Sur les traces de Pessoa 16
Il me semble que la lectrice de Chaïm Soutine s’est allongée tout de suite, qu’elle a choisi cette position et qu’elle n’a plus bougé tout le temps qu’elle a parcouru les Poèmes païens de Fernando Pessoa. Comme si elle était tétanisée.
De quelle vie emplir les brefs et peu nombreux
Jours qui me sont donnés? Est-elle à moi
Ma vie, ou consacrée
À d’autres, ou à des ombres?
À l’ombre de nous-mêmes combien d’hommes
Inconscients nous sacrifions
Et quel destin nous suivons,
Pas plus nôtre qu’à autrui!
Pourtant notre destin est ce qui vient à être nôtre,
Don du hasard, ou d’une étrange fatalité.
Anonyme pour anonyme,
Le courant nous emporte.