Harmonie
Ils m’attendaient, aussi beaux qu’hier midi quand je les ai photographiés. Juste devant l’édifice. Je me suis attardée avant de franchir la porte. Le temps d’éclater de rire. Le jaune de mon t-shirt s’harmonise à celui des fleurs.
Ils m’attendaient, aussi beaux qu’hier midi quand je les ai photographiés. Juste devant l’édifice. Je me suis attardée avant de franchir la porte. Le temps d’éclater de rire. Le jaune de mon t-shirt s’harmonise à celui des fleurs.
Je regarde la lectrice d’Edward Killingworth Johnson et je me souviens de moi.
Il y avait ce jour de juillet ou d’août 1992 devant la maison de Jacqueline, à Plouharnel, abondance d’hortensias. Je n’en avais jamais vu autant. Et cette image est restée dans mes souvenirs, vive, aussi intense que le soleil de cet été-là.
J’aimais m’asseoir dans l’herbe avec un livre et les regarder.
Je lisais peu. Je regardais les hortensias. Je rêvais.
Ça s’est fait simultanément. Ramper et tourner les pages de l’album cartonné. Et si ce n’était pas en même temps, c’était la même semaine. C’est ce que dit toujours sa grand-mère qui avait laissé sur la table le livre. C’est ce que dit toujours sa grand-mère qui a vu la petite ramper pour la première fois avec un but précis : aller récupérer le livre.
Elle dit aussi que la petite lectrice de Barbara Stanton a rampé sans se rendre compte qu’elle le faisait tant elle avait en tête une destination. Et que lorsqu’elle a été en mesure d’attraper l’objet de sa convoitise après la traversée de la pièce, la petite a eu pour elle un sourire exceptionnel. Un sourire de fierté et de bonheur.
La porte est ouverte. La porte est ouverte depuis des années. Depuis toujours, je crois. C’était comme ça, déjà, autrefois, il y a des années de cela. Quand elle était encore gamine. Venait qui voulait, sans s’annoncer. La porte était ouverte. Sa mère le disait toujours.
Quand elle a quitté la maison familiale, la porte a continué d’être ouverte. Les uns débarquaient pour un café, d’autres pour écouter de la musique, certains juste parce qu’elle était là pour les écouter. Il y a eu des chamailles et des discordes. Elle a quand même laissé la porte ouverte. Pour ceux qui viendraient les mains nues. Pour ceux qui ne viendraient qu’avec leur cœur. Pour ceux qui chercheraient le calme, la paix. Ceux qui cherchaient querelle ne sont pas revenus. Ceux qui aimaient le silence sont toujours là.
Il y a peut-être moins de visiteurs qu’avant. Enfin, physiquement. Parce qu’on peut entrer dans son univers autrement qu’assis sur son sofa. Par les mots, par la voix. Et elle aime ces petites incursions des uns et des autres.
La lectrice d’Edith Gorren lit près de la porte ouverte. Pas question qu’elle ne la ferme.
La petite flamme se réveille parfois, même si elle fait tout pour la garder éteinte. Même si elle évite avec application les situations qui pourraient inviter au jeu de la séduction. Mais cela lui arrive encore, occasionnellement, quelques minutes, quelques heures, rarement plus.
Et quand la possibilité s’est enfuie, que s’est dissipé l’attrait du jeu, la lectrice de Charles Webster Hawthorne fait ce qu’elle a de mieux à faire : elle lit.
Préfère-t-il le profil gauche ? Le droit ? Il ne sait pas. Il sait juste qu’il aime la regarder lire, nue. Il sait juste qu’il ne se lasse pas de l’admirer. Il sait juste qu’il passerait sa vie à la détailler. Enfin, c’est ce qu’il croit.
Mais la lectrice de Colin Dean sait bien le regard qu’elle doit poser sur lui pour que la contempler ne lui suffise pas.
Le Petit Poucet semait des cailloux sur son chemin. Je glane des fleurs sur le mien. Pour mon plaisir. Pour le vôtre. Pour les journées d’hiver où l’été ne sera qu’un souvenir. Pour souligner la douceur de la vie qui est parfois une échinacée qui étale ses pétales sous le soleil brûlant.
Comme j’aime la catégorie En vos mots du pays de Lali qui, chaque semaine, apporte ses surprises et votre imaginaire. Comme j’aime, à peine ai-je installé une toile, me balader dans ma galerie comme le fait la tourneuse de pages de Szilvia Banki, en me demandant avec lequel des tableaux je susciterai vos mots. Comme j’aime savoir que certains ont déjà écrit, 24 heures à peine après l’accrochage du tableau de la semaine. Comme j’aime savoir aussi qu’En vos mots a ses deux irréductibles fidèles (Flairjoy et Armando) auxquels d’autres s’ajoutent, selon la toile, selon ce qu’elle leur inspire, selon la disponibilité qu’ils ont.
Oui, comme j’aime me promener toute la semaine durant dans ma galerie en lisant les textes qui arrivent et qui seront publiés le dimanche.
Si d’aventure, vous qui n’avez pas écrit, qui n’osez pas écrire, impressionnés par la qualité des textes, par timidité ou pour toute autre raison, laissez tomber ces fausses raisons. Une phrase, une citation, un extrait de chanson, un souvenir, tout est bon à partager. Laissez derrière vous les appréhensions. Il n’y a ici que le bonheur du partage.
Il y avait des livres partout. Des livres à en perdre la tête. C’était à l’occasion d’un salon du livre, m’a-t-on raconté. Il y avait des livres partout, mais le lecteur de Justin Mortimer n’a plus vu qu’elle. Elle, feuilletant un livre dans un des kiosques. Un livre sur l’Islande, je crois. Elle, à son propre kiosque, plus tard. Elle, devant un café. Elle, riant. Elle, lui tenant la main.
Il lui fallait se perdre dans le dédale des livres pour qu’il la trouve.
Bien sûr que je ne sais pas ou si peu de quoi sera faite cette journée qui débute, hormis le soleil qui se pose sur mon épaule alors que j’entends le bruit de la cafetière. Bien sûr que je sais que j’irai au bureau, que nous nous raconterons nos fins de semaine, comme tous les lundis, dans le bureau de l’une ou l’autre. Bien sûr. Souvent le mien. Parfois autour de la cafetière.
Bien sûr que je ne sais que les grandes lignes de ma journée. Les courriels qui vont entrer, le téléphone qui va sonner, les demandes plus ou moins urgentes. Bien sûr.
Mais ce matin, j’ai envie de couleurs. Mais ce matin, j’ai envie du jardin de la lectrice d’Emil Nolde. Et je me dis que peut-être je le croiserai sur ma route…