Lali

23 mars 2015

Entrevisions 2

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BECKMANN (Max) - 6

Crépuscule du matin

La voix qui sous les feuilles profondes chantait là,
Cette nuit, qu’une inquiète et tendre âme exhala,
Voilant de son sourire sa frêle grâce atteinte,
S’en est allée avec cette âme qui s’est éteinte.
Son mystérieux frisson dans l’aurore a passé.
Elle parlait d’Enfance, d’Ailleurs et du Passé.
C’était une voix d’ombre : maintenant elle est morte,
Et voici que les brises amicales l’apportent
Jusqu’ici, dans ces jardins vaporeux et déserts,
Semblable au doux murmure des vagues de la mer,
Lorsqu’elle se meurt, au loin, sur le sable des plages…
Un souvenir de nuit divine qui se propage
Et qui traîne encore dans le crépuscule bleu…
Un écho des jours plus beaux et des temps plus heureux…
Pas même une chanson, mais une voix sans parole,
Qui ne parle de rien, ne sait rien, mais qui console…
Une ondulation des blés profonds et des eaux :
Le silence n’en est pas troublé, ni le repos;
À peine la perçoit-on, tant elle est peu de chose;
Elle ne pourrait pas faire trembler une rose,
Ni éveiller un oiseau. Pourtant, en cette voix
Vit tout un monde invisible, enchanté, d’autrefois;
En ce souffle léger, où se mêlent des parfums,
Respirent et soupirent des cœurs longtemps défunts,
Et d’immortels visages, adorables et calmes,
Y sourient à travers des guirlandes et des palmes.
On entend bruire en elle, éclore, et puis mourir
Les ailes et les lèvres ardentes du Désir,
Et les douces paroles, heureuses et sacrées,
Qu’en ces ténébreux bosquets l’Amour a murmurées.
Sa résonance d’or emplit encore les cieux :
Il faut prêter l’oreille à son chant mystérieux.
Le songe qui la pénètre laisse dans l’âme une ombre,
Et le bonheur, qui s’en éveille dans la pénombre,
Hésite et pâlit. Voyez : Déjà c’est l’avenir,
Les cimes éternelles commencent à bleuir,
Dans les airs doux et pâles les étoiles se fondent;
Un jour nouveau se lève dans la splendeur du monde.
Celles qui sortent, en ce voluptueux matin
Qu’emplit encore l’étrange écho du soir lointain,
Joyeuses, mais tremblantes, craintives, elles toutes,
Sur la pointe des pieds, silencieuses, l’écoutent
Immobiles, et d’un doigt sur leurs lèvres posé
Retenant leurs doux souffles, ainsi que leurs baisers,
Elles l’écoutent mourir dans les fleurs matinales,
Dans l’éblouissement de leurs âmes virginales,
Mourir, la prestigieuse et souveraine voix
Qui chante dans l’aurore pour la dernière fois
Et meurt, souriante et lasse, à leurs songes pareille,
Parmi les fleurs qui s’ouvrent, qui tremblent, qui s’éveillent.

Charles Van Lerberghe, Entrevisions

*choix de la lectrice de Max Beckmann

Un roman fourre-tout

Filed under: À livres ouverts — Lali @ 20:07

demoiselles

Dès les premières pages de Demoiselles-cactus, un sentiment d’agacement s’est emparé de moi et il ne s’est jamais éteint, voire estompé, au fil de ma lecture. Celui-ci est probablement intimement lié au personnage de Mélisse, une jeune femme qui passe ses journées à s’examiner et à tout ramener à elle, et aussi au côté fourre-tout du premier roman de l’auteure.

Problèmes alimentaires, pédophilie, sectes, drogues diverses, difficultés relationnelles, tous ces sujets sont abordés dans Demoiselles-cactus, superficiellement la plupart du temps, si bien qu’il est difficile pour le lecteur de s’attacher au personnage principal. Plus difficile encore de croire à ce qu’elle vit. Et pourtant, ce n’est pas faute d’avoir essayé de saisir l’essence du personnage, entre les ambiguïtés et les contradictions, les aberrations et les problèmes de construction.

