Lali

2 février 2008

Elle leur dira qu’elle a lu

Filed under: Couleurs et textures — Lali @ 22:53

jose_b

Elle leur dira qu’elle a lu. Qu’elle n’a pratiquement fait que ça. « Et tu n’es pas sortie? » demanderont-ils, sachant d’avance la réponse, ou presque, la lectrice de Jose Blanco s’isolant la plupart du temps les samedis et dimanches. Elle dira que non, qu’elle a écouté de la musique, écrit. Et ils la regarderont peut-être un peu curieusement. Eux qui commencent leur semaine épuisés par leurs deux journées de relâche où ils sont allés au cinéma, où ils ont brunché les deux jours, soupé chez des amis, assisté à un 5 à 7 dès la sortie du bureau le vendredi et terminé leur week-end par du ski de soirée.

Elle leur dira qu’elle a lu. Elle ne dira pas qu’autrefois elle a connu des week-ends comme les leurs. Ce serait trop long d’expliquer pourquoi elle a choisi de se retirer de la vie sociale. Et surtout, elle n’en a ni l’envie ni l’énergie. Elle leur dira qu’elle a lu. Un jour, peut-être lui demandera-t-on : « Qu’as-tu lu? »

Le poème recopié

Filed under: Couleurs et textures — Lali @ 22:27

max arthur c

S’empilent au fil des ans les livres qu’on a lus, les carnets dans lesquels on a recopié des citations, les cahiers remplis de poèmes tirés de ces livres ou de d’autres, empruntés, prêtés, perdus depuis. Et puis, un soir, on fait comme la lectrice de Max Arthur Cohn. On sort quelques cahiers et on retrouve au hasard de ceux-ci des phrases qui nous touchent, des rimes de poètes auxquels on ne pense plus. Et on comprend maintenant ce qu’on ne comprenait pas quand on a copié ces vers de Sully Prudhomme :

Le meilleur moment des amours
N’est pas quand on a dit « Je t’aime ».
Il est dans le silence même
À demi rompu tous les jours;

Il est dans les intelligences
Promptes et furtives des cœurs;
Il est dans les feintes rigueurs
Et les secrètes indulgences;

Il est dans le frisson du bras
Où se pose la main qui tremble,
Dans la page qu’on tourne ensemble
Et que pourtant on ne lit pas.

Heure unique où la bouche close
Par sa pudeur seule en dit tant;
Où le cœur s’ouvre en éclatant
Tout bas, comme un bouton de rose;

Où le parfum seul des cheveux
Paraît une faveur conquise!
Heure de la tendresse exquise
Où les respects sont des aveux.

Et on se dit qu’on a bien fait de conserver ses cahiers.

En état de grâce

Filed under: Couleurs et textures — Lali @ 21:45

perugini

Quand on regarde la lectrice de Charles Edward Perugini, on ne peut qu’admirer à quel point elle est transportée, à quel point elle est dans un état de grâce. Et soudain on pense à un extrait de Christian Boblin, dans Une petite robe de fête :

À quoi ça sert de lire. À rien ou presque. C’est comme aimer, comme jouer. C’est comme prier. Les livres sont des chapelets d’encre noire, chaque grain roulant entre les doigts, mot après mot. Et c’est quoi, au juste, prier. C’est faire silence. C’est s’éloigner de soi dans le silence.

Le lecteur d’Agatha Christie

Filed under: Couleurs et textures — Lali @ 20:22

max_s

Ce n’était pas le journal qu’il lisait, mais Les dix petits nègres d’Agatha Christie. Aussi sérieux, aussi absorbé que le lecteur de Max Slevogt. Rien n’aurait pu déranger Jacques, ni les conversations des clientes, ni le bruit du sèche-cheveux, ni le téléphone. Rien. Et j’étais fascinée. Je croyais que tout le monde avait lu ce livre. Ou sinon que tout le monde en connaissant l’intrigue et l’issue. Mais pas Jacques. Et ni Nathalie, ni Mimi pas plus que moi ne disions rien. Pas question de gâcher le plaisir de Jacques.

Seule une de ses clientes a pu le sortir de ses pages. Il faudra que j’arrête au salon lui demander s’il avait trouvé avant la fin…

De si loin

Filed under: Couleurs et textures — Lali @ 17:19

vz2

Il a beau espérer des jours meilleurs, il sait que le chemin sera long, que le combat sera difficile. Lui, le lecteur de Victor Zhuravlev, qui aime tant les livres, qui a tant lu et qui se promettait des centaines de livres ces prochaines semaines, est si fatigué qu’il n’arrive plus à se concentrer dès qu’un nouveau personnage entre en scène. Même des magazines il se lasse vite. Plus rien ne capte son attention que sa propre survie.

Il revient de loin, de plus loin qu’il n’imaginait aller. De si loin. Et il y a encore cette longue route qui l’attend. Malgré toute celle déjà parcourue et qui l’a épuisé. Vidé. Déstabilisé.

Oui, je sais qu’il ne passera pas ici avant un moment. Je sais qu’il a une vie à reconstruire et qu’il doit se refaire une santé. Je sais. Mais je tenais à lui dire que je suis quelque part sur un des sentiers de traverse. À l’attendre. Et pas seule. Même si je sais qu’il sait.

Mère et fille, jour de tempête

Filed under: Couleurs et textures — Lali @ 7:29

lat1

Il y a si peu de lumière aujourd’hui qu’on croirait presque que le jour ne s’est pas encore levé. De plus, du ciel lourd et chargé tombent de gros flocons qui laissent présager des trottoirs encombrés et glissants d’ici quelques heures.

La lectrice de Lawrence Alma-Tadema a bien tenté de convaincre sa fille de prendre un livre et de laisser la neige tomber toute seule, elle ne semble pas avoir réussi.

La jeune femme à la fenêtre pensait-elle sortir? Peut-être attendait-elle quelqu’un qui ne pourra venir?

Et la mère a décidé de se taire. Son livre est si intéressant qu’elle ne se perdra pas en babillages inutiles. Tant pis si sa fille préfère rester à regarder la tempête.

Correspondance quotidienne

Filed under: Couleurs et textures — Lali @ 0:17

izawa 2

izawa 1

Et les lettres vont de lui à elle et d’elle à lui, dans un mouvement continu et ininterrompu. Et les lettres franchissent les océans pour trouver le cœur des correspondants de Seikichi Izawa. Nul ne sait ce qui leur arrivera. Nul ne sait s’ils vivront un jour sur le même continent. Ils ont juste promis de s’écrire tous les jours.