Voix d’Égypte 2
Soir
C’était un calme soir de l’été somptueux,
Dans la campagne rose en sa tunique neuve,
Et loin des noirs faubourgs toujours tumultueux,
Sous les grands arbres assoupis au bord du fleuve.
Des pêcheurs obstinés, au fond du flot changeant,
Poursuivaient un désir fluide, insaisissable,
Ou bâtissaient un rêve avec l’or du couchant,
Heureux comme l’enfant qui dresse un mur de sable.
Tout respirait le calme et la sérénité.
L’heure coulait, divine, ainsi qu’une lumière,
Et la terre, en l’orgueil de sa fécondité,
S’offrait toute à la nuit qui baissait ses paupières.
Mais toi que je cherchais, ô douloureuse sœur,
Tu suivais longuement, des yeux, le blanc sillage
Des bateaux en allés sur le fleuve, et ton cœur,
Chargé du beau destin qui fut celui des mages,
Tressaillait quand l’aboi des canons, quelquefois,
Mourrait en une plainte étrange au fond des plaines.
Ô ma très douce amie, entendais-tu ma voix
Qui te parlait tout bas pour mieux bercer ta peine?
Je voulais que ce soir d’universel oubli
Mît sur ton âme en pleurs l’infini de ton charme;
Hélas! Quand je baisai ton visage pâli,
Sur tes beaux yeux profonds je bus de froides larmes.
Fernand Leprette
(extrait de l’Anthologie de la poésie francophone d’Égypte de Jean-Jacques Luthi)
*choix de la lectrice de Karl Hofer