L’art de refuser un roman
Quiconque a aimé les Exercices de style de Raymond Queneau devrait prendre plaisir aux lettres de refus imaginées par Camilien Roy, lesquelles se trouvent réunies dans L’art de refuser un roman, opuscule d’un peu plus de 100 pages publié chez Stanké en 2007.
D’entrée de jeu, l’auteur s’adresse à un lecteur qui vient de terminer la rédaction de son premier roman, après des semaines, des mois, voire des années de travail acharné, afin de le préparer à un refus. Car un premier roman est toujours refusé, que le lecteur-écrivain se le tienne pour dit, le voilà prévenu. Et il sera refusé plus d’une fois, qu’il note aussi cette information. Car c’est ainsi dans le petit monde de la littérature, affirme l’auteur sans détour et avec un brin de cynisme. Rien ne sert de vous leurrer, il y a beaucoup d’appelés par la grâce de l’écriture et peu d’élus par les éditeurs. Même Proust est passé par là, c’est vous dire.
Mais ne vous en faites pas, grâce à cette série de lettres, vous serez blindé. Vous ne tomberez pas de votre chaise au moment d’essuyer votre premier refus. Il est même possible que vous deveniez collectionneur de lettres de refus. C’est plus original que la philatélie, non? Et puis, avec une telle collection, vous aurez toujours de quoi lire sans ouvrir un livre. Il vous suffira d’ouvrir le tiroir, la boîte ou l’album où vous les classerez afin de lire l’un de ces chefs-d’œuvre dont vous prendrez vite l’habitude, le premier choc passé.
N’est pas Réjean Ducharme n’importe qui. Alors que les éditeurs font souvent dans le n’importe quoi quand il s’agit de refuser un premier roman. Parfois pressé, d’autres fois interrogatif, il peut être concis et direct, ou écrire en acadien comme Antonine Maillet, vous indiquer le mode d’emploi pour le cas où vous voudriez lui soumettre votre prochain roman, se faire poétique ou gastronomique, voire même sentencieux ou analytique, mais vous saurez tout de suite s’il est daltonien malgré son évidente façon de tergiverser ou s’il est paranoïaque.
Recueil ludique et sans prétention, L’art de refuser un roman est agréable à lire, malgré les redites. L’idée est originale et l’auteur semble avoir eu beaucoup de plaisir à inventer des formes de refus. Lecture idéale pour les trajets de bus ou de métro, L’art de refuser un roman devrait à tout le moins vous faire sourire. Peut-être pas autant que Queneau, mais plus que bien des humoristes qui sont supposés être drôles. Non, non, je ne mentionnerai pas les noms. Vous les connaissez.
Titre pour le Challenge « Le nez dans les livres »
Les éditeurs seraient-ils des écrivains frustrés qui se lâchent en rédigeant leurs lettres de refus 😉 ?
Merci pour cette découverte et ta participation au challenge !
Comment by George — 10 juin 2013 @ 3:04