En vos mots 935

Ce n’est pas parce qu’il fait sous zéro ce matin que je dois oublier que le printemps se prépare. N’avons-nous pas connu des journées exceptionnelles au cours de la dernière semaine avec un mercure atteingant jusqu’à 18 degrés?
C’est pour cette raison que je vous propose de faire vivre en vos mots ce tableau de l’artiste néerlandaise Mayrig Simonian, annonciateur de beaux jours à venir. Comme le veut l’habitude, aucun commentaire ne sera validé avant dimanche prochain. Vous avez donc amplement le temps d’écrire quelques lignes, de lire les textes déposés sur la scène livresque de dimanche dernier et même de les commenter si vous le souhaitez. C’est avec plaisir que nous vous lirons.
D’ici là, bon dimanche et bonne semaine à tous les envosmotistes et à celles et ceux qui les lisent.
Je séjournais dans un pays alors cher à mon coeur dont j’aspirais de tout mon être à apprendre la langue, que je trouvais cependant plutôt ardue malgré tous mes efforts. Tandis que l’amie que j’accompagnais dans ce voyage transmettait sa passion à une douzaine d’adolescents amoureux de peinture, je me rendais chaque jour avec enthousiasme dans une charmante clairière surplombant la bourgade où nous logions. Au passage j’emplissais ma gourde d’une claire et délicieuse eau de source qui allait me désaltérer des heures durant. Puis, chargée de mon dictionnaire et de quelques livres, je gravissais le sentier qui conduisait à travers bois à ce lieu si accueillant que j’avais découvert avec émerveillement dès le premier jour. Là je m’évertuais à apprendre quelques phrases qui me permettraient le soir venu de raconter ma journée. Je complétais mon cahier de vocabulaire par thèmes, ainsi que mon carnet de conjugaison. Je déchiffrais quelques textes de l’un ou l’autre poète, tout en tendant l’oreille vers le chant des oiseaux, en respirant les senteurs environnantes, et en contemplant chaque brin d’herbe et chaque feuille avec le plus grand ravissement.
C’est avec difficulté que je parvenais lors du dîner à énoncer quelques rudiments, ce qui me décevait passablement. Mais chaque matin je repartais avec le même élan vers cet endroit merveilleux de beauté, et si paisible.
Depuis lors, j’ai abandonné l’étude de cette langue que j’avais en outre si peu l’occasion de pratiquer, vu que mes amis et amies maniaient pour leur part très très bien le français. Mais je possède toujours mes livres et cahiers, et mon dictionnaire. Au cas où l’envie me viendrait soudain de m’y replonger. Quant au souvenir de cette clairière, il est toujours aussi vif dans ma mémoire. Il me suffit d’y penser pour m’y sentir vibrer à nouveau. Même si je ne suis plus jamais jusqu’à aujourd’hui retournée visiter la Bulgarie, et si j’ai pris entre-temps quelques distances avec son charme tellement envoûtant.
Comment by anémone — 27 mars 2025 @ 17:50
Et dire que tout allait bien. J’étais avachi confortablement sur mon canapé et je dévorais, avec la gourmandise d’un ogre affamé, les mots de Virginie Dussault.
Page 140, emballé par la lettre de sa mère à Ninie, je bois du petit lait jusqu’aux deux dernières lignes de la page… « Au nom des sacrifices que nous avons faits, ton père et moi, pour seconder toutes tes ambitions nobles et légitimes, je…
et merde… je, quoi ?… Quel est le crétin qui a arraché la page 141/142?… Et pour en faire quoi?… Pour me gâcher mon plaisir. Sûrement. Il y a des moments que… franchement… si je m’écoutais je mettrais des giroflées dans la tronche du crétin qui arrache les pages d’un livre. Et si ce n’est pas le bon gars qui a arraché celle-ci, je m’en fous. Comme on dit, qui arrache les pages d’un livre arrache celles de tous les autres. Point. Enfin, ce n’est pas exactement ce qu’on dit, mais c’est ça qui brûle dans mon cerveau en colère.
Alors, n’écoutant que l’audace d’un message déposé sur Facebook, comme un SOS désespéré : Si vous avez chez vous L’amour vainqueur (édition préparée par Micheline Tremblay), collection Voix retrouvées, pouvez-vous, au nom de ceux qui aiment lire, me faire une copie des pages 141/142?…
Insoutenables jours d’attente, jusqu’à ce message d’espoir d’une lointaine Emilie : « J’ai lu votre message et je comprends votre détresse. Je possède le livre dont vous cherchez à lire le contenu des pages manquantes. Touchée par votre démarche, je vous faxerai exceptionnellement le contenu des pages 141/142 dès que la photocopieuse, en panne en ce moment, décide de se remettre au travail. Bien à vous. »
Il va sans dire que j’ai aussitôt suspendu la lecture de L’amour vainqueur.
Sur le marque-pages j’ai noté: un connard a arraché la page 141/142. Une photocopieuse a décidé d’emmerder une âme charitable. La lecture reprendra aussitôt que possible. J’aime Emilie.
Par le plus grand des hasards, ma bien-aimée est tombée dessus, en faisant la poussière, comme elle le dit. Parmi les plus de 100 livres de mon étagère il fallait que ce soit celui-là. L’amour vainqueur.
Quand je l’ai vu, livre dans la main, j’ai compris, rien qu’au son de sa voix, que sa question n’avait rien d’amical : C’est qui Emilie?
Et dire que tout allait si bien…
Comment by Armando — 29 mars 2025 @ 23:57