Lali

15 décembre 2015

Fleurs du midi 7

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RAGUZ - 4

Je désire toujours

Avoir toujours gardé la candeur pour symbole,
Croire à tout sentiment noble et pur, et souffrir;
Mendier un espoir comme un pauvre une obole,
Le recevoir parfois, et longtemps s’en nourrir!

Puis, lorsqu’on y croyait, dans ce monde frivole
Ne pas trouver un cœur qui se laisse attendrir!
Sans fixer le bonheur voir le temps qui s’envole;
Voir la vie épuisée, et n’oser pas mourir!

Car mourir sans goûter une joie ineffable,
Sans que la vérité réalise la fable
De mes rêves d’amour, de mes vœux superflus,

Non! je ne le puis pas! non, mon cœur s’y refuse
Pourtant ne croyez pas, hélas ! que je m’abuse :
Je désire toujours… mais je n’espère plus!

Louise Colet, Fleurs du midi

*choix de la lectrice de Raguz

14 décembre 2015

Fleurs du midi 6

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PIVET (Pierre) - 3

Les fleurs que j’aime

Fleurs arrosées
Par les rosées
Du mois de mai,
Que je vous aime!
Vous que parsème
L’air embaumé!

Par vos guirlandes,
Les champs, les landes
Sont diaprés :
La marguerite
Modeste habite
Au bord des prés.

Le bluet jette
Sa frêle aigrette
Dans la moisson;
Et sur les roches
Pendent les cloches
Du liseron.

Le chèvrefeuille
Mêle sa feuille
Au blanc jasmin,
Et l’églantine
Plie et s’incline
Sur le chemin.

Coupe d’opale,
Sur l’eau s’étale
Le nénufar;
La nonpareille
Offre à l’abeille
Son doux nectar.

Sur la verveine
Le noir phalène
Vient reposer;
La sensitive
Se meurt, craintive,
Sous un baiser.

De la pervenche
La fleur se penche
Sur le cyprès;
L’onde qui glisse
Voit le narcisse
Fleurir tout près.

Fleurs virginales,
À vos rivales,
Roses et lis,
Je vous préfère,
Quand je vais faire
Dans les taillis
Une couronne
Dont j’environne
Mes blonds cheveux,
Ou que je donne
À la Madone
Avec mes vœux.

Louise Colet, Fleurs du midi

*choix de la lectrice de Pierre Pivet

13 décembre 2015

Fleurs du midi 5

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PISSARRO (Camille) - 6

Lassitude

Il est de ces longs jours d’indicible malaise
Où l’on voudrait dormir du lourd sommeil des morts;
De ces heures d’angoisse où l’existence pèse
Sur l’âme et sur le corps :

Alors on cherche en vain une douce pensée,
Une image riante, un souvenir fécond;
L’âme lutte un instant, puis retombe affaissée
Sous son ennui profond.

Alors tout ce qui charme et tout ce que l’on aime
Pour nos yeux dessillés n’a qu’un éclat trompeur;
Et le bonheur rêvé, s’il vient, ne peut pas même
Vaincre notre torpeur.

Louise Colet, Fleurs du midi

*choix de la lectrice de Camille Pissarro

12 décembre 2015

Fleurs du midi 4

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jakopic-1

L’inspiration

Ah! lorsque débordait ainsi la poésie,
Torrent impétueux, brûlante frénésie,
Dans mon âme vibraient d’indicibles accords;
Comme sous l’ouragan bat la vague marine,
Sous la muse mon cœur battait dans ma poitrine,
Mais ma lyre jamais n’égalait mes transports!…
Par l’inspiration je restais oppressée,
Comme la Druidesse au sommet du Dolmen;
J’implorais, pour donner un corps à ma pensée
Ton langage éthéré, musique, écho d’Eden!

Il est des sentiments, mystérieux, intimes.
Qu’aucun mot ne peut rendre, et que toi seule exprimes;
Ces rêves, incompris du monde où nous passons,
Ces extases d’amour, d’un cœur qui vient de naître,
Alors, j’aurais voulu, pour les foire connaître,
Moduler sous mes doigts de séraphiques sons!

