Quelques poèmes de René Daumal 5
Elle n’a même pas pris le temps de retirer son chapeau. La lectrice peinte par Joseph Milner Kite s’est précipitée sur Le Contre-Ciel de René Daumal, dont elle a lu la moindre ligne avant de sélectionner ce texte pour vous :
Creux de songe
Tu te relèves déjà, soif,
hé quoi, tu fais la sourde aurore,
tu te relèves, monstre jour,
tu ne veux pas crever encore,
l’horizon palpite et sue
avec trois balles dans la peau,
et tu marches toujours nue
avec tes pattes transparentes
et ton ventre de cristal souple.
Ah! mais tu ne casseras pas?
Les cloches ne te rueront pas?
Tu restes là, avec les belles idiotes,
entre les bras de la fontaine,
je vais me cacher dans les nuits,
dans les ventres d’ombre nue,
ah! tu peux marcher, soif transparente,
tu peux faire la sourde aurore,
j’ai pour toi les sommeils aux cents plis,
tu peux t’éteindre, ô flamme opaque.