Quelques poèmes de Carlos 1
C’est la philanthrope Angela Georgina Budett-Coutts (peinte ici par un artiste inconnu) qui m’a rendu visite ce soir, question de faire le tour de mon rayon poésie. Et après avoir longtemps feuilleté des titres ici et là, retrouvé des auteurs aimés, c’est en compagnie du recueil La machine du monde et autres poèmes du Brésilien Carlos Drummond de Andrade qu’elle s’est installée et qu’elle a choisi d’offrir aux lectrices du soir, en commençant par cet extrait :
AIMER
Que peut une créature sinon,
entre créatures, aimer?
aimer et oublier,
aimer et malaimer,
aimer, désaimer, aimer?
aimer, et le regard fixe même, aimer?
Que peut, demandé-je, l’être amoureux,
tout seul, en rotation universelle, sinon
tourner aussi, et aimer?
aimer ce que la mer apporte à la plage,
ce qu’elle ensevelit, et ce qui, dans la brise marine,
est sel, ou besoin d’amour, ou simple tourment?
Aimer solennellement les palmiers du désert,
ce qui est abandon ou attente adoratrice,
et aimer l’inhospitalier, l’âpre,
un vase sans fleur, un parterre de fer,
et la poitrine inerte, et la rue vue en rêve, et un oiseau de proie.
Tel est notre destin : amour sans compter,
distribué parmi les choses perfides ou nulles,
donation illimitée à une complète ingratitude,
et dans la conque vide de l’amour la quête apeurée,
patiente, de plus en plus d’amour.
Aimer notre manque même d’amour, et dans notre sécheresse
aimer l’eau implicite, et le baiser tacite, et la soif infinie.