Lali

23 octobre 2023

Anecdotes de libraire 80

Filed under: Anecdotes de libraire,Couleurs et textures — Lali @ 8:29

Je pensais que ça me ferait quelque chose, que je serais peut-être émue, triste ou nostalgique. Mais ce ne fut pas le cas.

La librairie où j’ai travaillé pendant près de 22 ans a d’abord été vendue quelques mois après ma mise à pied, puis elle a changé de nom et d’emplacement. Le local qui a été ma deuxième maison pendant des années abrite aujourd’hui une boulangerie et une pharmacie.

Récemment, j’ai pris une bouchée à cette boulangerie qui fait aussi office de café, en compagnie de mon amie Ode. Nous assistions ce soir-là à un concert qui se donnait juste en face de cet endroit.

Or, il ne reste aucune trace de cette époque révolue, sauf la façade de briques touges. Est-ce pour cette raison que je n’ai rien ressenti? Probablement.

En aurait-il été autrement si j’avais franchi le seuil de cette nouvelle librairie? J’imagine que oui. Mais je ne pense pas le faire maintenant que j’ai mes habitudes ailleurs.

Puisque je n’ai pas alimenté cette rubrique depuis sept ans, j’imagine que ce sera probablement ma dernière anecdote de libraire. Mais rien ne vous empêche de relire les précédentes.

*toile de Stephanie Lambourne

3 décembre 2016

Anecdotes de libraire 79

Filed under: Anecdotes de libraire — Lali @ 20:53

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Année après année, les distributeurs nous proposaient les invendus des années précédentes, de pures horreurs pour la plupart avec des bonhommes de neige aux habits criards, des lutins ayant davantage l’air de clowns que de lutins, ou des crèches si ternes et si vieillottes qu’elles étaient tout simplement invendables. J’en sélectionnais une certaine quantité pour la forme. Les moins moches, à dire vrai, les calendriers de l’Avent n’étant plus vraiment en vogue.

Mais si j’avais eu en magasin un calendrier comme celui-ci, qui m’a été envoyé d’Allemagne, je crois que je l’aurais proposé à tout le monde. J’en aurais sûrement vendu beaucoup, j’en suis certaine!

3 octobre 2013

Anecdotes de libraire 78

Filed under: Anecdotes de libraire,Couleurs et textures — Lali @ 13:25

J’ai beau avoir quitté le monde de la librairie il y a plus de sept ans, il y a une part de moi qui demeurera à jamais un peu libraire malgré ma désertion d’abord involontaire, puis assumée par la force des choses. Tout ça pour dire que lorsque je fréquente les librairies, il n’est pas rare que je reclasse des titres — probablement retirés des rayons par des lecteurs pour lire des quatrièmes de couverture, et visiblement replacés au hasard sans souci de l’ordre alphabétique pourtant flagrant du rayon en question. Une manie qui amuse en général les libraires qui me voient faire et à qui je m’empresse de dire que j’ai été des leurs pendant près d’un quart de siècle.

Mais je dépasse parfois les bornes. Ou du moins ai-je l’impression que j’en fais un peu trop. Surtout quand je fais la même chose dans une bibliothèque. Mais je me vois mal fermer les yeux sur une vingtaine de pièces de théâtre (dont la cote Dewey commence par 842) intercalés ici et là dans la section poésie (dont la cote commence par 841).

J’ai donc retiré tous ces titres mal classés et les ai déposés dans le chariot d’une préposée au rangement qui n’a pas semblé enchantée par ma manœuvre. Mais vraiment pas. Vous auriez dû voir son regard meurtrier. Même après mon explication.

Mais bon. On aura beau faire. Je serai à jamais un peu, juste un peu, libraire.

*illustration de Jon Turner

7 août 2013

Anecdotes de libraire 77

Filed under: Anecdotes de libraire,Couleurs et textures — Lali @ 12:45

Les libraires le font. Les ex-libraires, aussi. Et certains bibliothécaires, paraît-il. Et beaucoup de lecteurs, j’en suis certaine. Et cela fait tellement partie de leur vie que tous ceux qui ont cette habitude ne pensent à peu près jamais à celle-ci.

