Lali

Tous ces livres ouverts. Parce qu’un passage lu la mène à un autre qu’elle a lu il y a longtemps. Parce qu’il lui faut chercher, toujours aller plus loin, creuser. Parce qu’elle n’est jamais comblée. Insatiable, disent d’elle les rares amis qu’elle n’a pas perdus, parce que la lectrice de Frank Frigyes a souvent préféré à leur compagnie celle des livres qui s’entassent, qui s’empilent, qui prennent toute la place et dont elles ne se lassent pas.

Et si parfois il lui arrive de regarder derrière, ce qui est rare avouons-le, elle se souvient qu’elle a vécu un temps avec un homme qui ne lisait pas. Et maintenant qu’elle s’en est défait, et depuis longtemps, et après avoir toléré de nombreux travers, elle sait que le pire était celui-là. Et que si un jour un autre homme entrait dans sa vie, elle ne remarquerait pas les poils de barbe dans l’évier, elle ne verrait pas plus les vêtements abandonnés dans des endroits incongrus, elle ne dirait rien si jamais il ne lui offrait de fleurs. Non, elle ne dirait rien, ne voudrait rien changer. À une seule condition : que cet homme soit un dévoreur de livres.

Sans ce que me font découvrir Armando et Denis, certaines soirées me sembleraient peut-être beaucoup plus longues, même s’il y a toujours des sites d’artistes-peintres à visiter, des livres qui s’empilent et tant et tant à écrire. Oui, si je n’avais pas toutes ces musiques, il me manquerait sûrement de grandes heures de bonheur.

Et ce soir, c’est la voix de Miranda Sage qui ponctue ma soirée, une artiste de Colombie-Britannique, née au Royaume-Uni. L’album s’appelle Moon Tiger. Pur délice. Je ne sais si c’est à cause du sens du jeu qu’on sent dans la voix de Miranda Sage et qui révèle justement quelque chose qui n’est pas vraiment sage, mais il y a dans cette voix quelque chose qui me ravit. Et même si elle interprète de façon magistrale « Fly me to the moon », c’est toujours à la chanson « Orchids in the Moonlight » que je retourne. Peut-être, parce que, c’est ainsi que j’ai découvert cette chanteuse au ton parfois désinvolte, mais toujours chaleureux. À découvrir.

Dans le matin tranquille, alors que la vie bouillonne ailleurs, il y a toujours ce petit moment de lecture qu’elle s’accorde. Quelques pages, jamais plus. Pour la route, pour rêver. Pour faire quelque chose pour elle seule, alors que toute la journée, elle sera au service des autres, loin d’elle-même. Et tandis que s’égrènent les minutes et les secondes, la lectrice de Ben Cowan ne pense qu’à elle.

Cette photo prise par Armando au mois d’août, alors qu’il était à Montréal, me fait me poser une seconde question. Lorsqu’elles ne sont plus, lorsque les pétales s’éparpillent sur le sol, les fleurs vont-elles au paradis des fleurs?

Quand je regarde la photo de Cath prise il y a quelque temps, me vient à l’esprit une question. Le froid venu, l’hiver à nos portes, où vont les papillons? Vont-ils se réfugier au sud pendant quelques mois comme le font les gens qui ne supportent pas la neige et qui partent pour la Floride dès novembre? Ou alors dorment-ils jusqu’au printemps?