Corps éphémère 8
Sur l’océan
qu’aucune terre ne borne
le vent te précède
tu découvres enfin
l’origine
dans l’absence qui te comble
Denise Borias, Corps éphémère
*choix de la lectrice d’Erwan Bézie
Sur l’océan
qu’aucune terre ne borne
le vent te précède
tu découvres enfin
l’origine
dans l’absence qui te comble
Denise Borias, Corps éphémère
*choix de la lectrice d’Erwan Bézie
Avec Premiers soins, le slameur québécois David Goudreault signe un recueil qui met en scène les éclopés du quotidien, les abîmés du corps, les greffés du cœur, les abandonnés à leur propre sort, les tristes sires, les guérisseurs comme ceux qui ont baissé les bras, tous ceux qu’il a croisés le temps d’un séjour à l’hôpital, des patients à celle qui tient la boutique en passant par les médecins.
Un docteur en bonne et due forme
M’explique le corps et leur réparation
La facilité de ce qui se fait seul souvent
Puis vient le moment où
Recoudre
Visser
Amputer
Sans autres choix
Avec les cicatrices et les séquelles
Je l’écoute d’une oreille
Tout le reste pense à toi
L’auteur, récompensé deux fois en 2011, la première par la coupe du monde de Slam poésie, et la seconde par la médaille de l’Assemblée nationale du Québec pour son implication sociale, ne fait pas les coins ronds. Pas question de taire la souffrance d’être parfois un numéro dans la longue chaîne des soins.
Ni maladie rare
Ni fossette attendrissante
Chaque journée me fait perdre de la valeur
Et me fond dans le moule
D’une statistique acceptable
D’autant plus que :
Nous cherchons des pansements de dentelles pour nos miroirs brisés
Et que :
La morgue est la dernière
La plus juste des douanières
Premiers soins est un recueil qui doit être impérativement lu à haute voix pour que soit mis en relief et en évidence le rythme donné à l’urgence même de certaines situations ou pour la contrer à l’heure de la peur qui s’empare de tous quand le corps se déglingue. Ou à celle du constat qu’il n’y a plus rien à faire, même si :
On met de l’amitié dans nos ruptures
Comme on met du sucre dans le café
On atténue un peu l’amertume
Rien ne change à l’effet
Une nouvelle voix poétique plus grave que légère vient de s’inscrire dans le paysage québécois. Une nouvelle voix à suivre pour son regard, la justesse de celui-ci. Pour les mots sans détour à scander pour tenter de vaincre. Et de survivre.
Un beau désordre vaut mieux qu’une inerte ordonnance. (Eugène Savitzkaya)
*illustration de Jose Rosero