En vos mots 801
Voici venu une fois de plus le temps de la rentrée scolaire. Les bus seront-ils à nouveau bondés comme celui-ci après une certaine accalmie? On peut facilement le supposer, raison pour laquelle je vous invite à donner vie à cette toile de l’artiste Daniel Ralph Calentano.
Aucun commentaire ne sera validé avant dimanche prochain. Vous avez donc une semaine devant vous pour écrire quelques lignes et lire les textes déposés sur l’aquarelle de dimanche dernier, et même les commenter si vous en avez envie.
Profitez bien de la dernière semaine d’août. Et rendez-vous dans sept jours pour la lecture des textes inspirés par ce tableau.
Ce qu’il y avait de chouette dans le 759, c’était que le car était toujours rempli d’habitués. Par moments je les observais, comme s’ils faisaient partie d’une même famille. Il y avait Paul, le boute-en-train toujours pressé de raconter la dernière blague, que certains écoutaient trois ou quatre fois au cours du même trajet. Il travaillait comme mécanicien dans une vieille usine à mauvaise réputation.
Puis, il y avait Monica, la couturière qui ne cessait de raconter ses déboires. Une maman malade, un fils né avec un poil dans la main, fainéant dépressif depuis sa naissance, un mari qui picolait un peu. Parfois un peu plus. Une vie sans âme. Si on peut appeler cela une vie.
Il avait également Alfred, qui travaillait au bureau de change et qui ne cessait de discuter football avec Mario, un italien à l’accent épouvantable, qui se prenait par une fin connaisseur, mais qui ne gagnait jamais ses paris, à cause de l’arbitre, disait-il.
Puis il y avait Chris. Ma préférée. Absente. Toujours le cœur dans les nuages et le nez dans ses bouquins. On aurait dit qu’autour d’elle un épais mur invisible la préservait de tout ce vacarme.
Quelques-uns s’abandonnaient aux nouvelles du monde. Ici un volcan qui gronde, plus loin une crise politique, un feu dans un vieil immeuble, un accident sur une autoroute, le programme de la télévision, la grille des mots croisés. Bonheur en quatre lettres. Sûrement la paix. Allons-y pour paix.
Puis tous les À demain, Monsieur Antoine, aux voix si différentes mais toutes chaleureuses, adressés au conducteur.
Moi, mon bonheur était d’observer tout ce beau et merveilleux monde. Ce magma de gens tellement différents et pourtant si liés, par le destin, chaque matin, le temps, plus ou moins long, de quelques arrêts.
Il m’arrivait de fermer les yeux et d’entendre la voix de Louis Armstrong : « I see trees of green, red roses too… »
Comment by Armando — 1 septembre 2022 @ 13:20
Galère. Le 759 est encore bondé. Les mêmes visages chaque matin. Les mêmes plaintes ressassées à l’infini. La belle-mère, le mari, les gosses, le voisin, le chien… Il y a toujours quelque chose ou quelqu’un à plaindre ou à maudire. Dès le matin. Ainsi est la nature humaine.
D’autres lisent. Lèvent de temps en temps les yeux. Le temps de hocher la tête ou de laisser échapper un sourire.
Galère. Le 759 est encore bondé. Serrés comme des harengs en caque. Mélanges des parfums. Promiscuité involontaire.
Minuscule village improbable sur quatre roues. Où les gens se partagent une tranche de leur vie chaque matin. Les mêmes. Toujours les mêmes. À la même heure. Durant des mois. Parfois des années.
Certains tissent une presque amitié. D’autres sont taciturnes. Ou ils font juste semblant. Puisque le regard finit toujours par trahir nos silences.
Arrêt Cour des poètes. Où est passé Monsieur Paul… Il est toujours là. Habillé comme nos grands-parents. Qu’il pleuve ou pas, il est là. Fier dans son vieux costume trois pièces. Pas aujourd’hui. Regards soupçonneux qui se croisent dans un silence aussi épais qu’un jour de brouillard. Galère. Le 759 est encore bondé. Ou presque. Plus personne à l’arrêt de la Cour des poètes. Putain de cancer. Ce fils du diable a encore gagné.
Comment by Armando — 3 septembre 2022 @ 1:22
Tous ces bruits du matin
Ne la perturbent pas,
Les cancans, les potins,
Elle ne les entend pas.
Ça cancane et ça jase
Ou ça lit en silence
Des bribes et des phrases
Traversent sa conscience.
Insensible au décor,
Elle compte le temps qui passe,
Qui la sépare encore
De la rentrée des classes.
Comment by anémone — 4 septembre 2022 @ 4:08