne verse dans la dramatisation inutile, préférant plutôt ajouter un peu de rose au gris du quotidien ou, çà et là, un clin d’œil teinté d’humour. La technique est efficace. Le lecteur passe du rire aux larmes et de la noirceur à la lumière, pris au jeu qu’a inventé l’auteure à son intention.
Avec une grande maîtrise d’écriture qu’il est rare – et d’autant plus agréable – de trouver dans une première publication, Véronique Bossé nous offre une galerie de personnages que d’aucuns qualifieraient d’ordinaires. Ne vous laissez pas tromper. Chacun d’eux, à sa manière, n’a rien de banal : il n’est rien de moins que tout simplement inoubliable.
Le fait de réunir les personnages qui ont fait leur apparition au fil des dix premières nouvelles dans « Carrefour », la nouvelle qui boucle le recueil, est une jolie trouvaille. Une façon de pousser plus loin l’idée de toutes ces traces qu’on laisse derrière soi qui jalonnent le recueil. Une manière de leur donner un sens et de répondre à certaines questions laissées en suspens. Tout en laissant soi-même des traces. Un tour de passe-passe réussi.
Véronique Bossé n’a pas fini de nous étonner, je le sens. Puisse-t-elle ne pas trop tarder avant de nous donner de ses nouvelles.
Boulevard des maladresses
Le boulevard des maladresses
charrie des vents miteux
et les ficelles à terre
dans les rues de Bruxelles
J’y ai perdu une bague
un anneau de Saturne
ainsi que toi
Thomas
Angéline Neveu, Âme sauvage
*choix de la lectrice d’Evgeny Bashmakov
Je prendrai par la main les deux petits enfants;
J’aime les bois où sont les chevreuils et les faons,
Où les cerfs tachetés suivent les biches blanches
Et se dressent dans l’ombre effrayés par les branches;
Car les fauves sont pleins d’une telle vapeur
Que le frais tremblement des feuilles leur fait peur.
Les arbres ont cela de profond qu’ils vous montrent
Que l’éden seul est vrai, que les cœurs s’y rencontrent,
Et que, hors les amours et les nids, tout est vain;
Théocrite souvent dans le hallier divin
Crut entendre marcher doucement la ménade.
C’est là que je ferai ma lente promenade
Avec les deux marmots. J’entendrai tour à tour
Ce que Georges conseille à Jeanne, doux amour,
Et ce que Jeanne enseigne à George. En patriarche
Que mènent les enfants, je réglerai ma marche
Sur le temps que prendront leurs jeux et leurs repas,
Et sur la petitesse aimable de leurs pas.
Ils cueilleront des fleurs, ils mangeront des mûres.
Ô vaste apaisement des forêts! ô murmures!
Avril vient calmer tout, venant tout embaumer.
Je n’ai point d’autre affaire ici-bas que d’aimer.
Victor Hugo, L’art d’être grand-père
*toile de George Henry Story
Tout rayonne, tout luit, tout aime, tout est doux;
Les oiseaux semblent d’air et de lumière fous;
L’âme dans l’infini croit voir un grand sourire.
À quoi bon exiler, rois? à quoi bon proscrire?
Proscrivez-vous l’été? m’exilez-vous des fleurs?
Pouvez-vous empêcher les souffles, les chaleurs,
Les clartés, d’être là, sans joug, sans fin, sans nombre,
Et de me faire fête, à moi banni, dans l’ombre?
Pouvez-vous m’amoindrir les grands flots haletants,
L’océan, la joyeuse écume, le printemps
Jetant les parfums comme un prodigue en démence,
Et m’ôter un rayon de ce soleil immense?
Non. Et je vous pardonne. Allez, trônez, vivez,
Et tâchez d’être rois longtemps, si vous pouvez.
Moi, pendant ce temps-là, je maraude, et je cueille,
Comme vous un empire, un brin de chèvrefeuille,
Et je l’emporte, ayant pour conquête une fleur.
Quand, au-dessus de moi, dans l’arbre, un querelleur,
Un mâle, cherche noise à sa douce femelle,
Ce n’est pas mon affaire et pourtant je m’en mêle,
Je dis : Paix là, messieurs les oiseaux, dans les bois!
Je les réconcilie avec ma grosse voix;
Un peu de peur qu’on fait aux amants les rapproche.
Je n’ai point de ruisseau, de torrent, ni de roche;
Mon gazon est étroit, et, tout près de la mer,
Mon bassin n’est pas grand, mais il n’est pas amer.
Ce coin de terre est humble et me plaît; car l’espace
Est sur ma tête, et l’astre y brille, et l’aigle y passe,
Et le vaste Borée y plane éperdument.
Ce parterre modeste et ce haut firmament
Sont à moi; ces bouquets, ces feuillages, cette herbe
M’aiment, et je sens croître en moi l’oubli superbe.
Je voudrais bien savoir comment je m’y prendrais
Pour me souvenir, moi l’hôte de ces forêts
Qu’il est quelqu’un, là-bas, au loin, sur cette terre,
Qui s’amuse à proscrire, et règne, et fait la guerre,
Puisque je suis là seul devant l’immensité,
Et puisqu’ayant sur moi le profond ciel d’été
Où le vent souffle avec la douceur d’une lyre,
J’entends dans le jardin les petits enfants rire.
Victor Hugo, L’art d’être grand-père
*toile de Freeman Thorpe