Et c’est parce que je fais partie de ceux et celles qui ont cette curiosité que je n’ai pu m’empêcher de sourire quand j’ai été récemment confrontée à un de mes semblables alors que je lisais dans le métro.

J’ai bien senti le regard. J’ai vu les contorsions. Tout en faisant semblant de ne pas remarquer le jeu. D’autres y ont peut-être vu autre chose. Je savais ce que l’homme assis de biais cherchait à obtenir. C’était si simple.

J’ai pourtant pris mon temps. Lu quelques pages. Tout en espérant qu’il ne sorte pas du wagon avant moi.

Puis j’ai fermé mon livre et fait exprès de le tenir de manière à ce que le titre soit bien visible pour celui qui n’attendait que cela. Il m’a souri. Je ne sais si c’est parce qu’il avait enfin pu lire le titre ou parce qu’il connaissait ce livre.

Je ne saurai jamais si j’ai croisé un libraire, un ex-libraire tout comme moi, ou bien un simple lecteur.

*illustration de Brett Helquist

27 juillet 2013

Anecdotes de libraire 76

Filed under: Anecdotes de libraire,Couleurs et textures — Lali @ 16:30

– Voilà, vous y êtes. C’est ici les romans policiers.
– Et que me conseillez-vous pour quelqu’un qui en lit beaucoup?
– De quel genre?
– Il aime bien les enquêtes autour de meurtres. Il en a lu beaucoup. Il a 80 ans. Alors, je préférerais quelque chose de tout récent.
– Je vous suggère le tout nouveau livre d’Agatha Christie, il est arrivé hier.
– …

La dame en est resté bouche bée. Et celle en moi qui a été libraire pendant un quart de siècle, tout autant.
Même Agatha Christie en a perdu la parole.

J’espère seulement que la demoiselle choisira un autre métier, celui de libraire n’est vraiment pas fait pour elle.

*illustration de Jun Kumaori

6 octobre 2012

Anecdotes de libraire 75

Filed under: Anecdotes de libraire,Couleurs et textures — Lali @ 10:30

J’étais dans la section 841.914 de la Grande Bibliothèque quand j’ai été happée par mon ancienne vie de libraire. Et pourtant, c’est une profession que je ne pratique plus depuis presque sept ans, sauf lors de certains écarts, le temps d’un conseil sur un livre, d’une anecdote autour d’une maison d’édition ou quand je fais la découverte d’un auteur. Rien de bien grave, quoi.

J’étais donc dans la section 841.914 quand sont apparues deux pièces de théâtre de Normand Chaurette. Du théâtre dans le rayon poésie? Pas étonnant qu’on ne retrouve plus certains livres… Le temps de trouver une préposée qui faisait du rangement à qui j’ai confié les livres, et ceux-ci retrouvaient leur section : la 842.914.

« Deux qu’on ne cherchera plus! », m’a-t-elle dit avec un grand sourire. Mais combien de livres mal rangés ou dissimulés derrière d’autres pour un qui retrouve sa place? Je n’ose pas y penser. Je sais juste que je n’ai pas pu laisser les livres de mon ami Normand dans le rayon poésie. Même s’il aime énormément les sonnets de Shakespeare.

*illustration de Fernando Vicente

14 septembre 2012

Anecdotes de libraire 74

Filed under: Anecdotes de libraire,Couleurs et textures — Lali @ 19:19

Refuser de vendre un livre pour des raisons éthiques est rare dans les sociétés libres où il n’y a plus de livre à l’index. Le geste que vient de poser Marc Filipson de la librairie Filigranes à Bruxelles de ne pas vendre le pamphlet de Richard Millet est donc une grande première. Mais l’auteur a été « trop loin » et accepter de vendre un livre qui fait l’apologie d’un tueur, c’est en quelque sorte cautionner son contenu, ce à quoi se refuse le libraire qui n’a jamais posé pareil geste en 29 ans. Geste que j’applaudis, car il est celui d’un libraire intègre et consciencieux, bien loin d’un vulgaire vendeur qui préfère le bruit de sa caisse enregistreuse aux livres.

