Brouillon de lettre
N’entendez-vous pas soupirer la lectrice de Josefina Vivancos ? Un de ces longs soupirs devant une phrase exquise ? Un de ceux qui arrivent à nos lèvres au hasard d’une phrase bien tournée maintes et maintes fois relue ?
Est-ce une phrase tirée d’un roman qu’elle a pris soin de recopier il y a longtemps ? Peut-être. Ou bien un poème qu’un jour jadis un homme lui a dédié, qui disait son regard de braise et l’effet que ce dernier avait sur lui ? Ou la lectrice est-elle en train de parcourir le brouillon d’une lettre qu’elle n’a pas osé finir ?
J’aime penser, en ce qui me concerne, que la feuille qu’elle tient entre ses mains est la copie d’une lettre qu’elle a envoyée. D’une lettre où elle est allée au bout d’elle-même, où elle a vidé d’elle toute sa passion pour un homme. Et que ce soupir que j’entends en est un de libération, voire de fierté : elle ne s’est pas tue cette fois. Elle a pris le risque des mots.