Quelques poèmes de René Daumal 8
La lectrice de l’artiste Blake Harrisson a pris son temps. Elle voulait retenir du recueil de René Daumal intitulé Le Contre-Ciel un texte qui la toucherait plus que tout autre. Le voici donc :
La pierre lucide
Océan, ô des pleurs et des maléfices, ah! qui dit : toujours?
et quelqu’un se tait,
et l’autre meurt blanc qui se croyait un fleuve
et moi je vais sur la lisière, et méchamment ah! qui dit : toujours?
mais moi de nier et renier
et l’un meurt bleu,
et l’autre à l’océan,
retourne et quelles plumes! ma vanité d’envol,
autour de mon cou qui est le vôtre
vu je ne sais dans quel miroir
ô mon amour-néant, le vôtre aussi (et la mer!) autour,
autour les cordes brûlent, autour de votre cou
et : ah! qui dit : toujours?
sans l’effroi de ce pendu bleu et blanc
oh! non jamais, et moi de dire : jamais,
jamais dans ce miroir,
miroir sans avenir.