Lali

22 janvier 2014

Loin des bons sentiments

Filed under: À livres ouverts — Lali @ 19:20

Je_parle_arme_blanche_

Les lecteurs de poésie qui attendaient une nouvelle voix cassante, loin de la beauté et de la douceur des choses trouveront dans le premier recueil de Jonathan Charrette ce souffle et ces mots qu’on croyait disparus avec la mort de Denis Vanier, abondamment cité ici.

quand l’endorphine prononce une épitaphe
l’écriture hure contre les tympans
les mots sont déclarés perte totale
,
écrit-il dans un cri de révolte qui a tout du constat alors que le monde s’effondre et qu’il est
difficile de colmater les cratères
devant cette longue surdose

Au moyen d’une langue dans laquelle les images nous sont jetées au visage comme autant d’éclats de vie où sourd la mort, seule évidence à l’heure où tout se flétrit et se décompose, l’auteur continue son exploration :
mon cœur lègue ses jointures à la morgue
lorsque la peau signe son testament
j’ai l’espérance de vie d’une cicatrice

Rien n’est rose dans Je parle arme blanche. Tout est violence longtemps contenue esquissée à gros traits pour mieux la dire sans concession et sans apitoiement :
Mon corps ni la complexité de son origami
la nuit a juré de n’être que décimation
un étau réorganise mon paysage crânien

Chaque strophe est le résultat d’une analyse, l’effroyable point de non-retour d’une situation sans issue autre que l’écriture, malgré ses pièges et les blessures qu’elle occasionne :
chaque page possède un système respiratoire
il faut en tracer le paysage intérieur
l’écriture est une radiographie du papier
un test de Rorschach toujours échoué
sur les berges de la grammaire

Jonathan Charrette propose une poésie loin des bons sentiments. Loin du tout cuit et du mille fois dit. L’effet est percutant pour les lecteurs habitués aux poètes contemporains qui font preuve de pudeur dans leur vocabulaire et d’économie de mots. Un poète sans peur est né.

Texte publié dans

Pas de commentaire »

Pas encore de commentaire.

Flux RSS des commentaires de cet article. TrackBack URI

Laisser un commentaire