Lali

30 septembre 2006

Prière de ne pas déranger

Filed under: Couleurs et textures — Lali @ 6:58

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C’est peut-être un matin de début d’automne, alors que le soleil est à peine sorti de sa nuit. La liseuse s’est installée au jardin ou au parc avec deux livres et quelques fruits, de quoi nourrir l’esprit comme le corps. Ne la dérangez pas, elle est si bien dans l’histoire qui se déroule après page.

Combien de fois me suis-je retrouvée ainsi, au parc Laurier, sur mon balcon, au parc Maisonneuve ou ailleurs, avec pour seules provisions des livres et de quoi grignoter si les glouglous de mon estomac me rappelaient à l’ordre ? Combien d’heures passées dehors à lire, à entrer dans les livres, à entrer si bien dans la vie des personnages au point d’en oublier l’heure et ma propre vie ?

La lectrice du peintre hongrois Istvan Ilosvai Varga a, comme celles qui un jour ou l’autre croisent l’imagination de Lali, de quoi me raconter de bien belles histoires. Mais chut, elle lit, prière de ne pas déranger.

Lire en anglais à Paris

Filed under: Ailleurs,À livres ouverts — Lali @ 0:32

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Je sais, je sais, à première vue, Shakespeare & Company, ça ne fait pas trop français. Et pourtant cette librairie est on ne peut plus parisienne. Et même, ce n’est pas tout à fait une librairie, c’est une institution.

Il faut un jour avoir franchi le seuil de cette caverne d’Ali Baba en plein cœur de Paris pour comprendre à quel point son fondateur, George Whitman, qui vient de prendre sa retraite à l’âge de 91 ans, est un véritable amoureux des livres. C’est le genre d’endroit où on passerait des heures et des heures, si bien sûr, lire en anglais ne nous rebute pas.

Un endoit de rêve, vous dis-je, et rien de moins. Entrez, vous ne serez pas déçus. En fait, vous aurez du mal à sortir les mains vides tant tout vous tentera, tant il y a là de livres pour tous les goûts dans un attirant désordre ordonné où le maître de céans savait toujours se retrouver.

J’ai souvenir de quelques visites que je trouvais quasi « déplacées ». Entrer dans une librairie anglophone à Paris, ça ne se fait pas, alors qu’il y a dans la capitale suffisamment de librairies françaises pour occuper les bibliophiles d’entre nous pendant des semaines. Mais j’ai osé entrer. Et je sais ce que c’est maintenant d’avoir les yeux écarquillés, ce n’est pas un mot choisi au hasard.

Entrer chez Shakespeare & Company, c’est comme entrer dans le très beau 84 Charing Cross d’Helen Hanff, qui a donné ce si joli film mettant en vedette Anne Bancroft. Il y a dans cette librairie parisienne quelque chose de très londonien qui ne s’explique que par l’amour de la littérature anglaise, puisque George Whitman est un Américain du Massachusetts qui a choisi Paris comme domicile.

S’il est deux choses que je puisse souhaiter à qui aime les livres, c’est bien cette halte dans ce lieu hors du commun, qui sent bon l’encre et le cuir, et la lecture de 84 Charing Cross Road. À eux deux, quel voyage au pays des mots. Quel amour dans les deux cas pour les livres et ces lieux qui les font vivre, ces vraies librairies qui tiennent le coup malgré les grandes surfaces où les nouveautés se succèdent à un rythme fou sans égard pour autre chose que faire sonner le tiroir caisse, mais là, je m’emporte, il s’agit là d’un autre débat. Pour l’heure, je vous laisse visiter les lieux. Et si vous ne connaissez pas encore, je sens que Shakespeare & Company sera inscrit au carnet de vos incontournables.

29 septembre 2006

La gare des Guillemins vue par Antonio

Filed under: Mes histoires belges,Vos traces — Lali @ 6:53

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La gare des Guillemins a été ma porte d’entrée vers mon aventure belge qui, depuis, n’a cessé de prendre de la place. Et depuis, elle s’est faite de plus en plus belle pour mon retour. Et Antonio, l’homme des trains, qui a ses aises là-bas, est allé la croquer juste pour moi. Qu’elle est belle, déjà, celle qui va m’accueillir dans quelques mois!

