Piqué des vers 11
Tu me connais puisque je t’aime,
Tu sais les secrets de mes yeux
Et que ma voix n’est plus la même
Au bref instant de nos adieux.
Lorsque ma main serre la tienne,
Mettant le silence en danger,
Il n’est russe où je la retienne
Et tu pars sans m’interroger.
Du moins, ma pitoyable feinte,
Ton esprit l’eût percée à jour
Si langage, regard, étreinte,
Rien t’importait de mon amour.
Mais ton caprice est plus sincère
Qu’ennuie un si vil rudiment,
Au lieu que ton âme étrangère
Fait mon étude et mon tourment.
Ainsi ma soif de te connaître
Seule est punie en ces débats
Où je t’ouvre au fond de mon être
Un livre que tu ne lis pas.
Il n’est rien de toi que je sache,
Rien qu’ait trahi ton cœur fermé
Dans cette ombre pure où te cache
Le mystère de l’être aimé.
Alexis Curvers
(dans Piqué des vers! de Colette Nys-Mazure et Christian Libens)
*choix de la lectrice de William Powell Frith