Il ne suffit pas de mélanger divers ingrédients dont la presse aime s’emparer pour que le tout devienne un roman qui tienne la route; Clara B.-Turcotte en fait la démonstration avec Demoiselles-cactus. On sort du roman sans avoir compris où l’auteure veut en venir, d’autant plus que l’extrait du quatrième de couverture, faisant référence à une phrase qui n’arrive que dans les dernières pages, ne reflète en rien le ton et le contenu de Demoiselles-cactus.

Pourtant, Clara B.-Turcotte sait écrire et nous le prouve avec certaines phrases qui ont un fort pouvoir d’évocation. Mais cela n’a pas été suffisant pour que je m’attache à Mélisse, pour que j’accepte de la suivre dans tous les dédales de son univers fait de psys, d’une amie qui habite aux États-Unis, de parents insaisissables, d’un voisin perdu de vue avec qui elle reprend contact, et surtout d’un colocataire bizarre dont elle découvre le goût pour la pédophilie. Trop de voies empruntées, trop de détours qui ne mènent nulle part, trop de sentiments dont on ne voit que la surface des choses, trop de ce qui nous empêche de saisir le mal de vivre de Mélisse.

Nous sommes loin du magnifique roman en partie autobiographique de Valérie Valère, Le pavillon des enfants fous, publié en 1978, lequel mettait aussi en scène une jeune femme aux prises avec l’anorexie, la pointe de l’iceberg de son désir de mourir.

Pourtant, si l’auteure avait été mieux dirigée, elle aurait peut-être pu faire de Demoiselles-cactus autre chose qu’une suite de petites histoires qui s’imbriquent bien mal les unes dans les autres et dont on sort avec le sentiment d’avoir été floué. Impossible ici de ne pas reprendre la formule « Qui trop embrasse mal étreint ».

Texte publié dans

22 mars 2015

Entrevisions 1

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BEAHM (John) - 2

L’attente

Du monde invisible et d’aurore
Où me guidaient mes anges pieux,
Qui viendra me rouvrir les yeux?
Voici le jour. Je rêve encore.

Le doux enchantement des airs
Qui passent sur les roseraies,
Dans mes prunelles azurées
Vient comme une aube au fond des mers.

Heures et choses incertaines;
Au loin, dans des bosquets de fleurs,
Me chantent mes divines sœurs,
Et j’écoute leurs voix lointaines.

Je tremble et de joie et d’effroi.
Nue, en ma chevelure blonde,
J’attends que le soleil m’inonde,
Et qu’une ombre tombe de moi.

Charles Van Lerberghe, Entrevisions

*choix de la lectrice de John Beahm

21 mars 2015

Les vers de Mathieu 2

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CARLIN (Susan)

ces bouts de mémoire
repêchés dans les bouts du soir
ces lambeaux de mé
réanimés à l’eau forte la
moire qui file tout à blanc doux
cette main d’où velue d’ailleurs
pour t’encaresser l’excitence
à la vitesse du stock humain
qui défile rien d’inconnu
et pas même la moindre
raison d’étouffer

Mathieu Boily, Cœur tomate

*choix de la lectrice de Susan Carlin

20 mars 2015

Les vers de Mathieu 1

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ALLAN-FRASER (Patrick) - 3

et puis le voudrait-on
que faire
dire ou faire dire
de si incompréhensible
du fond d’ici à partir
d’une langue qui s’enraye
si souvent prise au corps
éprise au corps
rise du corps
le corps sort
pris

Mathieu Boily, Coeur tomate

*choix de la lectrice de Patrick Allan-Fraser

19 mars 2015

Les beaux miracles 8

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ESTERA

Près de la lettre
de ce monde
aux dates printanières
on garde en soi
une émotion intime
de l’azur paisible
et de ses conséquences
à côté du vent
qui s’achève.