J’aurais voulu, penchée à la harpe sonore,
Répandre autour de moi l’âme qui me dévore,
Dans des flots d’harmonie aux anges dérobés!
Oui, j’aurais voulu voir, quand mon âme est émue,
Tous les cœurs palpitants, d’une foule inconnue,
Sous mes accents divins demeurer absorbés!

Vains désirs ! jeune aiglon, on a coupé mes ailes,
On a ravi mon vol aux sphères éternelles,
Pour me faire marcher ici-bas en rampant!
Si la Muse, parfois, vient visiter ma route,
Mon chant meurt sans écho, personne ne l’écoute;
Et l’hymne inachevée en larmes se répand!

Louise Colet, Fleurs du midi

*choix de la lectrice de Rihard Jakopic

À cause d’une carte postale

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Lupinchen - illustration de Binette Schroeder

Et tout a commencé par une carte postale. Une carte postale tirée d’un album jeunesse intitulé en allemand Lupinchen, écrit et illustré par Binette Schroeder. Une illustration si belle, si pleine d’imagination qu’il a fallu que je parte à la recherche de Lupinchen.

Il n’a pas été facile de mettre la main sur cet album dont le titre français est Fleur-de-Lupin. Et pour cause : l’album a été édité en 1970 et n’a pas été réimprimé depuis de nombreuses années, alors qu’il est un classique de la littérature jeunesse en Allemagne. Il n’y a qu’un exemplaire dans le réseau des bibliothèques de Montréal.

flupin

C’est donc avec beaucoup de délicatesse que j’ai d’abord feuilleté l’album. Pour le plaisir des images. Pour m’imprégner des couleurs. Pour entrer tout doucement dans l’histoire. Une histoire toute simple qui parle de l’amitié entre Fleur-de-Lupin et ses amis, lesquels s’entraideront les uns les autres au cours de cette journée qui nous est racontée, au cours de laquelle un pique-nique improvisé risque de mal tourner à cause de la pluie.

Je suis encore sous le charme.

Et tout ça à cause d’une carte postale.

11 décembre 2015

Fleurs du midi 3

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ISHCHUK (Sergei) - 2

Ma poésie

Il est dans le Midi des fleurs d’un rose pâle
Dont le soleil d’hiver couronne l’amandier;
On dirait des flocons de neige virginale
Rougis par les rayons d’un soleil printanier.

Mais pour flétrir les fleurs qui forment ce beau voile,
Si la rosée est froide, il suffit d’une nuit;
L’arbre alors de son front voit tomber chaque étoile,
Et quand vient le printemps il n’a pas un seul fruit.

Ainsi mourront les chants qu’abandonne ma lyre
Au monde indifférent qui va les oublier;
Heureuse, si parfois une âme triste aspire
Le parfum passager de ces fleurs d’amandier.

Louise Colet, Fleurs du midi

*choix de la lectrice de Sergei Ishchuk

10 décembre 2015

Fleurs du midi 2

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IMPERATORI (Roberta) - 8

Réponse à un poète

Comme un astre luit sur la terre,
Sans que sa lumière s’altère
Aux feux obscurcis d’ici-bas;
Ou, comme ces vagues lointaines,
Qui, jamais n’ont baigné les plaines
Que l’homme foule sous ses pas :

Heureuse est ton âme, ô poète!
L’univers entier s’y reflète,
Ton regard plane dans les deux,
Et de ces sphères, qu’il explore,
Il n’a pas vu surgir encore
Les rayons d’un jour soucieux.

À ta voix, toujours ingénue,
L’hymne de deuil est inconnue;
Pour toi la vie est dans sa fleur;
Et sur ton front pur et candide,
On ne voit pas encore la ride
Que creuse, en passant, la douleur.

La muse que tu t’es choisie,
Source de toute poésie,
Inspira mes accords naissants;
À ses foyers, où tu t’embrases,
Au sein des plus pures extases,
Ma lyre enflammait ses accents.

