Lali

4 août 2013

En vos mots 330

Filed under: Couleurs et textures,En vos mots — Lali @ 8:00

Et si cette semaine nous allions faire un tour dans une bibliothèque? C’est l’illustratrice Emily Gravett qui vous y invite afin que vous puissiez une fois de plus nous inventer une histoire, nous dire en vos mots ce que la scène évoque pour vous, le temps d’une nouvelle, d’un poème ou d’une phrase.

Les commentaires seront validés dans sept jours, comme le veut l’habitude. D’ici là, bonne semaine et bonne lecture. Les textes inspirés par la toile de la semaine dernière vous attendent.

6 commentaires »

  1. Le mois d’aout avait apporté avec lui la pluie promise depuis quelques jours. Cela semblait convenir à merveille aux quelques étudiants qui préparaient les examens de septembre et qui avaient pris l’habitude de venir bruler leurs après-midi à la bibliothèque.

    En règle générale, ils étaient silencieux et studieux. Même si ici ou là, éclataient, comme un tonnerre, quelques fous rires, rapidement estompés par le regard exaspéré de Paula, la responsable des lieux. Une dame austère qui ne connaissait que l’ordre, la rigueur.

    La porte d’entrée s’est fermée avec tant de fracas qu’elle a fait naitre le silence. Nos regards se sont tournés, silencieux, vers cet homme, sale et pauvrement vêtu, portant dans chacune de ses mains un sac poubelle rempli de babioles. Un SDF qui a voulu se réfugier à l’intérieur quelques instants. Surement.

    – Puis-je vous aider?…
    Le ton percutant et froid de la voix de Paula était à peine poli.

    – Je voudrais consulter un livre, lui a répondu l’homme avec une voix tellement effacée que son souffle n’arriverait pas à faire vaciller la lumière d’une bougie.
    – Vous être inscrit dans notre bibliothèque? lui a demandé Paula, d’un ton inquisiteur. Presque menaçant.
    – C’est que… Je voudrais juste pouvoir lire quelques pages du livre Les apparences de Gillian Flynn…
    – Vous êtes fou? Lire quelques pages…. Mais regardez-vous… Vous faites pitié à voir… M’enfin…

    Et l’homme a recommencé, avec sa voix effacé : « Vous savez… j’ai trouvé le livre dans une poubelle et je l’ai lu, mais il manque de la page 263 à la page 268. Regardez, je l’ai noté…
    – Mon Dieu! a soupiré Paula avec exaspération. Sortez Monsieur, ne faites pas de scandale.

    Un court silence. Puis le bruit grave et violent d’une chaise sur le parquet. Une jeune fille s’est levée et ses hauts talons ont résonné dans toute la bibliothèque. Le bruit de ses pas s’est promené entre quelques rayons et puis s’est arrêté net. Puis, de nouveau le bruit de ses talons dans le creux de nos silences. La jeune fille s’est arrêtée à un mètre du mendiant. Tournant le dos à Paula. Puis elle a souri.
    – Page 263, vous avez dit?…
    – Oui… jusqu’à la page 268. Pouvez-vous me les lire?…

    Et une voix douce et sucrée a rempli le silence inutile de toute la pièce. Amy Elliott Dunne, 21 Octobre 2011, Journal.
    La mère de Nick est morte. Je n’ai pas pu écrire parce que la mère de Nick est morte, et son fils est complètement largué. La douce Maureen, la coriace Maureen …


    Ses yeux deviennent sombres, canins, et il me prend de nouveau par les bras.
    « Non, Amy. Pas pour l’instant. Je ne peux pas supporter le moindre stress supplémentaire. Je ne peux pas me rajouter un sujet d’inquiétude. La pression me fait déjà craquer. Je vais péter les plombs. »
    Pour une dois, je sais qu’il dit la vérité.

    Le silence a encore duré quelques instants. La jeune fille a refermé le livre et a regardé le mendiant sans se détourner de son regard. Celui-ci lui a souri avec gratitude.

    – Puis-je entendre votre nom jeune fille?…
    – Aurore. Je m’appelle Aurore…
    – Aurore… a murmuré le mendiant … avant de poursuivre : Dites, comment cela s’appelle-t-il, quand le jour se lève, comme aujourd’hui, et que tout est gâché, que tout est saccagé, et que l’air pourtant se respire et qu’on a tout perdu, que la ville brûle, que les innocents s’entre-tuent, mais que les coupables agonisent, dans un coin du jour qui se lève?
    Cela a un très beau nom. Cela s’appelle l’aurore.

    « Dieu vous protège, Aurore! » lui a-t-il lancé avant de se retourner. La lourde porte de la bibliothèque a claqué derrière lui, avec tellement de fracas que seul le silence pouvait renaitre.