Antonio a trouvé là un cadeau qui me fait bien plaisir et qui va me faire rêver, je le sens. D’abord, j’adore les gares et les trains. Ensuite, la gare de Liège a ce petit quelque chose que les autres n’ont pas. Un visa pour l’amitié? Peut-être bien.

Car là, ceux qui n’en sont pas loin peuvent m’attendre. Car de là, je peux partir et aller rejoindre tous les autres. Oui, cette gare qui rajeunit est bel et bien un billet d’entrée sur ce que je me promets d’avance comme des moments fantastiques. Elle qui, sous le soleil et le ciel bleu, fait plus que m’inviter: elle m’attend les bras ouverts.

Anaïs-cynique-à-souhait

Filed under: Trois petites notes de musique — Lali @ 0:02

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Anaïs ne se prend pas au sérieux, ni ne prend la vie au sérieux. Avec un humour qui décape et qui décoiffe, elle s’attaque à tout ce qui bouge avec dérision et cynisme, ce qui a l’heur de me plaire. Et pour en rajouter une couche, comme si ce n’était pas assez que son humour bien à elle, elle remet ça avec un clip des plus fous, débridés et caustiques. Un régal.

Tout comme son clin d’œil à Lynda Lemay:

Même si la vie c’pas du foie gras
Même si la vie c’pas du foie gras
Ni même de la mousse de canard
Si ça a tendance à r’ssembler
A d’ la bouillie ou du navet
J’ crache pas dans la soupe, c’est comme ça,
Même si les p’tits plaisirs sont rares,
Vaut mieux ça qu’d’être affamé
Bon, j’ sais plus bien qu’est ce que j’ disais

Tu peux toujours te résigner
D’main t’int’rêt d’dire que tout va bien
Qu’t’es content d’être célibataire,
Qu’ l’amour, on t’a déjà fait le coup
Moi j’préfère foncer tête baissée,
Même si tête baissée, j’y vois rien
J’irai au ciel ou en enfer
Qu’est ce que j’ raconte, j’sais plus du tout.

La vie c’est un cadeau de Dieu
Il en faut pas beaucoup
Ben quand on tombe on s’fait des bleus
Et des hématomes plein les genoux
La vie en bleu, c’pas toujours rose
Mais faut pas noircir le tableau
L’amour ça s’prend pas à p’tites doses,
Ca mouille plutôt comme un jet d’eau

Feel me
(‘Xcusez moi, c’est le p’tit côté anglophone
qui r’vient d’ temps en temps,
donc faut pas oublier qu’le Canada
c’est pas très loin du Québec,
donc de temps en temps on a des p’tits relents,
oups, puis ça revient)

Imagine-toi là-bas au loin
C’est ta maison avec ses volets
Qui sont ouverts, y a la lumière
Y en a moins quand ils sont fermés
Assieds-toi là sur le tas d’foin
Dans la grange où t’adorais jouer
Là où on s’envoyait en l’air
Quoi, tu peux pas ?
T’es d’venu allergique au foin

Ben si t’es allergique au foin
On f’ra l’amour dans un grand lit
Dans un matelas anti-acariens
Pour pas qu’t’attrapes d’autres maladies
J’te donnerai l’ciel et même le poivre
Aux baisers de ma bouche
Comme le chantait Johnny Hallyday
Puis après j’irai prendre une douche
Ensuite on mangera des pignons
Après les avoir épluchés
Et puis si t’aimes pas les pignons
Ben t’auras qu’à me les laisser

Si quelqu’un comprend quelqu’chose
A c’que je veux dire dans cette chanson
Ben faut lui faire une big applause
Et même une standing ovation
Entre l’amour et les pignons
Le foie gras et le rhume des foins
Ben c’est normal que cette chanson
Finisse un peu en eau de boudin
Feel me

C’est tout bon, ce Cheap show venu de Champagne. Je ne vais pas me lasser de sitôt de remettre le CD dans le lecteur. Merci Sabine et Olivier.

28 septembre 2006

L’écume des jours

Filed under: À livres ouverts — Lali @ 20:45

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À Andenne, L’écume des jours est un restaurant.

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À Montréal, c’est une librairie.

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Et au départ, il s’agit d’un roman de Boris Vian. « Le plus poignant des romans d’amour contemporains », affirmait Raymond Queneau. Moi qui ai lu ce roman au moins dix fois et qui vais y revenir ces prochains jours, je le range d’emblée à côté de Belle du seigneur, le roman d’Albert Cohen, qui reste LE roman d’amour de tous les temps.