J’évoquais, dans leur harmonie,
Dieu, la nature, le génie;
Ces trois déités que tu sers!
Le monde idéal de mes songes,
Était le même où tu te plonges
Pour créer tes chastes concerts.

Là, m’enivrant comme l’abeille,
Qui boit les parfums, puis sommeille
Dans les calices dépouillés;
J’errais de richesse en richesse,
Et par des larmes de tristesse
Mes yeux n’étaient jamais mouillés.

Mais, quittant sa céleste orbite,
Sur ce globe que l’homme habite
Mon étoile sembla pâlir :
Ici, plus d’ineffable joie;
Je n’ai pas trouvé sur ma voie
Une seule fleur à cueillir.

Voilà pourquoi mon âme est triste :
Hélas ! des banquets où j’assiste
Si je savoure la liqueur,
La coupe, où je cherche l’ivresse,
N’offre à ma lèvre qui la presse
Rien de ce qu’a rêvé mon cœur!

Dans ce monde, où j’ai voulu lire,
Ne va pas, enfant de la lyre,
Abattre ton vol radieux :
Ah ! sur cette terre inféconde,
Il n’est point d’écho qui réponde,
À nos accents mélodieux!

Louise Colet, Fleurs du midi

*choix de la lectrice de Roberta Imperatori

9 décembre 2015

Fleurs du midi 1

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HOLSOE (Carl Vilhelm) - 15

Rêve

Ô mes auteurs chéris, vous qui, lorsque je pleure,
Me consolez toujours, m’entourez à toute heure,
Vos écrits ont calmé mes pensers dévorants,
Et je vous aime tous, en amis, en parents!…

Dans mes rêves brillants, fils de la poésie,
Je vois s’ouvrir pour moi votre foule choisie;
Votre voix m’encourage, et je vous dis comment
Ma jeunesse a passé de tourment en tourment :
Comment, sans qu’un ami soit venu leur sourire,
Je fis mes premiers vers sans savoir les écrire;
On m’interdit l’étude, ainsi que l’on défend
Le jeu, qui le distrait, au paresseux enfant.
Et je cachais à tous, comme on cache des crimes,
Les désirs du poète et ses penchants sublimes!…

Alors, comme un tribut pour ce que j’ai souffert,
Le laurier triomphal par vos mains m’est offert.

Louise Colet, Fleurs du midi

*choix de la lectrice de Carl Vilhelm Holsoe

8 décembre 2015

Les vers de Norge 3

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DOYLE (Lucy) - 5

Pour mémoire

On dansa jusqu’à l’aurore
Et la fête fut si tendre
Que parfois scintille encore
Quelque baiser sous la cendre.

Oui, même après tant d’années,
Dans les grands lustres là-haut,
Des éventails vont planer
Comme de frêles oiseaux.

Et le secret d’un miroir
Tient pour lui seul désormais
Le merveilleux désespoir
De deux enfants qui s’aimaient.

Les lueurs des sentiments,
Leur feinte aux mille sourires
Imprègnent profondément
Ces murs lourds de souvenirs.

Rien ne se perd dans ces lieux,
Rien ! Si l’on écoutait mieux,
On entendrait sourdement
Battre des cœurs anxieux,

On entendrait doucement,
Simplement, aveuglément,
Une navette infinie
De fougueux événements

Et de longues accalmies
Tisser les fils de la vie.

Norge, Le stupéfait

*choix de la lectrice de Lucy Doyle

7 décembre 2015

Les vers de Norge 2

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DIDIERLAURENT (Véronique) - 15

Un la

Je ne sais quel dragon ailé
Venait de passer dans la chambre,
Mais on vit soudain se fêler
Un œil de la sculpture d’ambre.

Et dans le cahier de solfège,
Parurent deux grains de raisin.
IL tomba même un peu de neige
Sur les touches du clavecin.

On entendit tinter un la
Triste et lent
Avec la
Douceur d’un flocon blanc.

Norge, Le stupéfait

*choix de la lectrice de Véronique Didierlaurent

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