Quelques poèmes de René Daumal 3
C’est la lectrice peinte par Valentine Reyre, reconnue notamment pour ses vitraux, qui a ce soir parcouru Le Contre-Ciel du poète René Daumal. Longuement. Jusqu’à ce qu’elle choisisse ces vers à votre intention :
Froidement
Attention, le voilà avec sa plume,
attention, il va s’expliquer,
il va crier, il est seul.
Taisez-vous, taisez-vous, leur dis-je;
– à qui? – Les mots perdent leurs peaux,
ils sont nus et froids dans ma main.
Ah! mon couteau le plus glacé,
mon plus trompeur semblant de meurtre,
c’est cette parole : à qui?
Je ne parle à personne,
je me vautre sous les lampes,
je me déchire au bord des fleuves.
Je voudrais dire : vous…
et ajouter n’importe quoi;
mais un œil blanc sans pitié,
– et sans vie, bien sûr – m’a cloué.
Alors, pourquoi donc chercher les saisons,
les animaux des fables, les naufrages,
les illustrations du malheur,
les fers forgés complaisants,
et tout le reste?
Eh bien, oui, seul, assez!