Voilà 30 ans que je retourne à L’écume des jours, comme je retourne aux poèmes de Prévert. Voilà 30 ans que ce roman a quitté l’île de la Réunion dans une enveloppe préparée par Alice et couverte de timbres, et traversé les océans pour arriver jusqu’à moi. Et quel grand jour que celui où j’ai plongé dans l’univers de Vian, celui du « Déserteur » et des caves de Saint-Germain-des-Prés, parcours obligé après la lecture du roman.

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Le microsillon ne tourne plus sur la platine, remplacé par un CD, mais je n’ai jamais été capable de m’en débarrasser. Il a été le compagnon de tellement d’heures que je ne pourrais pas m’en départir comme ça, à moins de trouver quelqu’un qui le chérira vraiment.

Mais le roman lui-même ne me quittera pas. Il n’est jamais bien loin. Et c’est toujours avec plaisir et nostalgie entremêlés que je retrouve Colin et Chloé. Eux si superficiels au départ, dans leur écrin de jeunesse et de beauté, et qui se laisseront prendre au filet de l’amour et n’en sortiront pas gagnants. Et pourtant, il y a tant d’humour et d’insolite quand Vian met en scène le grand penseur Jean-Sol Partre ou fait se dérober littéralement l’escalier sous les pas du médecin.

On crie hourra à chaque trouvaille, qu’il s’agisse d’une invention ou d’un jeu de mots; et c’est sûrement dans la langue que le roman de Boris Vian trouve sa force. Car je ne résumerai rien de cette histoire ici, ni ne vous parlerai des anguilles qu’on pêche au robinet ou d’une souris qui a un cœur. Et pourtant, je pourrais. Ou aussi vous parler de ce piano qui fabrique des cocktails.

J’ai juste envie de vous dire que ce livre est une musique de jazz qui n’a rien à envier aux chansons de cet artiste aux mille talents mort prématurément. À qui un libraire a rendu un hommage en donnant à sa boutique le titre de son roman marquant tandis qu’à 6000 km de là, un restaurateur faisait de même pour offrir son menu.

Boris Vian, l’homme aux clins d’œil, qui se fit d’abord remarquer comme pseudo-traducteur sous le nom de Vernon Sullivan pour son J’irai cracher sur vos tombes, apprécierait, j’ose le croire, que je valse ainsi entre roman, lecture et gastronomie. Ne s’agit-il pas ici, tous simplement, de plaisirs?

27 septembre 2006

Une journée sous le signe de la générosité

Filed under: États d'âme — Lali @ 22:27

jfp

Et quand la soirée se termine, et qu’on a toujours ce sourire du matin sur les lèvres, c’est que la journée a été bonne. D’abord, de belles marques d’amitié dès le réveil. Des fous rires avec Danielle, Nada et Stéphanie autour d’un Big Mac ce midi. Daniel qui débarque en pyjama prendre un café parce que le mien est bien meilleur que le sien, dit-il, et qui repart comme ça, la tasse bue et le cœur heureux.

Et cette carte postale arrivée de Daytona Beach. Qui me raconte une très belle histoire. Celle de quelqu’un qui participe à cet échange mondial de cartes postales pour le plaisir de sa tante de 101 ans. Pour qui elle a installé une grande carte du monde sur laquelle elle épingle les noms de ceux qui ont écrit. Et la vieille dame qui ne peut plus voyager autrement, parce que ses jambes ne savent plus la porter comme autrefois, fait ainsi le tour de la planète et s’émerveille.

Et cette autre que j’avais envoyée à une infirmière d’une maison pour personnes âgées de Virginie pour qu’elle aussi puisse les faire voyager et qui me retourne la plus belle des réponses: une carte fabriquée maison par eux, une aquarelle toute pastel de bleu et de rose où quelques gouttes de cire décorative ont été ajoutées. J’en ai eu les larmes aux yeux.

Dans les deux cas, il s’agit de merveilleux exemples de générosité. Dans les deux cas, il y a là des gens qui font vraiment quelque chose de formidable pour les aînés et je ne puis que parler de ces gens au grand cœur, et ainsi – peut-être – donner des idées à ceux qui n’en ont plus ou pas. La vie ne s’arrête pas quand les capacités physiques ou intellectuelles diminuent, elle continue son cours autrement.

