Quelques poèmes de René Daumal 4
J’aime ces rencontres hautement improbables que je provoque soir après soir entre une lectrice et un recueil de poèmes. Ainsi celle entre la lectrice peinte par Erastus Salisbury Field et le recueil de René Daumal intitulé Le Contre-Ciel, dont elle a tiré ces vers :
À perdre sens
Outre pleine de cris
– cris rouges du sang sombre,
et cris blancs des mains maigres,
et clameur bleue sous les plafonds calmes des fronts –
peau pleine de rumeurs
aux échos des villes souterraines,
quand crèveras-tu en sanglots,
dissolution de ton chaos?
Fleuves charriant de grandes membranes mortes,
pellicules blanches de la souffrance,
coulée des larmes et des sueurs,
dans quelle bouche allez-vous vous perdre,
pour renaître fleurs de feu?
Les flots nuageux et salés
des paupières battantes et des portes
qui s’ouvrent seules sur les champs d’ombre,
vont et se retournent,
ventres sonores de mes plaintes,
toujours les mêmes et changeantes,
voix vides aux larges remous.
Vides, pâles, je ne les comprends plus,
ces grandes voix blanches.