
Elle a regardé mon livre sans s’y attarder. Visiblement, il ne l’intéressait pas. Et puis, elle avait tellement de choses à raconter. C’est que ce matin-là Éliane allait chez le docteur et qu’il a fallu qu’elle m’explique ce qu’elle allait y faire en n’omettant aucun détail. Et pourtant, deux minutes avant qu’elle ne me fasse voir sa jambe pour m’expliquer son bobo, elle ne m’avait jamais vue. Or, il a suffi que sa maman dise que je travaille dans l’immeuble voisin de celui où est son bureau pour que tout soit réglé. Si je travaille dans la bâtisse rouge et si je connais son prénom, elle peut tout me raconter.
Je range mon livre dans mon sac tandis qu’Éliane saute sur place pour tenter de voir si l’autobus n’est pas loin. Puis le babil reprend de plus belle. J’avoue : elle est étourdissante. Mais aussi absolument craquante. Irrésistible.
Isabelle ose une réprimande mais Éliane fait la sourde. Ou plutôt, elle n’entend que sa voix à elle, celle qui chante un vieux rock des années 60 en agitant les bras et en lançant un pied vers la droite, l’autre vers la gauche. Décidément, je suis de plus en plus étourdie. Et même en faisant des efforts, je n’arrive pas à imaginer une scène plus paisible. Éliane est bien trop « grouillante » pour tourner sagement les pages d’un livre. Même s’il renferme des centaines d’illustrations.
Et comme si Isabelle lisait dans mes pensées, elle me dit :
« Heureusement que Josiane est tout le contraire de celle-ci. Tu me vois avec deux numéros comme ça? » Et on a ri toutes les trois.
*illustration de Lisa Adams