Et ces deux personnes qui prennent soin d’aînés, qui prennent le temps non pas de les occuper mais de les faire rêver, ont toute mon admiration. Je ne pouvais passer sous silence ces deux histoires qui ne seraient jamais arrivées sans le net. Je ne pouvais pas taire ces gestes du cœur. Il me fallait ici les partager. Puissent-ils tout simplement vous inspirer.

26 septembre 2006

En état de plénitude

Filed under: Couleurs et textures — Lali @ 22:45

spaulding

Comme elle me semble paisible, la lectrice de Warren Dan Spaulding. Que peut-elle lire ainsi qui lui fasse cet effet ? Un poème qui la fait rêver ? Un roman qui la transporte dans des pays étrangers ? Une biographie qui la fait admirer celui qui en est le héros ?

Pourquoi ce presque sourire sur ses lèvres qui donne envie de lui demander ce qu’elle lit ? Les gens n’ont pas toujours, comme elle, le bonheur inscrit sur le visage. Regardez-les, dans l’autobus, dans le métro, au parc, dans un café. Certains ont même le front plissé, alors que le visage de cette liseuse est lisse et si calme. Comme en plein bonheur. Il y a décidément en elle quelque chose que j’aime. Peut-être parce qu’hier, alors que je lisais, tranquille, j’ai relevé la tête et vu mon visage dans le miroir. Il n’était pas loin de ce que je vois ici. Mais j’arrive mal à dire pourquoi. À moins que plénitude ne soit le bon mot ?

Oui, je crois que plénitude est ce dont il s’agit ici. C’est ce qui se dégage d’elle et qui sûrement aussi, transparaissait sur mon visage hier. Et que je me souhaite à nouveau pour aujourd’hui.

Pas envie de foule… je passe mon tour !

Filed under: Revendications et autres constats — Lali @ 21:30

stoemp

Le stoemp aux poireaux me tentait. L’assiette de charcuterie ardennaise aussi, tout comme le rôti de porc mariné à la sauce grand veneur. Mais je n’irai pas au souper wallon samedi. Je ne peux me faire à l’idée de me retrouver dans un sous-sol d’église avec 200 personnes: je suis bien trop sauvage pour ça !

Pourtant, ce n’est pas l’envie d’y aller qui me manquait. Mais quand j’ai réalisé tout à l’heure avant d’appuyer sur SOUMETTRE la situation et vu le chiffre 200, j’ai fermé la page des réservations. J’ai bien trop de mal avec les groupes pour aller affronter une telle foule au nom d’un souper dansant. Rien que d’y penser et je me sens agressée. C’est vraiment trop de gens pour moi. Ça va encore dans l’anonymat d’une foule venue assister à un concert et où on ne discute pas avec ses voisins, mais un souper ?

J’ai beau tourner la question dans un sens comme dans l’autre, rien à faire, c’est au-dessus de mes capacités. Il n’y aura donc pas de souper wallon ni de stoemp aux poireaux samedi. J’ai beau aimer la Belgique et les Belges, je ne me sens pas l’âme à une fête de cette ampleur. Et je le sais bien, ce n’est pas la première fois et ce ne sera pas la dernière. Combien de fois, arrivée sur les lieux d’un lancement, quand j’ai vu la foule compacte et entassée ai-je rebroussé chemin ? Et combien de fois ai-je soupiré d’aise dans une salle de cinéma aux trois quarts vide ?

Et si jamais j’avais des regrets, même si ce n’est pas vraiment moi que de m’apitoyer sur ce que j’ai mis de côté ou qui n’a pas eu lieu, ce sera bref. J’oublie vite. Du moins, les choses non marquantes et sans conséquence. Et à qui d’autre que moi pourrais-je tenir grief ? Alors aussi bien que je sois faite ainsi…

25 septembre 2006

Quand une ville est source d’inspiration

Filed under: États d'âme,Mon Montréal — Lali @ 22:39

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(photo de Vincenzo)

Je suis d’une ville où les cordes à linges traversent les ruelles et les cours, un peu comme en Italie. Je suis d’une ville où la rue de Liège croise l’avenue de Belges. Je suis d’une ville où qu’importe l’heure du jour ou de la nuit, il y aura toujours un endroit ouvert pour prendre un café. Je suis d’une ville où on ferme les rues pour danser lors des festivals, où on peut faire livrer une pizza à minuit, où chaque quartier a son histoire, où tout se mêle dans un magma multiethnique et de toutes les cultures.

