En pays madelinot 4
S’émoustiquer : se fâcher.
(extrait du glossaire Le sel des mots de Sébastien Cyr)
*toile d’Egbert Cadmus
S’émoustiquer : se fâcher.
(extrait du glossaire Le sel des mots de Sébastien Cyr)
*toile d’Egbert Cadmus
Doigts cousus de reculons : doigts noueux, déformés.
(extrait du glossaire Le sel des mots de Sébastien Cyr)
*toile de Susan B. Hecht
S’amariner : commencer à s’habituer à un lieu, à un travail.
(extrait du glossaire Le sel des mots de Sébastien Cyr)
*toile de Dean Haven
Afin de souligner la première journée de l’été qui sera l’occasion pour nombre d’entre vous de prendre le large, la lectrice peinte par Fred Calleri a choisi de vous emmener au bord de la mer afin de partager avec vous quelques expressions et façons de dire typiques aux Îles de la Madeleine, un coin du Québec apprécié autant des Québécois que des étrangers.
Pour ce, elle a choisi le glossaire madelinot Le sel des mers de Sébastien Cyr à l’intention des lecteurs du jour duquel elle a tiré ceci :
Paraître comme un trèfle dans le noroît : très loin au large.
Nuit du lac
Dans un café j’ai mis mon bras sur tes épaules
Mon bras mes mains
J’ai vu tes yeux dans la carafe de vin noir
La groseille du verre illuminait ta joue
Tu renversais la tête contre le bois
La porte s’ouvrait sur des hommes
Ils apportaient la nuit du lac
Et son haleine d’algue en pénétrant ta robe
Brouillait aussi tes yeux faisait battre ton cœur
Tu m’apportes la nuit du lac sur tes épaules
Galets polis par la paume des vagues
Ton corps brun comme un jeune bourgeon de noisetier
Respire avec le calme des animaux sages
Tes épaules me donnent la nuit la nuit du lac
Tu me donnes le ciel le soleil et la terre
Et je repose en toi comme sur l’eau la barque.
Jean-Pierre Schlunegger
(dans La poésie suisse romande, anthologie de Claude Beausoleil)
*choix de la lectrice de Gwen John
Vie dangereuse
Aujourd’hui je suis peut-être l’homme le plus heureux du monde
Je possède tout ce que je ne désire pas
Et la seule chose à laquelle je tienne dans la vie
chaque tour de l’hélice m’en rapproche
Et j’aurai peut-être tout perdu en arrivant
Blaise Cendrars
(dans La poésie suisse romande, anthologie de Claude Beausoleil)
*choix de la lectrice d’Augustin de Saint-Aubin
Alors que se tenait à Montréal entre le 4 et le 14 juin le Festival d’art public, Le tao du tagueur, le premier roman de Serge Ouaknine nous ouvre les portes d’un monde qui se fait en quelque sorte l’écho de cet événement, même s’il se déroule à Montpellier et autour, et même si les murs ne sont pas peints ici légalement.
Mettant en scène un graphiste publicitaire qui a choisi d’en finir avec la facilité en devenant tagueur et la fille d’un calligraphe chinois, passionnée par la langue française, Le tao du tagueur se déploie comme une murale, chaque scène répondant à une autre, dans une orgie de couleurs qui révèle la violence des sentiments.
Le hasard qui a mis en présence les deux protagonistes de cette histoire d’amour tout autant que de partage, d’apprentissage et d’initiation, ne cessera de se jouer d’eux d’un épisode à l’autre alors que se mêleront les souvenirs de l’un comme de l’autre, si différents à prime abord et pourtant presque frères ou, à tout le moins, parallèles.
Panda, fils d’un mineur du Nord et Leyli, rescapée des camps de rééducation des gardes de Mao, ont pourtant tout contre eux. Tout pour eux. Tout à apprendre. Tout à s’apprendre. Tout à inventer, à réinventer, et même à oublier. Pour faire la paix avec leur propre mémoire, avec celle des leurs, avec tout ce qu’ils ont acquis ensemble et séparément.
Des questions surgissement, plus importantes que tout. D’où vient-on? Où va-t-on? Les tags de l’un et les signes de calligraphie de l’autre proposeront des pistes, des indices, jamais de solutions. On ne va pas aux sources sans peine, sans larmes, sans déchirure. On n’entre pas au plus profond de soi sans bouleverser les bases de ce qu’on imaginait stable. On ne va pas au-delà des limites sans égratignures.
C’est cela que Panda et Leyli apprendront. Ou qu’ils tenteront de saisir à mesure que se profilera le tao du tagueur, ce chemin qui se tracera de lui-même comme une évidence, une raison, une règle à laquelle Panda ne pourra échapper.
Cela nous donne un magnifique roman.
Un roman envoûtant et poétique qui prolonge ces vers publiés en 1998 dans Poèmes transitoires :
Quand je t’ai rencontrée
je ne savais pas que je t’aimerais
j’ai cru que je serais sauf
que la fin viendrait par accident
simple efficacement par oubli
sans vainqueur ni victime
sans mémoire surtout
je ne savais pas
que tu resterais comme une asphalte
sur la grève en ressac de la marée
Je rentre
au pays qui est le lien J’appelle
à la porte chaude Tu es là
Je reviens d’un long détour
pierre sèche terre engluée
d’autres pas entre les miens
parmi tous ces aveugles qui
t’ignorent
mais
je te sais là
dans ta mandorle de lumière
sous l’arc du soir
tendu
mon espérance
Paul Zumthor
(dans La poésie suisse romande, anthologie de Claude Beausoleil)
*choix de la lectrice d’Ernest De Nagy
Souvenir
Un long corridor, et le falot qui veille
Tout au fond sur le jardin.
La mémoire coud l’un à l’autre des noms chéris.
Ici nos ombres ont longtemps dormi
Des siècles peut-être…
Le vent du soir pousse la girouette
Vers la blessure des vallées.
À travers les miroirs ternis
Tu tiens la porte ouverte sur l’autre monde
Le temps d’un sanglot!
Jean-Georges Lossier
(dans La poésie suisse romande, anthologie de Claude Beausoleil)
*choix de la lectrice de Roejae Baptiste
Vertigineux, l’été s’exalte dans l’air alpestre, les yeux bandés.
L’automne attise les monstres, verse un vin grec dans la coupe du prophète.
Les violettes d’hiver gèlent dans la main de l’insensé.
Au plus sombre printemps germe l’arbre futur.
Edmond-Henri Crisinel
(dans La poésie suisse romande, anthologie de Claude Beausoleil)
*choix de la lectrice de David Brayne