Alors que de nombreux romanciers revisitent l’adolescence, la leur ou celle de leurs personnages, essaient d’inventer une langue qui les identifierait ou tentent de choquer d’une façon ou d’une autre, le deuxième roman de Mylène Durand nous transporte au Costa Rica où s’est réfugiée Clarisse il y a quelque dix ans.
Originaire du Québec, Clarisse – devenue Clarissa – s’est si bien assimilée à son pays d’adoption qu’elle en a presque oublié sa langue maternelle. Mais pas ses souvenirs. Et encore moins la petite fille de sept ans qu’elle a laissée derrière elle et que la présence d’une touriste malade du même âge que celle-ci lui rappelle. Serait-ce elle?
Cette question sert de point de départ à La chaleur avant midi, un véritable roman d’atmosphère comme il y en a trop peu. Une question qui se déploiera dans tous les sens et qui en fera surgir d’autres, tant sur le passé que sur tout ce que chacun tente d’effacer ou de conserver quand il s’agit de faire des choix.
Roman tant sur la fuite que sur la maternité, la survie, la famille, l’amour et tout ce qui nous pousse à agir ou à baisser les bras, La chaleur avant midi nous tient en haleine dès le début alors que tout ce qui paraissait stable, uniforme et sûr bascule parce que Clarissa semble rattrapée par son passé. Mais jusqu’à quel point?
J’ai été emportée dès les premiers paragraphes, prise par cette histoire qui se déroule à la manière d’une pelote de laine alors qu’on ne sait pas encore si le tricot en cours sera une écharpe, une couverture ou un chandail. Une histoire tissée de secrets, de regrets, de peur, d’espoir, où la quête n’est peut-être pas celle qu’on croyait. Une histoire qui bouleverse nos propres convictions et suscite des interrogations qui ne se terminent pas avec la dernière phrase.
Mylène Durand nous avait prouvé avec L’immense abandon des plages son talent pour les descriptions en demi-teintes, sa maîtrise de la prose poétique et son sens du rythme. Elle va encore plus loin avec La chaleur avant midi, faisant une entière confiance en ses lecteurs en ne leur donnant qu’une partie des clés pour ouvrir les portes qu’ils voudront ou non ouvrir.
Les personnages de La chaleur avant midi demeureront en moi longtemps, très longtemps. Ainsi que les nombreuses questions soulevées par ce roman qui prolongent celles soulevées par Élisabeth Badinter dans L’amour en plus.
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