Je suis d’une ville de tolérance, même si parfois certains en doutent. Mais peut-être faut-il aller ailleurs pour mieux le comprendre. Je suis d’une ville immense traversée d’est en ouest par une rue qui fait près de 50 km. Je suis d’une ville qui, malgré cela, a conservé un caractère humain, et où quiconque viendra à l’aide de celui qui, une carte dépliée pour tenter de s’orienter à bout de bras, n’osera pas demander.

Je suis d’une ville d’odeurs, celles des restautants, des terrasses et des cafés. Je suis d’une ville de couleurs, celles des feuilles en automne comme celles des façades du Plateau Mont-Royal. Je suis d’une ville qui me surprend encore et dont je ne me lasse pas. Je suis d’une ville qu’il me tarde de faire découvrir à mes amis d’outre Atlantique.

« Montréal, je l’ai cru pendant longtemps, était un port qui ne sentait jamais la mer. Mais c’est faux : Montréal embaume l’iode et le varech dès qu’on entre à la poissonnerie grecque ou dès qu’on met le nez chez Tasso », a écrit Suzanne Jacob, cette amoureuse de cette ville comme peu.

Et aussi;
« Écrire Montréal, c’est sortir tout de même, mais avec la machine à écrire intérieure, une machine à écrire prédatrice dont on ne sait jamais d’avance de quel morceau de Montréal elle va s’emparer ce jour-là, de quelle rue, de quel arbre ignoré, de quel balcon, de quelle vitrine, de quel parfum de thym ou de géranium sauvage, de quel déchirement du ciel d’aube ou de crépuscule. »

Montréal est une muse.

L’essentiel…

Filed under: États d'âme,Couleurs et textures — Lali @ 7:34

pierrepivet

S’éloigner de tout rapproche un peu de l’essentiel.
[ Loïck Peyron ]

Est-ce que les livres et les mots éloignent de tout pour nous ramener à l’essentiel ? Nous isolent-ils l’un comme l’autre au point qu’un jour nous n’ayons presque plus besoin d’autre chose ? Ou alors ouvrent-ils notre esprit si bien qu’ils nous ouvrent aux autres et nous permettent de comprendre ou du moins de percevoir suffisamment pour être à l’écoute et dire ?

Ou alors est-ce ma boulimie artistique, cette curiosité pour tout ce qui nourrit mon esprit et me fait réfléchir, qui m’éloigne volontairement des rassemblements et de ce que je ne juge pas essentiel ? Et c’est quoi, l’essentiel ?

Je suis certaine que celui-ci varie d’un individu à l’autre, que mon essentiel n’a rien à voir avec celui d’un autre. Que cet essentiel qui est mien est bien celui de quelqu’un qui aime cet éloignement, qui aime la distance, qui lui permettent de rêver. Et que, si tout était trop près – mes amis, les lieux que j’aime, ceux que je tiens à découvrir -, c’est une partie de moi qui n’existerait plus. Car si je ne puis rêver, c’est cette part essentielle que je perdrais. Et ne plus rêver serait pour moi la plus atroce des maladies.

Les livres, écrire, la musique, les voyages, le cinéma, tout ça me nourrit, ce ne sont pas des évasions. Et tout ce que je retire de ces mots, de ces couleurs, de ces impressions, est pour mieux partager. Du moins ai-je ce sentiment très fort. Car si je m’éloigne quand je prends un livre sur mes genoux, comme la lectrice de Pierre Pivet, c’est pour mieux m’appartenir et poursuivre cette quête inlassable qu’est la mienne de connaître et d’apprendre.

Et j’apprends autant des livres que des gens. Quoique peut-être que si je n’avais pas tant lu, pas vécu toutes ces vies des personnages qui ont traversé ma vie au fil de mes lectures, ne serais-je pas à même de savoir autant écouter ? Lire et être à l’écoute ne sont-ils pas de la même famille ?

Au fond, j’ai beaucoup de chance d’avoir trouvé mon essentiel, alors que d’autres errent, se jetant dans une chose puis dans l’autre, jamais satisfaits, croyant toujours trouver ce qui leur donnera des raisons de vivre. Alors que l’essentiel ne donne pas de raisons. Les raisons mènent à l’essentiel.

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