Anecdotes de libraire 1
En regardant la toile de Linda Apple, je n’ai pu m’empêcher de penser à la vie de libraire qui a été la mienne pendant plus de vingt ans. À cette vie au quotidien à laquelle je greffais mes autres activités littéraires. Pour ne rien manquer. Quitte à dormir peu. Si bien que je dors toujours peu.
Et quelques anecdotes me sont revenues. Parce que la vie de libraire a aussi ses moments rigolos, ses questions qui désarçonnent. Du genre « Vous avez Madame Bovary? Celle de Flaubert, hein, je ne veux pas celle d’un autre. » Et moi qui ignorais qu’il y en avait plus d’une. Quelle ignare! Ou bien, cet étudiant, livre à la main, samedi 16 h 45, avec un résumé à rendre le lundi matin, « Vous savez si on a fait un livre de ce film? » Petit futé, va. Les profs connaissent les trucs, il n’y a presque plus de romans qui ont été adaptés sur les listes…
Et n’oublions pas les titres déformés. Il n’y a pas de jours où ça arrive moins de dix fois. « Vous auriez pas Les jambes de bois d’Anne Hébert? » Il semblerait que c’est la suite des Chambres de bois… « Vous avez La petite chose de Daudet? » Celui-là, il devait savoir des choses que beaucoup ignorent. « Vous devez avoir ça Anne et Karine? C’est un grand roman russe. » Probablement que l’auteur doit se prénommer Noël, il faut savoir jouer avec les lettres parfois.
Et devant l’assurance de certains, se dire que l’éditeur s’est trompé. « Le prof nous a bien dit Les mémoires d’une jeune fille dérangée. Je vous l’assure. Un titre comme ça, ça ne s’oublie pas. »
Et puis des demandes comme « Je voudrais le nouveau livre de Don Quichotte. Vous avez ça? » Il est connu et su de tout le monde que Don Quichotte écrivait des livres et que Cervantès était son héros. Comment pouvais-je ignorer la chose?
Et les fous rires qu’il faut retenir. « Vous ne trouvez pas que George Sand est un peu efféminé? Ça devait être un travelo. »
Si vous n’avez pas souri une seule fois, je vous le dis tout de suite : ne pensez jamais à être libraire.

Assez drôle …
… mais il arrive des fois chez le libraire…
– Bonjour, monsieur
– Bonjour. Vous cherchez? …
– Avez-vous des livres de Saramago ?
– Jamais entendu parler!… [regard amusé] C’est un écrivain?…
– Je pense bien que oui. Il est le prix nobel de littérature…
– Ah bon !!!… Jamais entendu parler… Et il était prix Nobel quand?
– En mille neuf cent nonante-huit ou quatre-vingt dix-huit si vous voulez, je suis parfaitement bilingue là-dessus…
– Non, désolé je n’ai pas…
– Dites, vous trouvez normal que vous ayez une librairie et vous ne connaissiez pas Saramago?
– Je ne peux pas connaître tout le monde, Monsieur.
– Il s’agit tout de même d’un prix Nobel de littérature…
– C’est vous que le dites…
– J’en suis même fier. Il est portugais. Bonsoir.
Commentaire by Armando — 29 mars 2008 @ 15:39
C’est là la meilleure façon d’établir une différence entre un libraire et un vendeur de livres…
Commentaire by Lali — 29 mars 2008 @ 15:44
Peut-être dans ta vie de libraire as-tu eu l’occasion de rencontrer l’oeuvre de Hugo Claus, à qui la Flandre a dit adieu et fait hommage aujourd’hui. C’était un monument en flandre, un maître poête, écrivain et peintre, quelqu’un que l’un de ces amis nommait à juste titre « un chêne » que l’on enlève d’un bois et qui laisse passer la lumière pour faire pousser les autres. La litérature flamande a complètement changée depuis son passage ; il a été traduit en plein de langues et nommé différentes fois pour le prix Nobel de la litérature. C’était un homme qui célèbrait la vie et qui peut-être apprendra au Belges- tous les belges-à être fier d’eux et à cerner leur identité. En commençant par ce qu’ils on tous comme grand talent et d’une façon égale en wallonie et en flandre : La joie de vivre Belge.
Commentaire by cath — 29 mars 2008 @ 15:59
Je prépare justement quelque chose sur lui… Serais-tu devine?
Je n’ai pas seulement lu Hugo Claus, j’ai pu le rencontrer.
J’ai eu la chance d’assister à une de ses conférences il y a plus de 20 ans, un moment qui m’a énormément marquée et je suis à chercher l’angle pour raconter ce moment.
Et ce que tu dis de ce grand homme est magnifique.
Merci pour ce vibrant commentaire.
Le billet sur lui te sera dédié.
Commentaire by Lali — 29 mars 2008 @ 16:03
Pire que la « Foire aux cancres » !! Mais les érudits existent-ils ? Pas ennuyeux ni pédants, mais qui vous apprennent beaucoup de choses ?
Commentaire by Reine — 29 mars 2008 @ 17:22
Un de mes amis était libraire. Il racontait avec plaisir les demandes bizarres de ses clients. Je les ai oubliées… :-/
Sauf celle d’une jeune fille qui devait lire « les saintes chaises » de Catherine Paysan et qui se demandait comment allaient réagir ses parents communistes convaincus. « les Sanchez » est le titre exact de ce livre !
Je l’ai lu, inspirée par ce titre « les saintes chaises »… J’en ai tiré une histoire 🙂
Commentaire by agnès — 30 mars 2008 @ 5:16
Je n’ai pas d’anecdotes de librairie à vous raconter mais je me suis régalée de vos commentaires.
Par contre, j’ai une anecdote concernant un vendeur de CD que je raconterai dans une rubrique concernant la musique.
Commentaire by Denise — 30 mars 2008 @ 8:21