Henri Falaise, Les beaux miracles

*choix de la lectrice d’Estera (dont le site Web est potentiellement dangereux, d’où le lien vers celui-ci effacé)

18 mars 2015

Les beaux miracles 7

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JOLIGN

Au seuil de ce rêve ancien
le début du temps
quitte quelquefois
sa lumière
et pourtant en s’attardant
sans ruse
sous les nuages
quand vient le ciel
on voit de l’arbre
que l’on ne connaît pas
fleurir la branche la plus simple
qui croît dans le verger.

Henri Falaise, Les beaux miracles

*choix de la lectrice de Jolign

17 mars 2015

Les beaux miracles 6

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RAFFAËLLI (Jean-François)

Quelquefois des papillons
s’envolent banalement
et ma tristesse alors
est une confusion inattendue,
une saveur ensoleillée
que le soleil effacera.

Henri Falaise, Les beaux miracles

*choix de la lectrice de Jean-François Raffaëlli

16 mars 2015

Les beaux miracles 5

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PRUSZKOWSKI (Witold)

À présent
devenu ce chemin je me réconcilie
en ombrant entre les arbres
la perfection de l’inattendu
et je désapprends
un peu de mon ignorance,
à moins que ce poème n’existe pas.

Henri Falaise, Les beaux miracles

*choix de la lectrice de Witold Pruszkowski

Premier chagrin d’amour

Filed under: À livres ouverts,Pour petites mains — Lali @ 19:02

a-cote-une-joie

C’est en m’apprêtant à faire le compte rendu du premier roman Pascal Huot, À côté d’une joie, et en relisant le quatrième de couverture que j’ai constaté que l’éditeur considérait que ce livre était pour les 10 ans et plus. Or, le public cible est bien autre. En effet, j’estime qu’il est davantage destiné aux 13 ans et plus qu’à des élèves de l’école primaire.

Ceci dit, Pascal Huot, qui a pu travailler son manuscrit sous l’œil avisé de Jean Lemieux, auteur notamment des romans jeunesse La cousine des États et Le trésor de Brion, grâce à une bourse de Première Ovation en art littéraire de la Ville de Québec, a choisi de se glisser dans la peau de Pierre-Ludovic, adolescent de 13 ans, surnommé Pierrot la lune, pour des raisons que vous devinerez sans effort.

Pierrot la lune, tout comme le héros de Nous sommes un continent, un roman de Pierre Labrie destiné aux adolescents, est poète. Ses parents sont séparés, son frère lui tape dessus. Lui? Il rêve… de Marguerite.

Mais le jour où il est enfin prêt à avouer à la fille qui fait battre son cœur depuis un an qu’il est amoureux, c’est au bras d’un autre qu’il la trouve. Sa vie va donc prendre un tournant auquel il ne s’attendait nullement. C’est anéanti qu’il fera face à la musique.

À côté d’une joie n’est pas un roman à l’eau de rose, même si la première moitié du roman aurait pu donner l’impression au lecteur qu’il se trouvait dans un roman portant sur les premiers pas et les premiers ébats d’an adolescent timide et introverti et que toutes les filles ont des prénoms de fleurs et les poèmes de Pierrot sont d’un romantisme calqué sur les vers de Baudelaire.

À côté d’une joie est un roman qui ne se prend pas au sérieux, malgré le choc et la tristesse. Preuve qu’on revient de tout, même d’une peine d’amour.

Gentiment écrit, le premier roman de Pascal Huot ne changera pas le cours de la littérature pour adolescents, surtout avec le dessin sans intérêt de l’auteur (également dessinateur) qui lui sert lieu de couverture. Mais il n’est pas désagréable à lire… quand on a 13 ans et plus!

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