Lali

11 janvier 2008

Dans un coin du café

Filed under: À livres ouverts,Couleurs et textures — Lali @ 22:43

glakas 1

Le lecteur de Gavin Glakas s’est assis à la table du café où il s’assied tous les soirs. Il y reste parfois si longtemps qu’il peut lire là un livre en entier en un soir. D’autres fois, il traîne jour après jour le même livre dont il ne semble jamais repu. C’est le deuxième soir qu’il va sans ordre dans Un chant dans l’épaisseur du temps de Nuno Judice. Et il a beau aller ici et là, dans le désordre et l’envie de se laisser porter par les mots, c’est toujours sur ces lignes qu’il revient :

Dans un coin du café, ce que tu recherches, c’est que le poème
te dise qui tu es, pourquoi tu te caches, quel est le nom
de la fille qui t’a regardé fixement.
Et tu n’as pas de réponse.
La réponse était sur les lèvres de cette fille
que ton silence n’a pas su interroger;
et dans le vent qui balayait l’esplanade,
emportant feuilles et papiers.
L’automne : une image, celle de ta propre vie,
que tu n’as pas su ignorer;
pour que d’une banale conversation avec l’inconnue,
surgisse une image, cette autre,
de la vie que tu aurais aimé ne pas perdre,
à chaque instant, entre tes doigts et tes vers.

La lectrice qui écoute Gershwin

Filed under: Couleurs et textures — Lali @ 22:01

tafoya 2

La lectrice de Buz Tafoya a déposé son livre. Pas qu’il n’était pas intéressant. Sûrement pas. Mais pour écouter en boucle le Rhapsosy in blue de Gershwin. Je ne sais pas pourquoi, mais je l’entends jusqu’ici…

Rêver ne coûte rien

Filed under: Vos traces — Lali @ 21:18

denise_1533

De constater que la pluie qui tombe depuis une semaine a quasi effacé toute trace de blanc, alors que Montréal a été enseveli sous la neige en décembre, me fait me demander si cette pluie ne serait pas une pluie d’automne. Les feuilles pourraient-elles l’espace d’une nuit se recoller aux arbres et retrouver les couleurs d’un jour de novembre alors qu’elles avaient illuminé la journée de Denise? Rêver ne coûte rien…

Devrais-je lui dire?

Filed under: Couleurs et textures — Lali @ 21:10

tlawrence

La lectrice de Thomas Lawrence a tout installé pour une lecture confortable. Qui pourrait peut-être même durer des heures. Le coussin a approché le livre de ses yeux, ce qui lui permet de ne pas avoir à se pencher ou à le tenir à bout de bras. Et pourtant, malgré son installation, elle semble quelque peu blasée. Devrais-je lui dire de prendre un autre livre, qu’elle n’est pas tenue de continuer la lecture d’un livre qui l’ennuie?

page blanche

vg2

page blanche
barbouillée de sueurs
de tâtonnements indélébiles

mécanisme des mots
qui se délient
effort constant

poésie instantanée
demi-sens demi-tour
cliché trop flou
pour s’imprimer
à mes paumes à mes lèvres
à la page blanche

mécanisme des mots
qui s’immiscent
qui se veulent
impression d’idées
confuses légitimes incongrues

poésie instantanée
semblant de mots
demi-mots
souffle
page blanche

(mars 1982)

*toile de Vivan Gutierrez

Jamais trop tard

Filed under: Couleurs et textures — Lali @ 20:34

vidal

Elle qui a vécu tant de vies, ou plutôt des morceaux de vie, vivra-t-elle un jour une vie dans laquelle elle sera elle, entièrement elle, et pas nécessairement ce qu’on attend d’elle, ce qu’on veut d’elle, ce qu’on fait d’elle? Il lui arrive, alors qu’elle tourne les pages d’un livre de penser à toutes ces vies et parce qu’une phrase, parce qu’une similarité lui rappellent la chose, de se dire que beaucoup – même, la plupart – de ceux qu’elle a croisés, de ceux à qui elle a pu s’attacher un moment, de ceux qui ont comptés, n’auraient pas été en mesure de tout prendre d’elle et qu’il valait mieux pour cette raison rester au bord d’elle-même. Et n’être elle, totalement elle, que seule. Pour éviter les reproches, les blessures, le rejet, la manipulation. Toutes ces choses qui obligent à la solitude ou à n’être jamais tout à fait soi quand on décide d’en sortir.

Et pourtant, une infime part d’elle a cet espoir caché qu’un jour quelqu’un voit dans ses différences et ses particularités, non pas matière à fuir, mais à rester. Mais souvent, même si cet espoir ténu, la lectrice de Francisco Vidal se demande si vient un jour où il n’est pas trop tard.

Mais quel est donc cette voix qui souffle à son oreille qu’il n’est jamais trop tard?

Et si je n’avais pas aimé les livres?

Filed under: États d'âme,Couleurs et textures — Lali @ 7:33

sanchez

Et si je n’avais pas aimé les livres avec une telle passion, et si je n’avais pas pour l’écriture une passion tout aussi grande, y aurait-il eu autre chose qui aurait su me nourrir et me faire vibrer à ce point? Il m’arrive, alors que je suis assise devant mon ordinateur ou à la table, comme l’écrivaine de Grace Sanchez, de me proser cette question, sans pour autant trouver de réponse. Lire et écrire font partie de ma vie depuis si longtemps qu’il m’est imposssible de me voir dans une vie qui serait autre que ponctuée par ces deux activités et celles qui en découlent, comme la chasse aux toiles et la correspondance. Et je me dis que comme je n’aurai jamais la réponse à cette question, il vaut peut-être mieux que je ne me la pose pas et que je continue à inventer des histoires…

Absorbé

Filed under: Couleurs et textures — Lali @ 6:07

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Il est si absorbé qu’il ne remarque rien. Qu’il ne remarque pas qu’elle le regarde du seuil de la pièce. Amoureusement, tendrement. Comme elle le fait depuis des années, comme elle le fera sûrement encore des années. Non, l’écrivain peint par Théo Van Rysselberghe ne remarque rien. Enfin, presque rien.

Jusqu’à ce qu’elle soit près de la table d’écriture, que son ombre son dessine sur ses feuilles éparpillés et qu’il respire l’odeur du café. Il a alors, comme toujours cet air un peu hébété de l’homme surpris sur le fait. Cet air qu’elle lui connaît si bien. C’est celui qui précède le sourire et le « Je t’adore. Comment savais-tu que je voulais un café et un baiser? »