Quelques poèmes de René Daumal 6
C’est la lectrice du peintre Edgard Maxence qui a ce soir ouvert Le Contre-Ciel de René Daumal. Le temps de s’arrêter sur ce texte, qui semble avoir retenu son attention plus que tout autre :
Jour, ô scandale!
Un siècle s’est-il écoulé
depuis ce dernier sourire
qui flotta devant mes yeux,
depuis ce soupir
qui me noya dans un vertige creux?
Ô brume et boule et nuit femelle,
le temps que j’ouvre la bouche,
disparue… Ô soleil vide,
lumière imbécile, non, tu n’éclaires rien;
où se cache-t-elle,
où rôde l’ombre de ses mains?
Ciel menteur, avec tes pierres aériennes,
tu me dis : « C’est impossible »,
tu ne sais dire que cela,
ô ciel, robe des suicidés.
Mais où flottent les mains d’ombre?
N’est-ce pas, n’est-ce pas que le jour est menteur?
Ah! vous ne croyez pas, vous non plus, au soleil?
Hélas! bleu et blanc et vert sur les collines,
l’espace crie et rit de ma solitude.
La véritable nuit est dans le cœur des fleurs,
des grandes fleurs noires qui ne s’ouvrent pas.
Assassin d’or et de verre bleu,
tu me l’as dérobée le temps que je m’éveille,
il n’y a rien de plus que des couleurs,
des formes et des sons, un monde sans détours.
Mais mon œil en s’ouvrant est devenu aveugle,
d’un coup de paupière, ô pauvre océan,
toi qui noyais les rires du soleil,
adieu; oh! pourquoi ce ciel inutile?
Je ne crois plus à la lumière,
il ne reste rien, des îles éparpillées
s’en vont mourir dans les gouffres,
mais je ne sais plus me perdre,
et je pleure dans le faux jour.
Bonjour,
Je viens de faire paraître un essai « Les machines de René Daumal » (mais en autoédition, d’où cette page discrète de publicité…)
http://www.thebookedition.com/les-machines-de-rene-daumal-de-jean-francois-sterell-p-57970.html
jean-François Sterell
Comment by Jean-François Sterell — 12 mai 2011 @ 9:02