En vos mots 897
Alors que je viens à l’instant de valider les textes que vous avez déposés sur la scène livresque de dimanche dernier, que je vous suggère de lire et même de commenter si vous en avez envie, je vous propose cette semaine de faire vivre en vos mots cette ilustration de Francesca Sanna.
Aucun commentaire ne sera visible avant dimanche dernier, comme le veut l’habitude. C’est donc avec plaisir que nous vous lirons dans sept jours et pas avant.
D’ici là, bon dimanche, bonne semaine et bon début de juillet à tous les envosmotistes et à celles et ceux qui les lisent.
Lali jouit aujourd’hui d’un jour de vacances. Et elle compte bien le savourer. Elle travaille tant. Mais il pleut! Et on annonce des ouragans. Que faire? Tant pis pour ses envies de promenade, de dunes, de forêt, de mer. Il reste toujours sa bibliothèque. Et dans sa bibliothèque, on peut trouver tout cela en même temps. Elle peut, selon son gré, y effectuer une traversée du Sahara, envisager un tour du monde à la voile, ou participer à un trekking dans l’Himalaya. Elle n’a que l’embarras du choix. Elle se décide avec enthousiasme pour la conquête de l’Everest. Et c’est vrai que pour atteindre le volume, tout là-haut, elle a dû se jucher sur un grand escabeau. Le chat, deux étages plus loin, craint d’être dérangé et l’observe. Mais non, Lali ne l’a pas vu. Apaisé, il referme l’oeil et se rendort. Un peu plus bas, ses trois comparses font leur toilette comme si de rien n’était, sans nulle peur apparente de se trouver embarqués dans une équipée quelconque, ou simplement délogés de leur habitacle douillet.
Lali s’envole maintenant vers les sommets, pleine d’une ardeur nouvelle et comme mue par l’énergie du désespoir. Quand le climat ne permet pas de traverser la rue sans se retrouver trempée, ni de franchir sans encombres ce même espace tout en luttant contre les bourrasques, il semble bien confortable de partir à l’assaut des montagnes, enfoncée comme elle l’est dans son moelleux canapé.
Comment by anémone — 6 juillet 2024 @ 8:06
Lisboa, 7 juillet 2024
Ma chère B.,
Il me vient l’envie de te parler de mon premier livre. Celui qui compte. Pour toute une existence. Celui qui veille sur moi, en silence, depuis toujours. Dans ma bibliothèque.
Je ne te parle pas d’un de ces livres de troisième main achetés à un de ces marchants peu scrupuleux, avec les coins déchirés, des pages manquantes et des moustaches et autres fantaisies ajoutées au crayon noir par des imbéciles, amusés de laisser leur trace sur les pages des livres qu’ils laisseront charitablement aux plus démunis. Et pourtant, je n’ai feuilleté que ceux-là durant toute mon enfance.
Mais, ma chère B. je m’ égare. Je reviens donc à mon premier livre. Il raconte la rencontre d’un aviateur échoué au Sahara et d’un enfant venu d’ailleurs qui s’aperçoit de l’inutilité des adultes. Cela parle de choses simples. De l’amitié. De l’amour. D’un allumeur de réverbères. D’un renard. D’une rose. Mais, avec le temps et en prenant de l’âge, il me parle aussi d’un professeur aux yeux rieurs, pour toujours dans mon cœur, qui me l’a offert un jour pour que je ne sois plus jamais seul, lorsque la tristesse déciderait de verser ses larmes amères sur mon cœur, et pour que je puisse m’évader dans un autre univers. Un monde où l’espoir serait aussi éclatant qu’un doux soleil d’un jour nouveau.
Mon premier livre est devenu bien plus qu’un simple livre. C’est un retour en enfance. Le chant trépidant des souvenirs mélangé à la voix calme et tendre d’un professeur que j’entends me dire « Tu vas y arriver », alors que je ne me persuadais que « jamais». Et son sourire. « Si, si tu vas y arriver. Je le sais. Il n’y a que toi qui souffre encore trop pour le savoir. »
Et puis toujours ce feu de l’intérieur. Comme un volcan endormi. Silencieux. L’âge est un magicien qui transforme nos funestes blessures en souvenirs.
Un jour, je me le suis promis cent fois, je te l’offrirai. Pour que toi, à ton tour, tu ne sois plus jamais seule. Pour que tu le ranges dans ta bibliothèque. Pour qu’il veille sur toi. Pour que tu saches que les grandes personnes que nous sommes devenues, un jour, nous aussi avons été des enfants.
Je t’embrasse.
Armando
Comment by Armando — 6 juillet 2024 @ 10:56