Lali

7 mars 2008

Petites histoires d’amour signées Corinna

Filed under: À livres ouverts — Lali @ 10:42

s. corinna bille

Du temps où j’étais étudiante au département d’études françaises de l’Université de Montréal, il y avait chaque année un cours consacré à la littérature francophone d’ailleurs. Venue du Maghreb, de Belgique, de Martinique, de Nouvelle-Calédonie, de Suisse ou du Québec, elle était vue et examinée en alternance. L’année où je me suis inscrite, le cours portait sur les écrivains suisses, c’est-à-dire Jacques Chessex, Daniel Odier, Maurice Chappaz, Georges Haldas et S. Corinna Bille.

C’est à cette dernière que je vais consacrer mon billet du moment, puisque je me suis attardée cette semaine à relire ses Cent petites histoires d’amour, un recueil de courtes nouvelles, comme je les aime. S. Corinna Bille, éprise de nature et d’Histoire, utilise largement ces deux éléments comme toiles de fonds à ses petites histoires toutes tendres et pleines de finesse. Succinctes. Sobres, même. Des histoires où reviennent ses thèmes chéris, l’amour, la mort, le rêve.

Or, je ne vois qu’une façon de vous les faire aimer et de vous donner le goût de toutes les lire. Pour ce, voici quelques extraits :

Si j’étais un arbre et toi un arbre dans la même forêt

Mes racines creuseraient la terre et les mousses, se couleraient dans les fentes des rochers, te chercheraient, te chercheraient à travers l’obscur, la lente nuit décomposée, les odeurs, les monstres sans formes, jusqu’à ce que sentant les tiennes elles frémissent de joie, d’amour si fol que la forêt entière en serait soulevée.

L’endormie

Je fus si longtemps dormante. Femme portante et calme, presque heureuse. Je me couchais dans les feuilles mortes, je donnais au soleil, aux vagues, un corps invulnérable. Je glissais sur l’herbe des montagnes, me remplissant les narines d’orchis vanille, d’épervières orangées. J’étais l’amoureuse somnambule de la lune et des bêtes, des arbres, des monstres. Je rêvais de mongols, de pyromanes, de clowns hideux, d’avaleurs de sabres. Et toujours, innocente et bergère, j’ignorais l’angoisse, mais le cri de milan de l’amour, pendant mille ans, oui, je ne l’avais plus entendu.

Mais un jour tu es venu, tu m’as prise par la main. Et tu m’as dit pour me réveiller, car je dormais encore :
-Mon épouse, ma sœur, je t’ai reconnue.

La réalité

Elle plongeait dans le sommeil, entraînant avec elle une ronde de curieux personnages. Elle entendait leurs voix, leurs appels. Elle leur parlait se promenant dans des contrées ineffables. puis soudain elle se réveillait dans la grande maison de famille, bien loin d’eux, seule avec sa mère. Mais la réalité est encore plus belle que le rêve, pensait-elle.

Tour à tour, se rendormant, rouvrant les yeux, elle riait de bonheur, roulait la tête dans ses draps, car oui – c’est vrai! – la réalité de la vie était encore plus belle.

Un commentaire »

  1. Voilà un livre que ne tardera pas à me tenir compagnie.

    Comment by Armando — 8 mars 2008 @ 17:35

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