    Comment by Armando — 7 août 2013 @ 11:16

  2. Lorsque j’étais enfant, j’allais dans ce genre de lieu avec mon père, juste avec lui.
    Je devais avoir neuf ans, quand, pour la première fois, je découvris
    autant de livres dans un même espace.
    Cela, n’avait rien à voir avec toutes les bibliothèques des grandes
    villes, c’était une pièce assez vaste où toutes sortes de livres s’entassaient, du documentaire au roman en passant par les livres illustrés pour enfants, le tout simplement posé sur des tables.
    Mon père choisissait toujours les livres pour moi, il les feuilletait
    rapidement comme un éventail en me lisant quelques mots, quelques lignes au hasard, jamais le résumé, il me disait que je devais découvrir le livre, le respirer pour m’en imprégner et alors là seulement à ce moment,
    je pouvais commencer ma lecture.
    Le premier livre qu’il me tendit, fut  » poil-de carotte « , ensuite il y en eut pleins d’autres, mais à chaque fois, il me donnait un livre comme s’il s’était agi d’une liste précise à me faire lire.
    Ainsi défila dans mes petites mains des pages entières d’histoires naturelles, de mare au diable, de petite fadette, d’enfant et de rivière.
    Pendant une année, je baignais dans un monde chatoyant et féerique.

    Puis mon père disparut.

    Nous n’allions plus dans ce genre d’endroit, ma mère avait suspendu les mots sur le fil de sa pensée coupée.

    Je ne lisais plus.

    Les livres sont restés pour moi, pendant des années, fermés.
    Un jour pourtant, j’ouvris un livre, trouvé, dans un carton chez ma grand-mère,  » le petit chose « , qu’elle me donna aussitôt, en me confiant que celui-ci ayant appartenu à mon père me revenait et que c’était là un prix qu’il avait gagné, en lecture, lors de sa scolarité.

    J’allais alors sur ma quatorzième année.

    Bien des années plus tard, nous nous promenions, lors d’une brocante,
    un Dimanche en famille, lorsque je fus attiré par un stand recouvert de vieux livres, et là au milieu de nulle part, ce livre, celui de Jules Renard ,  » poil-de-carotte « , que je pris dans mes mains.
    Ma mère s’approcha de moi et me voyant feuilleter et humer le livre, leva soudainement vers moi un regard souriant en me disant:
     » Alors, ce n’était donc pas des mots que tu cherchais dans tous tes livres!! »

    Depuis, je ne vais plus dans les bibliothèques.

    Comment by haÏku — 9 août 2013 @ 16:03

  3. Nouvelle, poème ou phrase? Hum…

    Bon, bon, bon, j’essaie la nouvelle :

    Elle est entrée à 9h30 dans la bibliothèque comme tous les jours de la semaine. Il n’y avait personne puisqu’elle ouvre à 10h00 pendant l’été. Il y avait plein de livres à classer en attendant le premier client. Tout était calme.

    À 9h45 on frappa à la porte. Elle avait ordre de ne pas ouvrir avant 10h00 et s’était bien inscrit sur l’écriteau à l’entrée.

    Pourtant les coups se faisaient insistants; puis ils se firent de plus en plus violents. Après les coups de poings répétés dans la fenêtre, d’un seul coup de pied d’une force inouïe il défonça la porte. En entrant avec sa carabine il cria : «Où sont les rats? »

    Elle répondit : « Dites donc vous, les écriteaux ça ne vous dit rien? Pourtant le « SHH! » est assez gros pour qu’on le voie! »

    C’est alors qu’il tira à bout portant sur un pauvre petit mulot trop curieux qui s’était montré le bout du museau entre deux BD.

    Et sur ce il sortit en disant : « J’ai bien lu votre écriteau sur lequel il est marqué : « Join the Gravett Gang! » vous pouvez compter sur moi madame « about me »!

    Comment by Flairjoy — 10 août 2013 @ 19:40

  4. Bibliothèque air…

    Au pied de cent rayons, tu es là à genoux,
    Au bord d’un livre à lire où surgissent les pages
    D’où tombent des géants de fin de moyens âges
    Qui fleurent sur la toile un parfum aigre-doux…

    Et contre des moulins tu donnes de ton temps,
    Et avec ton épée, adorable sans doute,
    Tu sais à perdre haleine aller croiser la route
    Du lecteur qui s’en vient et rêve sur l’instant…

    Toujours j’ai pu venir me chauffer à la flamme,
    Toujours, j’ai pu m’assoir au milieu du salon,
    Lire tous ces échanges et sous ton oriflamme,

    Rester tout interdit, mon coussin céladon,
    Bien calé au moelleux, que le Diable me damne,
    Y trouvant du plaisir à voir si gente dame…

    Comment by Cavalier — 11 août 2013 @ 4:56

  5. oh dites donc! vous vous êtes surpassés, cette semaine… bravo!

    Comment by Adrienne — 11 août 2013 @ 8:29

  6. « C’est formidable » me dit-il au téléphone en me parlant d’un site où il avait trouvé plus de mille livres à charger… « Mille livres! Tu te rends compte? » – « Heu, oui, lui répondis-je » …
    Et tout content, il rajouta: « tu n’aurais même plus besoin d’aller à la bibliothèque! »

    Catastrophe! Epouvante! Et je le lui dis: « mais j’aime aller à la bibliothèque, justement! » . Eh oui, Dominique aimait les bibliothèques, bien en ordre et fouillis en même temps. Inutile de vous vanter le contact du papier, des couvertures, des volumes… Les couleurs! Les rangements, les bacs pleins d’auteurs aimés des lecteurs… Et la réserve précieuse!

    Et l’enfer des bibliothèques ! Ah oui! L’enfer… Vous y pensez parfois? Mais l’enfer, justement, ce serait de ne plus pouvoir aller à la bibliothèque !!!

    Comment by Pivoine — 19 août 2013 @ 7:33

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