Ce que mots vous inspirent 1601
Les plus silencieux s’avèrent souvent les meilleurs orateurs dès qu’on leur en donne l’occasion. (Bernard Werber)
*toile de Lorenzo Lotto
Les plus silencieux s’avèrent souvent les meilleurs orateurs dès qu’on leur en donne l’occasion. (Bernard Werber)
*toile de Lorenzo Lotto
L’enfant
L’enfant est en train de grandir.
Il grandit au monde, l’enfant.
Grandit pour les fleuves absents
et les nuages outremer.
À six ans déjà il voyage
avec le regard étranger
de ses ancêtres les marins
sur les cartes couvertes d’îles.
L’enfant est en train de grandir.
Et si ses jambes sont plus longues
c’est pour mieux vaincre les distances
par les chemins en éventail.
Ses cheveux se teintent d’un or
que dore le pollen des lis.
Dans son regard déjà s’éveillent
des secrets qui y sommeillaient.
L’enfant est en train de grandir.
Et de sa langue, les paroles
encore pures d’équivoques
poussent, agiles et fertiles
comme les épis dans les blés.
L’enfant est en train de grandir.
Laissez-le grandir librement.
La terre et la mer appartiennent
aux yeux naïfs de cet enfant,
petit-fils d’ancêtres marins,
fils d’un père venu d’ailleurs.
Domingos Carvalho da Silva
(dans Poèmes du Brésil, choisis traduits et présentés par Bernard Lorraine)
*choix de la lectrice de Nora MacPhail
Je ne sais plus pourquoi j’avais noté le titre de cet album dans mon carnet où je note les titres des livres que je me dois de lire. L’avais-je feuilleté dans une librairie ou une bibliothèque? Avais-je lu une critique d’une lectrice emballée? Je n’en ai pas la moindre idée. Mais une chose est certaine : j’ai bien fait de noter ce titre. Célestin le ramasseur du petit matin est un petit bijou.
Ce n’est pas rien de partir de bon matin, jour après jour, armé d’un sac et d’un bâton afin de ramasser les mouchoirs souillés de larmes afin que disparaissent ainsi les gros bobos et les chagrins. Mais vient un jour où, à force d’emmagasiner chez lui toute cette tristesse, Célestin se met à pleurer. À pleurer, à ne plus cesser de pleurer. Vivre avec les traces de l’humanité souffrante a fini par avoir raison de lui.
Mais que faire? Comment retrouver le bonheur de cueillir à nouveau tous ces mouchoirs de toutes les couleurs afin d’effacer les chagrins sans pour autant se voir enseveli sous le poids de tous ces petits riens et ces gros bobos? Mais en lavant les mouchoirs, bien sûr! Et pas question que je vous en dise plus. La fin est trop jolie pour la gâcher en la dévoilant.
Mayalen Goust, dont on ne sait pratiquement rien, sinon qu’elle vit à Rennes, s’est appliquée. Le texte de Sylvie Poillevé, déjà plein de musique et de poésie, prend son envol grâce à ses illustrations.
Le résultat est un album essentiel à toute bibliothèque pour enfants. Et peut-être même à celle de certains grands. Je parle en connaissance de cause. J’ai en effet lu l’album à un « plus tout jeune » qui a commencé par être tout à fait sceptique, se demandant bien quelle était cette nouvelle lubie de ma part. Jusqu’à ce qu’il se laisse prendre par l’histoire. Puis séduire par les images. Et qu’il en oublie le poids sur ses propres épaules.
Envoyée d’Allemagne par Astrid, cette carte a tout de suite été rangée parmi mes préférées. Je crois que cela s’appelle un coup de foudre…
Que le monde serait heureux…
Que le monde serait heureux si, abolis,
Tous les souvenirs de l’amour – avec sa gloire,
Sa joie et ses plaisirs – quittant notre mémoire
Venaient s’éteindre dans les cendres de l’oubli.
Pourtant, une tristesse envahissante emplit
Mon âme : c’est de voir qu’hostile au transitoire
Cet amour, sûr de sa fantastique victoire,
Vit dans le souvenir, prisonnier dans ses plis.
Amants, vous qui brillez, consumés par ses soins,
J’ai fui ce sentiment dont le dard empoisonne.
Vous l’avez cultivé pour vos futurs besoins :
Son bonheur inconstant n.osant tromper personne,
Tous ses bienfaits passés, dans l,avenir lointain
Sauront vous consoler des tourments qu’il vous donne.
Claudio Manuel da Costa
(dans Poèmes du Brésil, choisis traduits et présentés par Bernard Lorraine)
*choix de la lectrice d’August Macke
Je ne suis pas fan des albums où les personnages sont des animaux. Je me suis pourtant laissée séduire par l’album illustré par Caroline Hamel malgré ma réticence initiale. Probablement parce que les illustrations sont ludiques et efficaces, et qu’elles accompagnent à merveille le texte signé Lou Beauchesne, lequel nous relate avec beaucoup d’imagination ce qui se passe quand un roi en a assez de voir sa princesse de fille se promener avec une suce à la bouche.
Humour, exagération et bon sens se trouvent réunis dans La guerre des suces, où on ne rit pas avec les règlements. C’est ainsi que l’interdiction du « port de la suce » aura des conséquences énormes sur la tranquillité et le bien-être de tout le royaume.
Or, comment calmer les enfants et faire en sorte qu’ils dorment sans suces puisqu’elles ont été confisquées et entreposées, donc inaccessibles? Et surtout, comment rendre au roi sa jugeote? C’est ce à quoi cet album cocasse et intelligent s’applique au fil des pages avec succès.
Un album qui nous rappelle à quel point le mot suce a un sens bien clair en anglais; suce se traduit par pacifier.
Ce joli montage de la photographe montréalaise Sofia Ajram ne m’a pas été envoyé d’ici, mais de Taipei! Amusant, non?
Ton nom
Ton nom, un rêve dans in passé qui sommeille,
Sourire d’âme entre tant de cris de souffrance,
Un murmure perpétuel à mon oreille,
Un chant de harpe qui berça mon existence.
Ton nom fut écho de sanglots entre chacune
De mes chansons, chacun de mes gémissements.
Il fut tout ce qu’alors j’aimai. Je le résume :
Douleurs, plaisirs, bonheurs, amours, enchantements.
Je l’ai gravé dans les troncs des arbres en sève.
Tracé sur le sable des mers fouettant leurs grèves,
Et je l’ai lu dans les étoiles, l’épelant
À la clarté de moelleux clairs de lune blancs.
Je l’ai tressé sur le verdoiement clair des prés,
Avec des fleurs de lys, des pétales de roses;
Il a souvent couru, ailé, sous le vent frais
Et parfumé, dans les matins calmes des choses.
Avec l’étoile, il s’est éteint. Tombé un jour
Avec le tronc. Il s’est flétri avec les fleurs.
Sur la plage, effacé. Mais je le garde au cœur
Fatalité! Destin contraire à nos amours!
José Bonifacio de Andrade e Silva, dit le Jeune
(dans Poèmes du Brésil, choisis traduits et présentés par Bernard Lorraine)
*choix de la lectrice de Katherine MacDonald