Lali

10 novembre 2024

En vos mots 916

Filed under: Couleurs et textures,En vos mots — Lali @ 8:00

Qui dit dimanche au pays de Lali dit En vos mots. Pour une 916e fois, je vous propose de faire vivre une scène livresque, comme vous le faites si bien semaine après semaine.

Aujourd’hui, c’est une image de l’illustratrice norvégienne Ella Okstad que je vous propose. Saura-t-elle titillier votre imagination? Choisirez-vous la prose ou la poésie pour l’animer? C’est ce que nous saurons dans une semaine et pas avant, au moment de la validation des commentaires reçus.

Vous avez donc plus que le temps de lire les textes déposés sur l’illustration de dimanche dernier avant de vous mettre à écrire. C’est avec joie que nous vous lirons dans sept jours.

D’ici là, bon dimanche et bonne semaine à tous les envosmotistes et à celles et ceux qui les lisent.

2 commentaires »

  1. Lisbonne, 17 de novembre 2024

    Ma chère B.

    Au-delà de nos rires et nos silences, au fil des saisons et au plus profond de nos cœurs, sommeillent les plus secrets et les plus doux rêves de l’enfance.
    Des rêves que nous ne réaliserons jamais. Heureusement. Et ceux qui se vantent de l’avoir fait, n’ont fait qu’assouvir leurs envies. Qu’ils appellent des rêves. Les grandes personnes ont perdu, depuis longtemps, le chemin étoilé des rêves.

    De l’enfance il me vient, chaque fois, l’absence comme seul souvenir. J’oserais penser, à la manière de Lamartine , qu’un seul être vous manque et que tout ne devient qu’absence.

    Une caresse. Une voix, un chuchotement, « Fais de doux rêves ». Un tendre baiser sur la joue. Rien. Niente. Que des pages blanches laissées vides. Même pas le trésor d’une photo sépia, désuète, déchirée et un peu floue.

    Un gâteau et des bougies. Un dessin maladroit. La fierté dans un regard. L’homme à la barbe blanche. La crèche. Le petit Jésus. Les enfants sages. De tout cela, rien. Que des souvenirs dépouillés. Juste quelques images volées chez Dickens, Maupassant, Nathaniel Hawthorne ou Andersen. La petite fille aux allumettes. Je t’ai tellement pleuré.

    De ma réussite d’écolier. De la peur du regard des filles. Du mystère d’un premier baiser. Rien. Tête basse et sottises. Niaiseries d’enfant perdu. Poussières du vide.

    Au-delà de mes rires et de mes silences, je vide les heures de mes mots pour mieux fuir tout ce que je voudrais taire. Pour devenir le paisible et absent spectateur de ce qui m’est inconnu.
    Ceux qui chantent à leur anniversaire. Cette petite fille qui court, bras ouverts, vers son papa. Et cette table joliment dressée en rouge et or, avec des gens autour. Lumières d’autrefois. Gazouilli chaleureux. Comme dans un tableau de Viggo Johansen. Puis, la voix de Nat King Cole : Have yourself a merry little Christmas… et le ciel qui pleure, seul dans son coin, de douces larmes de neige.

    Il y a encore tant des choses qui me sont aussi étrangères, qu’une langue méconnue qui me donne l’envie de m’enfuir dès la moindre syllabe. Par lâcheté sans doute. Puisqu’il faudrait beaucoup de courage pour briser les silencieuses chaînes de l’absence.

    Je t’embrasse.

    A.

    Comment by Armando — 16 novembre 2024 @ 5:47

  2. Quand je lis, je me surprends toujours à partir en inspection circonstanciée dans les méandres d’enquêtes menées avec une énorme minutie qui m’étonne.
    Sans avoir au grand jamais songé à une carrière de détective, ni sans aucune inclination bien au contraire pour les romans policiers, et alors que dans la vie courante aucun désir de recherche de ce genre ne m’anime, j’investigue soudain avec entêtement et obstination.
    A quoi ressemblent précisément les héros? Possèdent-ils un grain de beauté sous l’omoplate droite, qui les distingue de façon infaillible? Quelles sont leurs habitudes, leurs manies, leurs rituels secrets qui auraient échappé à leurs proches et à l’auteur lui-même, de l’esprit duquel ils sont issus pourtant en droite ligne? Ai-je bien exploré touts les recoins de la demeure? Les doubles rideaux sont verts dans la chambre, et bleus dans la cuisine. Quelqu’un a-t-il fumé dans la pièce, et un ou plusieurs mégots traînent-ils dans le cendrier jaune posé toujours à la même place sur le guéridon du salon? Quelles sortes de fleurs poussent dans le jardin? Des dahlias? Des amaryllis? Des roses? L’héroïne préfère-t-elle le parfum du jasmin, ou celui du lilas? Celui du café flotte-t-il, encore chaud, dans la maison? Tout cela compte pour la prospection. Afin de se former une idée précise des lieux et des personnages. Et de mieux comprendre les actions, ainsi que le développement des situations.
    A ma stupéfaction, je me transforme donc, un livre à la main, en une enquêtrice frénétique et acharnée. Et pas besoin de loupe: mon sixième sens me suffit. Combien, et quels genres de livres, peuplent la bibliothèque? Y trouverai-je un indice sur la personnalité des habitants? La figure centrale du roman a-t-elle une propension à se vêtir avec élégance? Sa garde-robes est-elle bien rangée et sobre, ou déborde-t-elle d’effets en désordre et en tous genres? A-t-elle une tendance à aimer le rouge? Le foie gras? Les bouillons de légumes? Le chocolat? L’instruction progresse si en cours de lecture je trouve confirmation de quelques-unes de mes hypothèses. Si par contre certaines s’infirment, il faut repartir sur d’autres bases. De toute évidence, ce travail d’investigation s’avère toujours passionnant.
    Pas besoin de chien non plus pour m’accompagner dans ce genre de fouilles. Mon propre flair me suffit. Et je n’ai de compte à rendre à personne. Pas de supérieur, pas de chef de la police ni d’inspecteur judiciaire. Je mène mon affaire comme je le veux. Comme je l’entends. En reporter indépendante. Aux heures qui me conviennent. Même de mon lit si je le souhaite. Quoique j’imagine bien certains journalistes cogiter comme moi sous la couette sur les résultats de leurs observations. Je ne dois pas être la seule à aimer consigner mes analyses blottie sous la chaleur de l’édredon.
    Vous qui me lirez, vous vous demanderez peut-être quelles sont mes propres routines, marottes, assuétudes, quelle est la couleur de mes plafonds, de ma robe de chambre, et si j’ai des enfants, filles ou garçons. Vous vous questionnerez, il se peut, sur ma motivation à écrire mes textes. Et je deviendrai ainsi l’inspectrice inspectée. Jusqu’au jour où quelqu’un lira les réponses que vous aurez apportées à ces questions, et se proposera de réaliser sur cette base un portrait de vous-même. Nous sommes tous et toutes des détectives en puissance. Je vous souhaite bonne prospection!

    Comment by anémone — 16 novembre 2024 @ 7:11

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