Un cas comme celui-là est rare. J’avais même oublié qu’à l’automne 1984 j’avais obtenu de mon patron l’autorisation de retourner tous les exemplaires d’un titre provocateur dont la cible principale était les féministes. Ce livre, un essai écrit par un ex-boxeur devenu le temps d’un documentaire en 2010 un véritable patriote parce qu’il a été un militant actif du mouvement indépendantiste du Québec, n’était rien de plus qu’un ramassis de niaiseries arrogantes à l’adresse des femmes. J’avais d’ailleurs dissimulé sous d’autres livres les exemplaires reçus me refusant de les mettre en évidence bien avant que féministes, femmes, libraires, journalistes et gens du public ne s’expriment haut et fort, et que les livres soient expédiés chez le fournisseur. Celui-là aussi était allé trop loin.

Mais qui se rappelle aujourd’hui cet incident?

*toile de Michael Wagner

24 février 2011

Anecdotes de libraire 73

Filed under: Anecdotes de libraire,Couleurs et textures — Lali @ 19:24

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J’ai revu il y a quelques jours le film Funny Face mettant en vedette la délicieuse Audrey Hepburn et le séduisant Fred Astaire. Pas un grand film, je vous le dis tout de suite, mais distrayant à souhait et à certains égards tout à fait surréaliste et dont la majeure se déroule à Paris, notamment cet extrait.

Comme Audrey Hepburn y personnifie une libraire dont la boutique est envahie par une horde de mannequins, un photographe et la rédactrice en chef d’un magazine de mode, c’est cette scène en particulier que je voulais revoir. Celle où la boutique est mise sens dessus dessous pour quelques photos. Cette scène où elle constate les dégâts et où le photographe (Fred Astaire) tente de lui donner un coup de main pour ranger le capharnaüm dans lequel la librairie a été laissée. Une scène que je n’ai trouvé qu’une partie (doublée en italien).

Si jamais j’avais eu à vivre une telle scène, et ça n’a pas été le cas (des tablettes qui s’écroulent et des baignoires au-dessus qui débordent, c’était déjà amplement), j’aurais pleuré toutes les larmes de mon corps et un baiser de Fred Astaire n’aurait sûrement pas suffi à me remonter le moral!

*toile de Joan Griswold

26 juillet 2010

Anecdotes de libraire 72

Filed under: Anecdotes de libraire,Couleurs et textures — Lali @ 20:24

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Depuis que j’ai adopté une bibliothèque de quartier, une véritable bibliothèque de poche quand on la compare à la Grande Bibliothèque où j’avais pris l’habitude d’aller, j’ai encore plus de plaisir à fréquenter la bibliothèque qu’avant. Il faut dire que celle-ci fait partie d’un réseau, ce qui permet des échanges entre les succursales du réseau à partir d’un catalogue commun accessible en ligne.

Du coup, en ne bougeant que les doigts, je choisis mes futures lectures à distance et je n’ai qu’à consulter mon dossier pour savoir si les livres sont à destination.

Mais ce n’est pas là le seul bonheur de cette bibliothèque. L’autre est un jeune préposé qui a une passion à la fois pour les nouvelles, les romans aux phrases brèves et cinglantes et les livres qui parlent des mots et des métiers du livre. De telle sorte que quand je rapporte des livres il n’est pas rare que je joue à la libraire et que je lui suggère un des titres que je viens de lire. Jusqu’ici, je ne me suis jamais trompée, m’a-t-il dit récemment en me faisant un magnifique cadeau : il a noté sur un bout de papier le nom d’une auteure montréalaise d’origine roumaine que je dois absolument lire.

*toile d’Olga Pryymak

13 juillet 2010

Anecdotes de libraire 71

Filed under: Anecdotes de libraire,Couleurs et textures — Lali @ 10:01

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Il y avait des clients que je ne voyais qu’une fois par année. En juillet et en août. Jamais le reste du temps. Parce que pour eux, partir en vacances, ça voulait dire s’acheter un livre ou deux. Ils disaient que le reste de l’année ils n’avaient pas le temps de mettre le nez dans le moindre bouquin.

Encore aujourd’hui, quand je pense à eux, ils demeurent des énigmes. Comment faisaient-ils pour vivre les cinquante autres semaines de l’année?

*toile d’Angel Guillermo Valente

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