Le journaliste Michel Arseneault, qui s’était intéressé à Lucille Teasdale et avait dressé d’elle un portrait qui lui rendait hommage en 1997 dans Un rêve pour la vie, touche pour la première fois à la fiction. Son roman, Méfiez-vous des poètes, met en scène un écrivain, un professeur d’université spécialiste de celui-ci et une jeune doctorante qu’il dirige, laquelle s’intéresse aussi à cet écrivain méconnu, Joseph Quesnel.
L’homme a pourtant été très actif. Né à Saint-Malo et arrivé en Nouvelle-France en 1779 à l’âge de 33 ans, il s’est adonné tant à l’écriture qu’à la musique. On lui doit d’ailleurs Colas et Colinette, le premier opéra comique à être présenté en sol québécois. Par contre, si j’avais entendu parler de cet opéra dans le cadre d’un cours de théâtre au cégep, il n’avait pas été question de son auteur. C’est donc vivement intriguée par le personnage de Quesnel que je me suis plongée dans Méfiez-vous des poètes.
Or, ce que met à jour Michel Arseneault avec ce roman est un questionnement à la fois sur l’éthique et sur l’Histoire elle-même. En effet, à la lumière de documents archivistiques sur lesquels Maud a mis la main dans le cadre de ses recherches sur Quesnel pour sa thèse, celle-ci ne peut plus désormais demeurer muette alors qu’elle se trouve confrontée à certains éléments qui modifient grandement le portrait qu’elle s’était fait du poète. Le Malouin d’origine aurait été négrier avant de s’installer en Nouvelle-France et aurait même eu à son service une esclave.
Peut-on plus de 200 ans après les événements faire un procès à Quesnel? Peut-on lui attribuer des crimes qui à l’époque n’étaient pas répressibles? Doit-on absolument dévoiler le fruit de ses recherches ou peut-on les ignorer ou à tout le moins ne pas utiliser certains détails personnels qui nous éloignent de l’œuvre? Ce sont là quelques-unes des questions que soulève Michel Arseneault dans un roman qui met en scène une jeune femme déterminée et un universitaire qui ne tient pas à ce qu’on impute à « son » écrivain certains faits qui pourraient nuire à sa propre réputation et à celle de Quesnel.
Roman fouillé qui ne laisse rien au hasard, Méfiez-vous des poètes fait aussi un clin d’œil aux chaises de Michel Goulet et à Leonard Cohen qui partage une de celles-ci avec Joseph Quesnel. Un roman qui aurait sûrement plu à mon cousin historien, archiviste national de 1985 à 1997, dont la persévérance a mené à la construction du Centre de préservation à Ottawa dont il est notamment question dans cet habile roman qui entremêle savamment Histoire et fiction.
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Titre pour le Défi Premier Roman