En vos mots 907
Déjà dimanche! C’est fou comme les semaines passent vite. Probablement parce qu’elles sont très occupées, voire trop… Et dimanche signifie au pays de Lali un nouvel En vos mots!
Je vous propose cette semaine de faire vivre à votre façon cette mignonne scène livresque de l’artiste Karen Ritz, pour laquelle j’ai eu un véritable coup de foudre, en espérant qu’elle vous inspirera. Aucun commentaire ne sera validé avant dimanche prochain. Vous avez donc plus que le temps de lire les textes déposés sur l’illustration de dimanche dernier et d’écrire quelques lignes. C’est avec plaisir que nous vous lirons.
Bon dimanche et bonne semaine à tous les envosmotistes et à celles et ceux qui les lisent!
Quoi? Quoi encore?
Tu veux faire ta généalogie, oui, je sais, tu me l’as déjà dit!
Mais franchement? à quoi ça va te servir?
à savoir d’où tu viens? laisse-moi rire!
Tu es la fille de ta mère, qui est la fille de la sienne et au bout du fil, pour ce que j’en sais, la première tigresse grise qu’on a eue venait de la côte belge.
Oui, Madame!
Mais ça ne te mène pas très loin, vers 1981 à peu près…
ça va?
tu es contente?
tu me laisses continuer ma lecture, maintenant?
Comment by Adrienne — 10 septembre 2024 @ 5:04
– Tu m’empêches de lire, Kitty. Je te l’ai déjà dit combien de fois?
– Mais moi je veux jouer avec toi, Gary. Je te le fais comprendre depuis combien de temps déjà?
– Je ne te le fais pas dire! Cela fait trop longtemps, et ton comportement m’exaspère!
– La patience des chats est légendaire. C’est comme cela qu’ils attrapent leurs proies. Mais là je trouve que tu exagères, tu te moques de moi.
– C’est toi qui exagères. Tu veux jouer quand j’étudie. Tu veux jouer quand, après mes leçons, enfin je lis. Mais quand donc aurai-je du temps pour moi à ce rythme-là?
– Je voudrais simplement que du temps pour toi, ce soit aussi du temps pour nous. Cela semble toutefois être beaucoup te demander.
– Tu as peut-être raison. Mais si seulement tu savais lire, aussi. Lire est le jeu que je préfère. Pas vraiment un jeu, mais une activité de détente, à laquelle je tiens plus que tout. Qui me fait tellement de bien.
– D’accord. Je comprends. Je vais me coucher près de toi, et tu pourras me caresser tranquillement pendant ta lecture. Mais pour me prouver ta compréhension de mes besoins, tu joueras aussi de temps en temps à me jeter mon jouet pour que je te le rapporte et que je puisse courir comme cela me fait tant plaisir à moi.
– OK, tu as gagné! Tu me comprends, je dois donc aussi pouvoir me mettre à ta place. Je te lancerai ta souris trois ou quatre fois chaque fois que je tournerai une page. Et le reste du temps tu resteras bien sage.
– Tope-là, fait la chatte, en clignant des yeux et en tendant la patte.
Comment by anémone — 10 septembre 2024 @ 15:44
Lisboa, 15 septembre 2024
Ma chère B.,
La première fois que je l’ai vu, c’était l’avant-veille de mon 10e anniversaire. Il était là. Assis. De l’autre côté de la fenêtre. Il me regardait. Silencieux. Comme s’il avait besoin de s’assurer que je pouvais lui convenir comme ami. Je lui ai ouvert la fenêtre. Salut la boule de poils… Tu veux entrer?
Zorbas n’a pas bougé. On aurait dit qu’il était sourd. Ou qu’il n’avait que faire de mes mots. Il est resté là, encore un peu. Toujours silencieux. Et puis il s’en est allé, nonchalant.
Je l’ai attendu le lendemain. Puis le surlendemain. Et ainsi de suite. Ce n’est qu’au bout d’une semaine qu’il s’est décidé à revenir. J’ai entendu sa patte caresser la vitre de ma fenêtre. Je l’ai regardé et il s’est arrêté comme s’il attendait que je l’invite à entrer. Je suis drôlement content de te revoir Zorbas, je lui ai dit en lui gratouillant la tête.
En fait, je ne savais quel était son vrai nom. Mais pour notre amitié naissante, cela n’avait aucune importance. Puis, depuis Luis Sepúlveda, Zorbas était un nom plus que respectable qui comptait dans l’univers littéraire autant que le chat de Schrödinger et le Chat botté de Perrault. Alors… il ne m’a pas paru étonnant de le nommer de la sorte.
Pour la première fois de ma vie, j’allais pouvoir confier à un autre être vivant les mots de ma solitude d’enfant. Mes rares joies et mes nombreuses folies. Lui faire écouter mes musiques. Mikis Theodorakis. Chet Baker. Bach. Aznavour. Cohen. Peut-être Amália. Pourquoi pas?…
Lui lire quelques bouts de mes livres préférés. Quand je pense qu’un jour je me suis surpris à lui murmurer les mots de Sepúlvida : Quand tu n’auras nulle part où pleurer, souviens-toi de mes paroles…
Pauvre fou que j’étais. Par chance, mes dingueries semblaient lui plaire, puisqu’il revenait et qu’après avoir fait le tour du propriétaire, scrutant minutieusement chaque coin, il décidait enfin de s’installer, avec élégance, à distance de main. Toujours. Tout va comme tu veux, Zorbas?… Et il me regardait languissant. Content que je l’appelle ainsi.
Nous avons vécu d’innombrables mois, dans une amitié silencieuse, respectueuse et complice. Moi avec mes blessures, mes lectures et mes murmures à peine audibles, lui avec ses ronronnements et ses secrets jamais avoués.
Puis, comme il est venu, il s’en est allé. Pour ne plus revenir. Je l’ai attendu pourtant. Je l’ai guetté mille fois dans l’espoir de le voir. Le temps ayant fait son inexorable besogne, j’ai fini par m’y faire. Enfin, pas tout à fait, puisque, aujourd’hui encore, à chaque fois que je croise un chat, je cherche son regard et je lui murmure : Alors Zorbas?… Au cas où…
Je t’embrasse.
A.
Comment by Armando — 10 septembre 2024 @ 20:22