Lali

28 octobre 2013

Quelques jours avec Rosalie 5

Filed under: À livres ouverts,Couleurs et textures — Lali @ 23:59

lettre
où tu ne racontes
rien à personne
pas même une fissure
aucune lézarde
dans la corde des mots

lettre
douane piégée
mes mains qui se refusent
au papier
électrochoc en sourdine

la chambre où tu n’es pas
un corps à soi

correspondance espace
champ de couleurs et d’éclairs
souffle à souffle
un carré d’air sous tension

Rosalie Lessard, La chair est un refuge plus poignant que l’espace

*choix de la lectrice de Mario Fabbrini

Un prénom prédestiné

Filed under: À livres ouverts — Lali @ 20:16

Paru chez Serge Safran éditeur, lequel avait cofondé les éditions Zulma, Bérénice 34-44 d’Isabelle Stibbe est à la fois une fresque historique (la majeure partie du livre se déroulant pendant la Seconde Guerre Mondiale), un hommage au théâtre (la jeune Bérénice formée par Louis Jouvet devenant pensionnaire de la Comédie-Française) et un roman portant sur l’exclusion des Juifs de la vie culturelle parisienne.

Dès les premières pages de Bérénice 34-44, le lecteur est séduit par le personnage principal, qui doit son nom à l’héroïne de Jean Racine. Lors de la Grande Guerre, le père de Bérénice s’était lié avec un jeune enseignant qui l’a initié à la poésie et au théâtre français. Pour cet expatrié voulant à tout prix devenir français, ayant même transformé son nom de Kapelouchnik en Capet, il n’y a rien de tel que s’approprier la culture d’un pays pour en devenir un véritable citoyen.

Mais ce que le Juif Maurice Kapelouchnik ignorait en donnant ce prénom à sa fille est qu’il inspirerait si bien celle qui le portait qu’elle s’éprendrait du théâtre dès la première représentation à laquelle elle assisterait et que son amour pour la scène prendrait le pas sur le reste de sa vie, malgré le mépris de son père pour les comédiennes, à ses yeux des femmes de petite vertu.

Mais la passion de Bérénice est si forte qu’elle ne pourra y échapper. C’est donc en acceptant de porter le nom de celle qui a choisi de l’aider coûte que coûte en faisant fi de l’interdiction paternelle, que Bérénice de Lignières va faire son chemin, du Conservatoire à la Comédie-Française en passant par le cabaret où elle fait connaissance du Tout-Paris, celui des écrivains, des compositeurs, des actrices et des chanteuses d’opéra.

À l’heure de l’Occupation, il ne reste presque plus rien de la petite Juive partie de chez elle pour vivre sa vie et se tailler une place dans le monde du théâtre sinon des souvenirs, mais pas de regrets. Et pourtant, son passé finira par la rattraper, nous le savons dès le début, Isabelle Stibbe ne nous laissant aucun doute sur l’issue en glissant çà et là des indices discrets sur le fait que Bérénice sera à jamais jeune et sans descendants à qui raconter ce qu’elle a vécu.

Le fait de savoir que Bérénice n’échappera pas à son destin ne rend le roman que plus intense et plus dramatique, à la hauteur de la situation que vit Bérénice au quotidien et à laquelle est confronté chaque acteur de la troupe, qu’il soit juif ou non. Car le lecteur ne sait pas d’où le coup viendra, qui trahira son secret et pour quelles raisons, avant la toute dernière page.

Bérénice 34-44 révèle un véritable talent, une grande maîtrise du sujet, une plume alerte et vivante, un art de mêler l’Histoire et ses personnages à ceux et celles créés de toutes pièces par l’auteure, une rigueur quant à la forme imposée où une narratrice omnisciente s’impose sans prendre une place qui n’est pas la sienne et une étonnante et agréable maturité au niveau de l’écriture pour un premier roman.

Passionnés de théâtre et épris de romans se déroulant sous l’Occupation où interagissent des personnages attachants trouveront dans ce roman tout pour les séduire… et même quelques clins d’œil au très beau film de François Truffaut, Le dernier métro, ce qui est loin de me déplaire.

Titre pour le Défi Premier Roman

Texte publié dans

Des sculptures et encore des sculptures! 4

Filed under: Mon Montréal,Signé Lali — Lali @ 12:16

Et ça continue! Notre visite au Jardin botanique de Montréal dans le cadre de l’exposition consacrée aux mosaïcultures n’est pas finie!

Ce que mots vous inspirent 1043

Filed under: Ce que mots vous inspirent,Couleurs et textures — Lali @ 8:00

Le passé toujours un peu fétide se laisse déloger par la vague d’eau nouvelle. (Chantal Danjou)

*toile d’Ernest Ange Duez